L'ESA va tenter de dégivrer un miroir du télescope Euclid à 1,5 million de kilomètres de la Terre

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
19 mars 2024 à 11h13
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Vue d'artiste du télescope spatial Euclid © ESA
Vue d'artiste du télescope spatial Euclid © ESA


Alors que sa campagne scientifique a commencé, les chercheurs ont observé une baisse de luminosité sur les miroirs du télescope Euclid. Inquiétant ? Pas de panique, il ne s’agit que de givre. Mais ce n’est pas une mince affaire pour un appareil aussi sensible qui doit cartographier la structure de l’Univers.


Ce n’est pas tout à fait inédit, même dans le petit monde des télescopes spatiaux. Malgré les précautions lors de la préparation, malgré les salles blanches et leur atmosphère protégée, il reste un très faible taux d’humidité confiné lors du lancement dans les entrailles de la partie optique du télescope Euclid. Ces molécules d’eau, en impesanteur et dans des conditions très froides, gèlent et ont tendance à se déposer sur les optiques extraordinairement propres du télescope.

Il s'agit d'une couche minuscule, quelques particules de givre à peine, mais elle peut perturber les mesures d’instruments dont la sensibilité est extrême. « Nous avons comparé la lumière reçue par l’instrument VIS lors des étapes d’étalonnage, avec des mesures prises par Euclid et par son cousin le télescope Gaia », explique Mischa Schirmer, l’un des responsables de l’instrument. « Il existe des étoiles dans l’Univers dont l’intensité peut varier, mais une majorité sont stables durant des millions et des millions d’années. Ainsi, lorsque nos mesures ont montré qu’elles recevaient moins de photons, nous avons su que ce n’étaient pas elles, c’était nous. » Ennuyeux, à 1,5 million de kilomètres de la Terre.

Pas de fonction « dégivrage pare-brise »

Il a fallu plusieurs semaines pour identifier à quel endroit spécifique (puis sur quel miroir) une minuscule couche de givre était en train de se constituer et de perturber les mesures. Il existe des moyens pour évacuer les gaz atmosphériques présents dans les parties optiques d’un véhicule spatial, en particulier lors de son étalonnage initial, ce qui consiste tout simplement à réchauffer (doucement) chaque organe du télescope pour que la glace se sublime en gaz, avant de la ventiler dans l’espace.

Le télescope Euclid a déjà réalisé cette étape, mais il reste toujours un peu de givre qui se reconstitue. C’est un problème particulier, parce qu’au contraire d’un satellite optique « classique », Euclid a démarré sa mission scientifique. Il vaudrait donc mieux éviter de réchauffer le télescope dans son ensemble, car il faut ensuite réétalonner les capteurs. Ce qui équivaudrait à refaire ensuite des mois de mesures...

L'une des premières photos publiées (un cluster d'étoiles) après l'étalonnage du télescope spatial Euclid © ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, CC BY-SA 3.0 IGO
L'une des premières photos publiées (un cluster d'étoiles) après l'étalonnage du télescope spatial Euclid © ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, CC BY-SA 3.0 IGO

Une petite touche après l’autre

Néanmoins, il faut s’occuper du problème. Et limiter tout changement thermique. Pour cela, les équipes vont « jouer » avec des cycles de chauffe ciblés sur les miroirs, qui ne sont pas les parties les plus sensibles (il s’agit évidemment des capteurs), d’abord un par un, puis plus s’il le faut, jusqu’à ce que les mesures optiques montrent une amélioration des mesures.

Il s’agit bien entendu d’un délicat compromis. Le givre n’empêche pas Euclid de bien faire la majorité de ses relevés. Néanmoins, pour les plus précis d’entre eux, qui sont importants afin de réussir sa mission de cartographie et d’observation de la structure de l’Univers (notamment l’observation de galaxies extrêmement lointaines, grâce à des effets de lentilles gravitationnelles), il faudra réussir à dégivrer, puis dégazer autant de molécules d’eau que possible.

Plus les capteurs et les ambitions d’une mission sont complexes, plus les problèmes le sont aussi...

Source : Communiqué de presse ESA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (12)

Nmut
Ca me rappelle un problème que j’ai eu sur un projet dans une «&nbsp;autre vie&nbsp;».<br /> Une machine de vente de ticket de train sur un quai dans une gare neo-zélandaise avait des problèmes d’impression les matins dans l’hiver austral. On s’est aperçu que c’était la position de la machine par rapport au vent qui faisait un courant d’air interne qui annulait l’effet du chauffage du boitier. Comme le PC de contrôle était en dessous de l’imprimante, j’ai eu l’idée de lancer des burns sur le proc quand la température descendait sous les -3°C =&gt; problème résolu.<br /> Si l’ESA a besoin de moi, je suis disponible!
Korgen
N’importe qui saurait que ça va arriver, je ne comprend pas pourquoi l’ESA ne prévoit pas de système de dégivrage à la conception qui soit adapté.
pcasenove
Et vous croyez qu’on est capable de chauffer les miroirs comment? On a un systeme de dégivrage a de nombreux endroits de la cavité instrumentale justement car on savait que c’était une possibilité. Mais pour les objectifs scientifiques d’Euclid, le moindre kelvin est important, les détecteurs infra rouge détestent le chaud, donc chauffer tout coûterait des mois de mission… On a préféré réfléchir et revoir la procédure qui avait ete imaginée au sol…
Darth_1_1
Eh voilà… tout ça à cause de Jean-Louis qui a posé son café sur le telescope, la vapeur d’eau est restée dedans…
LeChien
Il nous manquait l’expert de service.
LeChien
En mars, je pose mon bac de germination de poivrons sur ma box internet. Je gagne bien deux semaines…
Korgen
On t’écoute, éclaire nous. Dis nous pourquoi l’ESA n’a prévu aucun dispositif.
Nmut
Pas de problèmes, que des solutions!
Nmut
Il y en a un.<br /> Mais il est prévu pour fonctionner une seule fois, à l’initialisation du satellite. Après, cela pose de gros problèmes d’étalonnage et cela fait donc des mois d’observation de perdus si on l’utilise de nouveau. Ils sont «&nbsp;juste&nbsp;» tombé sur un problème: le dégivrage initial n’a pas suffit et ils cherchent un contournement…
LeChien
Dis nous plutôt pourquoi tu penses pouvoir affirmer ça après avoir lu l’article ou une autre source.
Palou
Euh … s’il y a du givre dans l’espace lointain, c’est qu’il y a de l’humidité, de l’eau dans l’espace à 1,5 million de km
ebottlaender
Non, c’est de l’humidité bien terrestre Piégée dans des molécules d’air bien terrestre… Parce qu’il y en a, du volume d’air à dégazer là dedans.
HasturetlesMinimoys2
C’est indiqué dans le premier paragraphe qu’il s’agit d’humidité terrestre confinée dans le télescope lors du lancement.
Korgen
@Nmut Je vois mieux, merci pour les précisions <br /> @Lechien J’affirme que dalle, je pose en substance une question. T’es bien malin pour troller mais pour comprendre le français t’es pas très futé.
LeChien
Cette question affirme bien quelque chose en soit… Sinon elle n’aurait pas été posée de la sorte.<br /> 10000016401080×435 50.1 KB<br /> Maintenant, si tu te demandes réellement comment ça fonctionne… Et bien c’est compréhensible dans l’article en fait
Palou
@ebottlaender Oui, je le savais et m’en doutais
Korgen
L’article ne dit rien de particulier si ce n’est qu’il ne faut pas trop chauffer au risque de devoir tout réétalonner.<br /> Le WSJT est situé dans la même zone avec les mêmes conditions de température or la NASA ne semble pas confrontée au même problème (ou alors ils ne communiquent pas là dessus). Peut-être que le WSJT a été mieux conçu sans particules d’eau résiduelle ou qu’ils ont conçu un système de dégivrage moins contraignant, je sais pas.
pcasenove
Il y a des éléments au sein du satellite pour réchauffer chaque partie da la cavité instrumentale, pour sublimer la glace.<br /> Je vois difficilement comment être plus clair. La procédure faite semaine dernière est juste différente de la procédure envisagée au sol, pour perdre moins de temps pour la science. Mais des le lancement les procédures étaient en place pour surveiller ce depot.<br /> Gaia a aussi du dégazer, jwst, je ne sais pas, ça dépend du système optique.<br /> Et oui, l’eau vient des MLI principalement, donc du sol
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