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L’assureur MAIF condamné pour avoir surveillé ses employés avec un logiciel... sans les prévenir !

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
03 novembre 2023 à 11h44
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Le logo MAIF, ici à Grenoble © ricochet64 / Shutterstock
Le logo MAIF, ici à Grenoble © ricochet64 / Shutterstock

[Article mis à jour le 3 novembre 2023 à 15h15] La MAIF a été condamnée par le conseil de prud'hommes de Compiègne pour avoir licencié une employée qui avait été contrôlée par un logiciel interne.

Assureur réputé, la MAIF a récemment été condamnée par le conseil de prud'hommes de Compiègne, après avoir écarté de ses effectifs Alice, licenciée pour « faute grave ». La compagnie avait justifié la séparation en se basant sur des relevés d'un logiciel interne qui surveillait les actions de la salariée dans son centre d'appels.

Cette surveillance, qui va à l'encontre des recommandations de la CNIL (qui s'étend d'ailleurs aux micros de surveillance), a poussé la justice à requalifier l'action en « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Voyons quel a été le raisonnement et le tort de la MAIF.

Surveillance au travail, quand un logiciel masque la réalité

L'affaire qui oppose la MAIF à Alice met en lumière une question cruciale : votre employeur a-t-il le droit de vous surveiller au moyen de logiciels sans vous en informer ? Alice a été licenciée pour « faute grave » après que la direction de la MAIF eut utilisé les données d'un logiciel interne pour prouver qu'elle avait raccroché au nez de clients appelant pour déclarer des sinistres ou suivre des dossiers d'indemnisation.

Bon, ce n'est jamais très sympa de raccrocher au nez de gens en détresse, mais l'avocate d'Alice a souligné que les employés n'avaient jamais été informés de la surveillance exercée par le logiciel, ce qui va à l'encontre des directives de la CNIL, le gendarme des données. Cette dernière exige que les employés soient clairement et complètement informés lorsque des données personnelles les concernant sont collectées. Dans notre cas d'espèce, la collecte de données nominatives sans consentement semble avoir été effectuée en toute opacité.

Aujourd'hui en reconversion professionnelle, la plaignante a détaillé son expérience. Elle a été informée de son licenciement pour « faute grave » par un représentant des ressources humaines, sans avoir reçu de préavis. Si elle admet avoir raccroché à plusieurs reprises sur une période de deux mois, elle ajoute avoir priorisé la gestion des dossiers dans une période de surcharge de travail. « Durant plusieurs semaines, cette personne n’a volontairement pas répondu à plusieurs dizaines d’appels de sociétaires (assurés) cherchant à joindre la MAIF pour demander une assistance ». Avant cet incident, Alice avait pourtant la confiance de ses supérieurs et avait même été désignée responsable du centre. Comme nous l'indique la MAIF, elle avait « en charge la gestion d’appels et de courriers de sociétaires (assurés) victimes de dommages corporels (blessures, accidents, décès de proches...) au centre de gestion de Compiègne ».

Une femme dans un centre d'appels © PeopleImages.com - Yuri A / Shutterstock
Une femme dans un centre d'appels © PeopleImages.com - Yuri A / Shutterstock

La MAIF et la relation client (droit de réponse accordé par Clubic) :

« MAIF accorde une place centrale à la qualité du service rendu à ses sociétaires. Comme mutuelle d’assurance, il est de notre devoir d’apporter à nos sociétaires une réponse rapide, de qualité et attentionnée, d’autant plus dans un contexte potentiel de détresse. Nous faisons confiance à nos collaborateurs pour être garants de cette exigence de qualité, au quotidien, et ce, quel que soit le canal de communication utilisé. Dans ce cas précis, les manquements constatés étaient totalement contraires aux fondamentaux de la relation de la MAIF avec ses sociétaires ».

Une victoire pour l'employée, le droit à la vie privée au travail respecté

Même si elle a « reconnu les faits », comme le précise la MAIF, Alice a pris l'initiative de contester son licenciement en portant l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Compiègne. Le 20 octobre 2023, la décision est tombée, et elle fut en sa faveur. Les conseillers prud'homaux ont requalifié le licenciement en « licenciement sans cause réelle et sérieuse », obligeant la MAIF à verser à Alice 40 000 euros d'indemnités. La décision s'appuie sur le Code du travail, qui stipule bien que les employés doivent être informés de toute collecte d'informations personnelles les concernant.

Les précisions de la MAIF sur l'enregistrement des échanges :

« Comme dans toutes les entreprises disposant d’un service client, les échanges que nos salariés peuvent avoir avec nos sociétaires peuvent être enregistrés et faire l’objet de mesures (fréquences, durées...) à des fins d’amélioration du service. Ces procédures sont connues des salariés ainsi que des sociétaires avertis à l’occasion d’un appel téléphonique d’un possible enregistrement de leur conversation.

Ce sont ces enregistrements qui ont conduit la MAIF à constater un comportement anormal et préjudiciable à l’entreprise comme aux sociétaire ».

Il a été révélé que le logiciel de surveillance utilisé par la MAIF avait été mis en place sans informer les employés de sa capacité à collecter des données nominatives. Le comité d'entreprise de la société avait exprimé son désaccord sur l'utilisation de telles données, et ce dès 2007. Mais l'assureur s'est néanmoins réservé le droit de faire appel et a déclaré ne pas souhaiter commenter la décision du conseil des prud'hommes, ni d'autres aspects du dossier.

Sur la condamnation prononcée, que dit la MAIF ?

« Le conseil prudhommal qui a statué sur le cas de cette salariée a considéré que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour que ces enregistrements soient utilisés dans le cadre d’un licenciement. Soucieuse de s’aligner sur les standards de conformité les plus exigeants, la MAIF prend acte de ce point et a d’ores et déjà entamé des travaux d’amélioration de ses procédures pour rendre ses outils encore plus transparents et plus explicites dans leur utilisation vis-à-vis de ses salariés ».

Mais alors que la MAIF prône des valeurs de transparence et de respect des droits de ses membres, l'utilisation d'un logiciel de surveillance sans information préalable suscite des préoccupations. Cette décision pourrait avoir des implications sur la manière dont les entreprises surveillent et gèrent leurs employés, notamment lorsque ces mêmes sociétés utilisent des technologies de surveillance avancées.

Source : Le Parisien

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM, école reconnue par la profession), pour écrire, interviewer, filmer, monter et produire du contenu écrit, audio ou vidéo au quotidien. Quelques atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la production vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et la musique :)

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Commentaires (11)

Freya
Maïf, « assureur militant », disent-ils ! Ah mais oui, ça ne s’applique pas pour leurs collaborateurs !!!
Kriz4liD
Ohh , donc ton responsable vient et te demande de traiter le plus de dossier possible, puis te jette a la porte car tu as voulu raccrocher au nez de quelques personnes car tu as priorisé le traitement des dossiers comme souhaité par tes supérieurs ??
gothax
Non les faits sont avérés elle a raccroché au nez d’assurés ne tourne pas la phrase dans un autre sens !<br /> Le jugement porte sur la surveillance cachée<br /> Le jugement est juste et bien documenté<br /> Le professionnalisme de cette employée est à revoir<br /> Heureusement que je n’ai pas eu à faire à cette personne ! Le surmenage est une plaie OK mais celui-ci ne doit pas nuire à sa santé et aux personnes en face !
ivico
« la collecte de données nominatives sans consentement… » Le consentement d’un employé n’a pas lieu ici. L’information préalable est obligatoire (c’est tout l’objet de la défense) mais le consentement non. L’entreprise a un intérêt légitime à surveiller la qualité des appels. C’est du standard dans tout call center. Mais le faire sans prévenir, oui, c’est mal.<br /> Cessez de parler de consentement partout surtout quand cela n’a pas lieu comme ici. Il y a 6 bases légales dans le RGPD et le consentement en est une.<br /> Clubic je vous aime bien mais faites relire vos papiers par un sachant. Vulgariser ne veut pas dire raconter des âneries.<br /> Cordialement
dredd
C’est surtout ça le problème.<br /> Je connais parfaitement bien le sujet et je comprend bien ce qui a poussé cette dame à raccrocher. C’est le management qui pousse à la faute dans l’immense majorité des cas. Les call centers, c’est un veritable enfer mental, une honte sans nom et c’est pas pour rien que c’est délocalisé chez des gens encore plus déseperés.
vidarusny
Dans mon beau pays on a toujours tendance a se plaindre et disant ce que le travail que je fais, je le fais dans des conditions pire que les autres…<br /> Le management pousse toujours et partout pour augmenter la cadence, la qualité etc. Effectivement cette pression est régulièrement contre productive et même à l’erreur.<br /> Mais ici l’erreur est elle individuel, nous pouvons tous en commettre sous l’effet de la pression.<br /> Un management qui pousse à la faute… ça existe et c’est puni par la loi, ça correspondrait a faire exécuter aux équipes des actions illégales…<br /> L’enfer mentale est malheureusement présent dans beaucoup d’entreprise, la encore. Par contre entendre des personnes toutes la journée pour régler des problèmes qui peut avoir des impactes énorme sur les clients… Je comprends que ce soit un enfer. Quand à la délocalisation, je suis certains que la désespérance ne rentre absolument pas en ligne de compte…<br /> Un exemple on envoie par les bateaux plein de produit toxique se faire démantelé dans certains pays parce qu’ils sont désespérés… Au contraire, on leur offre un travail honnête qui leur permet de vivre, tout en faisant des économies. c’est un partenariat gagnant gagnant !
vidarusny
J’ai tendance à penser que quand une entreprise se vante de quelque chose… C’est qu’il y a anguille sous roches
mrassol
bosser en centre d’appel et ne pas savoir que tu es écouté, c’est se foutre de la gueule du monde. t’a au moins une fois par mois des points avec des sups pour justement réécouter certains appels et améliorer le process.
Caramel34
Ce qui est étonnant c’est que la plupart des centres d’appels nous énoncent un message «&nbsp;cette conversation est enregistrée blablabla&nbsp;». Il n’y a pas ça à la MAIF ?
dredd
Si on ne te le dis pas explicitement, tu n’es pas sensé l’être. C’est exactement là dessus qu’à statué le tribunal.
Lepered
«&nbsp;le droit à la vie privée au travail respecté&nbsp;»… Raccrocher sans motifs valables est une faute grave, rien à voir avec la vie privé. C’est juste la vie au travail, ne pas confondre. un employé doit suivre de règles ou en assumez les conséquences; Cette employée à fauté gravement, plusieurs fois, le fait qu’elle est «&nbsp;gagné&nbsp;» en justice est du au faite que la surveillance n’a pas été annoncée préalablement. C’est une faute de la MAIF certes. Maintenant ils sont informés, les prochains à prendre leur travail à la légère en payeront le prix, cette fois sans être sauvé par le tribunal…
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