Live Japon : Nintendo, blessé mais combatif

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La partie se complique pour le groupe de jeux vidéo japonais Nintendo. Il déchante un peu, celui qui il y a tout juste un an fanfaronnait presque en affirmant que la récession internationale, alors tout juste commencée, n'aurait a priori que peu d'impact sur le secteur du jeu, réputé peu sensible à la morosité de la conjoncture. Nintendo a malheureusement fait état la semaine dernière d'une chute de moitié de son bénéfice net au 1er semestre de son exercice 2009-2010 par rapport à celui encaissé un an auparavant, à cause d'un plongeon d'un tiers de ses revenus, une situation qui l'a forcé à fortement revoir ses prévisions annuelles.

Pour les six premiers mois de l'année budgétaire (soit la période d'avril à septembre dernier), Nintendo a enregistré un chiffre d'affaires de 4,1 milliards d'euros 6,2 milliards d'euros un an plus tôt à la même période. Il a de fait affiché un profit net de 514 millions d'euros, deux fois moins important que celui dégagé l'an dernier au même moment.

Les causes de la mauvaise passe que traverse ce groupe sont doubles, liées à l'aggravation du moral et de la situation économique des particuliers d'une part et à des effets collatéraux de la crise d'autre part. En effet, outre une baisse des ventes de consoles, selon Nintendo, le renchérissement de la devise japonaise (yen), conséquence de la récession américaine, est un des facteurs qui a le plus pesé sur les comptes du groupe. Une console vendue en euros ou en dollars rapporte une somme variable dans le temps en fonction des taux de change quand l'argent est rapatrié dans les comptes au Japon: plus le yen grimpe face aux autres devises (et c'est ce qui s'est passé), moins les ventes à l'étranger sont profitables. Entreprise nippone qui réalise la majorité de ses affaires hors du Japon, Nintendo n'est pas mieux protégé que Sony face à ces aléas monétaires.

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Toutefois, le plongeon des revenus s'explique aussi, voire surtout, par un fort recul des achats de consoles et boîtes de jeu vidéo durant la période considérée, par rapport au fort volume écoulé durant les mêmes mois de l'année précédente. D'avril à septembre derniers, Nintendo a vendu 11,7 millions de consoles de la gamme de consoles de poche DS, après avoir élargi la sphère de vente de son dernier modèle en date, DSi. Cela porte le cumul mondial depuis la commercialisation de la première version en 2004 à 134,8 millions d'unités. Toutefois, les ventes de DS au premier semestre de cette année budgétaire sont inférieures de 2,03 millions à celles totalisées dans le même laps de temps l'an passé.

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Au Japon, "la part des machines de jeu de poche est plus importante que celle des consoles de salon, mais on a quand même constaté une baisse", a convenu le patron de Nintendo, Satoru Iwata, lors de la présentation des résultats devant un parterre de journalistes et analystes. Toutes les consoles portables étant concernées dans des proportions variables, la DS, qui est plus populaire que ses concurrentes, a toutefois mieux tenu que les autres modèles de la gamme rivale PSP de Sony.

Aux Etats-Unis, où les joueurs sont traditionnellement moins portés sur les petites consoles nomades, la DS s'est étonnamment mieux vendue que la Wii depuis ce printemps. La gamme DS a de fait caracolé en tête de palmarès tous types confondus, un fait inédit "dû au lancement de la DSi", selon M. Iwata. A moins que ce ne soit parce que la Wii a été délaissée. En Europe, une contraction du marché est manifeste cette année, mais au regard des autres machines, la DS ne s'en tire pas trop mal. Sauf que les achats de jeux ne suivent pas et que Nintendo a compris "qu'il fallait penser à la suite". Le groupe reconnaît qu'en dépit de quelques titres pour DS qui se sont arrachés, ceux pulvérisant des records ont été peu nombreux à l'étranger. Environ 71,15 millions de cartouches de jeux signés Nintendo pour la gamme DS ont trouvé preneurs en un semestre, soit près de 14 millions de moins qu'entre avril et septembre 2008.

Les performances semestrielles de la console de salon familiale Wii et des jeux afférents n'ont pas été plus reluisantes, a avoué Nintendo, qui met en cause l'absence de titres-moteurs et le contraste sur ce plan par rapport à l'offre de l'an passé. Seulement 5,75 millions de Wii ont été vendues entre avril et septembre derniers, élevant le cumul à 56,14 millions d'exemplaires depuis le lancement fin 2006. Au cours du premier semestre de l'année budgétaire close en mars 2009, près de deux fois plus de Wii (10,10 millions) avaient rejoint des foyers au Japon ou ailleurs. "Nous constatons des changements dans le marché des consoles de salon très importants cette année", a avoué M. Iwata. "Au Japon, où l'on observe un déclin depuis trois ans, il est devenu difficile de vendre des jeux pour les consoles de salon. Cette année, la décrue est d'autant plus rude qu'on n'a pas pu sortir de logiciels attractifs", a-t-il admis.

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Aux Etats-Unis aussi les ventes de machines de salon ont baissé, mais la Wii a plutôt mieux résisté que ses concurrentes, s'est consolé le patron du groupe. En Europe en revanche, le contre-coup des solides achats de l'an passé n'a pas épargné la Wii qui a perdu des parts de marché sur l'ensemble des exemplaires vendus dans la période passée en revue. Le ralentissement des ventes de consoles s'est répercuté sur les achats de jeux. Durant les six premiers mois de l'exercice en cours, quelque 76,21 millions de jeux pour Wii produits par Nintendo (hors ceux de studios tiers) ont certes été vendus, mais cela fait 5,2 millions de moins que l'an dernier à pareille époque. Devant une telle décrue, le groupe, qui avait maintenu ses prévisions annuelles après un déjà calamiteux premier trimestre, s'est résolu cette fois à les réviser.

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Il s'attend désormais à un chiffre d'affaires annuel de 1.500 milliards de yens (11,11 milliards d'euros) en chute de 18,4% sur un an, alors qu'il tablait précédemment sur 1.800 milliards de yens. Son bénéfice net pourrait afficher un repli de 17,6% en glissement annuel à 230 milliards de yens (1,7 milliard d'euros), au lieu d'une hausse de 7,5% à 300 milliards de yens. Le groupe espère néanmoins toujours que sur l'ensemble de l'année, il parviendra à vendre 30 millions de DS, ce qui suppose qu'il en écoule 18,3 millions entre octobre 2009 et mars 2010, période qui inclut les stratégiques fêtes de Noël. En revanche, alors qu'il tablait sur 180 millions de jeux DS de sa conception vendus durant l'exercice, il ne mise plus désormais que sur 150 millions. Son objectif de ventes de Wii est passé de 26 millions d'unités à 20 millions et celui des jeux associés produits par lui-même de 220 millions à 180 millions.

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Pour relancer le marché, il va proposer ce mois-ci au Japon une nouvelle mouture de DSi, baptisée DSi LL, qui reprend les fonctionnalités de son aînée (mode tactile, accès à internet, caméra, microphone et lecteur de musique, etc.), mais comporte deux écrans élargis, de 4,2 pouces de diagonale (10,7 centimètres), soit environ 2,5 centimètres de plus que ceux de la précédente DSi. D'aucuns on dit qu'il s'agissait d'une console spéciale pour vieux aux yeux fatigués, mais non, "c'est d'abord une console qui permet à plusieurs personnes de profiter du même écran, ce qui n'est pas vraiment possible avec les modèles actuels", a expliqué M. Iwata. Les nouveaux écrans à cristaux liquides (LCD) ont parait-il en effet un angle de vision plus large, de sorte qu'il est plus aisé, selon Nintendo, de s'amuser ou de visionner des vidéos à deux ou trois.

La sensibilité tactile de l'écran inférieur a également été améliorée pour faciliter l'écriture de caractères exigée dans divers jeux et autres activités. Ce nouveau modèle DSi LL, qui n'est qu'une petite évolution du précédent, sera commercialisé au Japon le 21 novembre pour la somme de 20.000 yens (environ 150 euros), une quinzaine d'euros de plus que la DSi actuelle. Pour ce tarif, trois programmes de divertissement seront préchargés dans la mémoire interne, a précisé Nintendo. Le lancement par son concurrent Sony d'une nouvelle console PSP (PSP Go) équipée d'un grand écran l'a vraisemblablement incité à enrichir vite sa gamme, même si la première DSi ne date que de novembre 2008.

Par ailleurs, interrogé sur l'éventualité de transformer un jour la DS en console-téléphone pour concurrencer l'iPhone de l'américain Apple, M. Iwata s'est montré catégorique, il ne l'envisage pas: "nous ne voulons pas d'un modèle économique où les utilisateurs sont obligés de débourser tous les mois plusieurs dizaines d'euros pour profiter pleinement du produit qu'on leur a vendu, bref, je ne suis pas favorable au modèle Apple qui n'est d'ailleurs pas forcément si lucratif pour les opérateurs", a-t-il promptement répondu. Et d'ajouter: "si nous n'agissions qu'en fonction des soi-disant rivaux qu'on nous présente sans arrêt, notre avenir serait bien sombre. Est-ce que nous devons proposer une myriade de jeux gratuits comme Apple sur l'Iphone? Non. C'est justement parce que nous savons nous différencier que nos produits ont un intérêt et ne se font pas dévorer par d'autres".

Quant au modèle de vente en ligne exclusivement, adopté par Sony avec sa PSP Go, Nintendo n'y est pour l'heure pas enclin: "plutôt que de cesser de vendre nos jeux en boîte pour les proposer en téléchargement sur internet, je préfère un autre modèle qui consiste à vendre des extensions sur internet pour un titre acheté sur cartouche, de façon à en prolonger la durée de vie en en renforçant l'intérêt", a doctement expliqué M. Iwata.
Enfin, sachez pour conclure, que Nintendo accuse aussi à demi-mot le piratage croissant d'être une des causes de moindres ventes de jeux, particulièrement sur le Vieux Continent. Il dit de facto vouloir se battre contre les malhonnêtes.

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"Ce phénomène ne se limite pas aux jeux pour DS mais touche toutes les consoles", a regretté M. Iwata. Et de poursuivre, presque menaçant, lui d'habitude si calme: "comme par définition il s'agit d'actions souterraines, on nous dit qu'il est difficile d'en chiffrer l'impact. Toujours est-il qu'il est certain que le piratage à l'étranger se propage, et surtout en Europe où cela tend à se généraliser. De fait les dommages y sont plus forts qu'ailleurs. Les autorités d'une partie des pays européens disent que c'est difficile de surveiller et de punir, ce qui est peut-être une cause de l'extension de ce phénomène."

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Si vous êtes concernés (ce qu'on n'espère pas), soyez prévenus: Nintendo va prendre des mesures de plus en plus dures face à une pratique irrespectueuse du travail des créateurs et niant la valeur de leur réalisation. "Il est en théorie possible de lutter de deux façons, sur le plan technique et sur le plan légal. Sur le premier point hélas, dès qu'on prend une mesure, les pirates la déjouent, et ainsi de suite. C'est un combat sans fin, certes, mais nous n'abdiquerons pas, pas davantage que nous cesserons les recours en justice. Je crois que c'est cette détermination qui constitue la meilleure politique. Je ne donnerai pas de détails sur nos intentions, mais nous n'abandonnerons pas la partie et nous allons intensivement renforcer nos actions".

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