Luch, c'est louche ! La Russie envoie un nouveau satellite espion en orbite géostationnaire

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
13 mars 2023 à 18h30
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C'est bien une photo de Proton, mais ce n'est pas le décollage de Luch-Olymp K2 (mais celui d'un autre satellite en 2019). Crédits Roscosmos
C'est bien une photo de Proton, mais ce n'est pas le décollage de Luch-Olymp K2 (mais celui d'un autre satellite en 2019). Crédits Roscosmos

Une fusée Proton a décollé cette nuit de Baïkonour, transportant le satellite Luch-Olymp K2 en orbite… Un espion d'un genre particulier, dont le prédécesseur a fait couler beaucoup d'encre. Alors que la défense en orbite est d'actualité, voilà un véhicule qui sera observé avec une grande attention !

Malgré les discrétions de la Russie.

La Russie reçoit un nouvel atout

C'est un nouveau satellite relais, indiquent sobrement les communiqués russes, quand ils prennent la peine de détailler le rôle de Luch-Olymp K2. Selon sa désignation « officielle », Luch-5X serait en effet un satellite relais géostationnaire, capable de transmettre les signaux de satellites en orbite basse vers des stations de réceptions fixes. Mais voici un secret qui n'en est pas un : il s'agit bien du deuxième satellite Luch-Olymp, dont la spécialité est de venir « butiner » ou « renifler » les données à proximité d'autres unités en orbite géostationnaire, à 35 750 km d'altitude. Le décollage a eu lieu dans la nuit du 12 au 13 mars 2023 à Baïkonour, grâce à une fusée Proton qui a parfaitement rempli son rôle pour ce 4e lancement russe de l'année. Un décollage dans la plus grande discrétion, sans photographie diffusée, que ce soit pour l'arrivée sur le site de lancement ou pour le tir lui-même, les clichés figurant dans les annonces officielles étant reliés à d'anciennes campagnes.

Il ne va pas plaire à tout le monde

Mais alors, qu'est-ce qu'un satellite « butineur » ? Loin d'une image champêtre, il s'agit bien là d'un genre d'espionnage très particulier. D'abord, ces unités possèdent des capacités de manœuvre accrues, et de quoi percevoir leur environnement proche (radar, imageur de précision, autre) pour pouvoir voyager et dériver lentement près de cette ceinture de satellites que forme l'orbite géostationnaire sur l'équateur terrestre. On dit qu'il butinent, car ils vont d'un satellite de communication à un autre, à des proximités qui déclenchent parfois des récriminations diplomatiques. L'objectif est simple : avec ses antennes, un satellite comme Luch-Olymp K2 est capable d'intercepter les signaux montants et descendants de sa cible, et potentiellement de les masquer ou de les brouiller.

Peu de moyens contre les butineurs

Le premier satellite Luch-Olymp, lancé en 2014, est devenu la bête noire des opérateurs de satellites occidentaux et même des différentes entités militaires. On se souviendra des déclarations fortes de la ministre Florence Parly en 2018, qui avait montré l'approche de ce satellite venu « butiner » très près d'Athena-Fidus, satellite franco-italien dédié aux communications sécurisées. Cela avait servi d'argument lors de la création du nouveau commandement fusionné devenu l'Armée de l'Air et de l'Espace… tandis que les techniques de « butinage » sont des pivots des exercices militaires tels qu'AsterX. Voici donc que le successeur de Luch-Olymp arrive en orbite. Il y a de plus en plus de moyens pour le détecter et le suivre, mais les fameux petits satellites défenseurs de zone conçus spécialement pour lutter contre cette menace, français notamment, se font encore attendre. D'autres nations pourraient déjà avoir leurs propres « butineurs » en orbite, même s'ils sont peut-être plus discrets : la Chine et les États-Unis en tête…

Source : La Tribune

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (17)

toto1234
Une merde de plus dans l’espace.
spip74
Comme si on ne faisait pas pareil
Bondamanmanw
Ne disait 'on pas que la Russie était hors-jeu, mdr.
Lepered
Le spatial reste l’un des très rares domaines ou les russes continuent d’être présent. Simplement en déployant des budgets qui n’ont rien à voir avec les nôtres, au détriment… de tout le reste. Pour rappel, avant l’invasion, la russie avait un PIB équivalent à l’Espagne. Mais ça c’était avant.
gothax
Merci Éric pour cet article.<br /> Les fusées proton sont elles différentes des fusées avec cosmonautes ? ou c’est la même base?
ebottlaender
Elles sont bien différentes, celles qui promènent les cosmonautes sont des Soyouz, celle-ci était une Proton… Deux familles à la conception opposée Proton est dédiée aux lancements moyens et lourds russes.<br /> A noter quand même que lors de la course à la Lune il y a eu quelques missions de préparation pour de futures aventures habitées avec Proton.
KlingonBrain
Le spatial reste l’un des très rares domaines ou les russes continuent d’être présent. Simplement en déployant des budgets qui n’ont rien à voir avec les nôtres, au détriment… de tout le reste. Pour rappel, avant l’invasion, la russie avait un PIB équivalent à l’Espagne. Mais ça c’était avant.<br /> Un peu comme la Corée du nord qui font les malins avec des missiles ultra coûteux alors que leur population meurt de faim.<br /> Mais il faut garder à l’esprit que ça ne dit pas grand chose sur leur niveau technologique réel parce qu’ils utilisent vraisemblablement beaucoup de composants venant de l’occident qu’ils sont incapables de produire par eux même.<br /> Ce qui n’empêche pas qu’on peut être admiratif devant l’astuce technologique que les russes développaient à une certaine époque.<br />
Vankovic
@spip74 @Peggy10Huitres<br /> C’est ce que l’article explique si on se donne la peine de le lire jusqu’au bout…<br /> « D’autres nations pourraient déjà avoir leurs propres « butineurs » en orbite, même s’ils sont peut-être plus discrets : la Chine et les États-Unis en tête »
Chris007
Surement mais en 2023 on envahi pas nos voisins nous…
Chris007
Oui ils sont hors jeu, et dans l’avenir ce sera encore pire, personne leur pardonnera ce qu’ils font aux Ukrainiens.
Bondamanmanw
Personne, tu ne représente pas le monde !<br /> Tous les pays du monde n’approuvent pas mais ne condamne pas et tu confonds Russie et Poutine.<br /> Dans 50 ans cette guerre comme toutes les guerres sera oublié mais non pardonné par les générations l’ayant vécu surtout ceux l’ayant subi directement, Russes comme Ukrainiens.
Kriz4liD
Ahh merci ! Je corrige
Diablo96
Excusez moi, mais j’espère que c’est de l’auto dérision car sinon je vous incite fortement à revoir l’histoire… Car, il me semble judicieux, d’être claire sur un point (qui peut être vous paraître bateau) mais dans le monde où nous vivons, il n’y a ni gentils ni méchant ; ni belliqueux/fou ni « Saint » protecteur de la liberté et de la paix mondiale… Johann Friedrich von Schiller a dit un jour : « Le monde est gouverné par l’intérêt personnel ». Et il n’a pas tord, chaques président de ce monde ne fait que regarder son propre intérêt personnel aux détriment de la vie des autres. Lorsque, ses dirigeants commenceront à mettre un peu d’eau dans leur vin…le monde sans sentira grandit.
xryl
Beh oui, les gentils tuent les méchants méchants alors que les méchants, eux, ils tuent les méchants gentils.<br /> Faut quand même pas tout mélanger voyons…
xryl
Ajouter une fonction lance filet à un satellite (ce qui a déjà été testé) pourrait devenir la prochaine protection contre ces cochons sauvages de l’espace.<br /> Lorsque l’espion indiscret s’approche, on lance le filet, ce qui aura pour conséquence de déséquilibrer le satellite espion, et donc de vider sa réserve de gyrostabilisation beaucoup plus vite. Impossible pour l’espion de s’orienter correctement sans son volant d’inertie et donc il est HS tout en restant en orbite. Pire, il risque de vider sa réserve de carburant sur ses propulseurs en mode d’urgence tandis qu’il essaye de s’orienter vers son centre de commande.<br /> Ou alors, on se la joue beaucoup plus fin, et lorsqu’on détecte que le satellite est à proximité, on diffuse de la merde et de la contre information pour les services secrets à 3 lettres de Russie. Ça c’est probablement faisable dès maintenant.
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