À la découverte des Kuiper Belt Objects, et de ceux qui manquent à l'appel dans le Système solaire

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
20 décembre 2020 à 17h34
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L'hypothétique et bien cachée planète 9. Crédits N.A.
L'hypothétique et bien cachée planète 9. Crédits N.A.

La Ceinture de Kuiper contient de nombreux objets, comètes et corps mineurs, dont l'origine remonte aux débuts de notre Système solaire. Petit tour de ce qu'on y connait, de ce qui y existe peut-être, et de quelques autres exotismes « locaux » existant dans notre voisinage stellaire.

Notre grand tour du Système solaire se termine !

Les KBO ? Ou les TNO ?

Les astronomes aiment beaucoup les acronymes, et les désignations du Système solaire ne font pas exception. Pour les objets de la Ceinture de Kuiper, gigantesque zone qui s'étend au-delà de Neptune et sur des milliards de kilomètres (de 30 à 50 Unités Astronomiques), il est ainsi courant d'évoquer des KBO (« Kuiper Belt Objects »). Cela dit, à ces distances de notre étoile, les orbites des différents objets sont rarement circulaires, ce sont d'énormes ellipses, qui souvent dépassent (de beaucoup) la Ceinture de Kuiper. Lorsqu'ils se rapprochent plus du Soleil que l'orbite de Neptune sur une partie de leur orbite, les astronomes évoqueront plus des TNO, ou « Objets Trans-Neptunéens ».

En sachant qu'il existe plusieurs frontières à notre Système solaire. L'influence du vent solaire et de l'environnement magnétique de notre étoile s'étend jusqu'à l'héliopause, tandis que sa masse et donc son attraction gravitationnelle agit encore plus loin, dans une région globalement appelée le Nuage de Oort. Région officiellement « vide » car on n'y a confirmé l'existence permanente d'aucun objet repéré, mais dont on sait qu'il abrite probablement des roches gelées, des agglomérats primordiaux de notre Système solaire, et des échardes de glace cométaire. On pourrait même y trouver des planètes naines (voire majeures) inconnues, dont l'existence n'est aujourd'hui que théorique.

La meilleure vue d'Eris avec sa lune dont on dispose. Crédits Hubble/ESA/NASA
La meilleure vue d'Eris avec sa lune dont on dispose. Crédits Hubble/ESA/NASA

Les planètes naines qui évoluent principalement dans la Ceinture de Kuiper, on en connait aujourd'hui près d'une dizaine (confirmées). On retrouve Pluton bien sûr, mais aussi Eris (et sa lune Dysnomia), Haumea (et ses lunes Hi'aka et Namaka), Makemake (et sa lune Mk2, non nommée), Gonggong (et sa lune Xiangliu), Quaoar et sa lune Weywot, Sedna, 2002 MS4, Orcus (et sa lune Vanth) et Salacia (et sa lune Actaea). On en sait très peu sur elles, car leur éloignement nous les rend impossibles à photographier. Même leur forme est sujette à débat : tout juste sait-on que Haumea a une forme un peu ovoïde…

Les objets lointains, KBO et TNO sont très difficiles à détecter, pour une raison évidente : ils sont minuscules à notre échelle car très éloignés, et ne réfléchissent que très peu de lumière tandis que le fond d'étoiles et de galaxie que constitue le ciel dans lequel on cherche à en détecter dispose de multiples sources parfois très brillantes. Il est donc attendu qu'il y ait des millions de KBO dont aujourd'hui on ne sait rien !

Arrokoth, cette unique visite

Grâce à la mission New Horizons, il y a au moins un « petit » objet de la Ceinture de Kuiper que l'on a survolé. Un astéroïde à présent nommé Arrokoth (provisoirement appelé Ultima Thule entre 2016 et 2019), et qui a répondu à toutes les attentes des astronomes. Ce dernier a une forme très particulière constituée de deux corps simplement posés l'un contre l'autre grâce à leur force d'attraction mutuelle. D'une couleur très orangée, il se distingue par un manque certain d'impacts et une absence quasi-totale d'érosion : en général lorsque deux objets se touchent de cette façon, un « cou » se forme, comme sur la comète 67p « Tchouri » ou sur l'astéroïde Itokawa. Ici, rien de tout cela.

Ah ça ne ressemble pas à beaucoup d'autre chose de connu, c'est vrai. Crédits NASA
Ah ça ne ressemble pas à beaucoup d'autre chose de connu, c'est vrai. Crédits NASA

Arrokoth est à ce jour l'objet le plus lointain jamais survolé par une sonde.

La planète 9 (visiblement en congés)

En 2014, l'équipe même qui a découvert le plus d'objets au sein de la Ceinture de Kuiper fait une annonce étonnante : Michael Brown et Konstantin Batygin publient une découverte… hypothétique : une « planète 9 ». Le postulat de départ est alléchant. La plupart des KBO et des TNO connus ont une trajectoire très elliptique, mais aucun n'a de mouvement qui contrebalance les autres. Selon les calculs de Brown et Batyglin, il doit y avoir dans une région particulière du ciel, une planète entre 5 et 10 fois plus grosse que la Terre, dont la masse perturbe les autres objets de la Ceinture de Kuiper au point d'avoir irrémédiablement affecté leurs orbites. Alléchant, et intéressant sur le plan mathématique mais… 6 ans après, il n'y a toujours rien. Les recherches se poursuivent, et certains des plus grands télescopes ont braqué leurs optiques dans l'espoir de découvrir la grande inconnue. Elle est peut-être plus loin, ou cachée. Ou elle n'existe pas, comme de nombreux articles scientifiques l'ont expliqué depuis 6 ans. L'action de la « planète 9 » pourrait en effet tout aussi bien s'expliquer par de nombreux objets plus petit, une planète éjectée de notre système solaire, un « micro-trou noir » et beaucoup d'autres curiosités de cette région lointaine.

Les comètes

N'allez pas croire qu'on les avait oubliées ! Ces corps mineurs avaient leur place à côté des astéroïdes, mais ils ont un côté plus mystérieux et plus… flamboyant. Et puis ça correspond bien aux résidents des zones lointaines, puisque plusieurs comètes (comme la plus connue, Haley) sont issues de la Ceinture de Kuiper. Des astéroïdes gelés, à forte teneur en eau, qui se réchauffent et laissent échapper une longue trainée de gaz et de plasma au fur et à mesure de leur voyage vers le Soleil. C'est une aventure éphémère (à l'échelle cosmique), et certaines ne font qu'un seul voyage vers notre étoile avant de se désintégrer, sans retour vers les froids confins de notre système. Par chance, les différentes agences spatiales ont déjà réalisé d'extraordinaires missions autour et même sur les comètes, la plus aboutie étant Rosetta (ESA).

Ah, Rosetta et ses fabuleuses images. Crédits ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA
Ah, Rosetta et ses fabuleuses images. Crédits ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

Les voyageurs interstellaires

Alors eux, c'est vraiment « bonjour, au revoir » ! Evidemment, depuis qu'on sait qu'il existe une très grande population d'objets mineurs dans notre Système solaire, on suppose que des objets en sont éjectés, et qu'il y a donc des corps mineurs (et même des planètes) qui se « promènent » durant des milliers d'années avant de « tomber » dans notre Système solaire, d'infléchir leur trajectoire et de repartir. Il aura cependant fallu attendre 2017 pour découvrir et identifier le premier objet interstellaire, 'Oumuamua. Ce dernier n'a d'ailleurs pas fini de faire parler de lui. Observé trop tard pour bien le comprendre, ce dernier a été mal classé comme comète, puis en fait non, puis si. Certains chercheurs ont ensuite affirmé qu'il a accéléré sous « des effets inconnus »… Au moins, pour le deuxième visiteur connu en 2019 (2i/Borisov), on a su que c'était une comète, et c'était très bien comme ça. Les équipes s'attendent à de multiples détections dans les années à venir.

Notes :

  • Voyage 1/10 : Par rapport à la Terre, rejoindre ces différents corps nécessite systématiquement une énergie folle. Les comètes, comme on l'a vu avec la mission Rosetta, ça va un peu mieux.
  • Paysages 9/10 : C'est systématiquement une surprise totale. Et alors je ne sais pas vous, mais imaginez un jour poser les yeux sur un paysage né dans un autre Système solaire. Frissons garantis !
  • Habitabilité 2/10 : Non, mais, il vaut mieux oublier. Si vous êtes encore vivants en arrivant sur place, les conditions ne vaudront pas mieux que sur un « bête » astéroïde, en plus froid. A la limite vivez sur la planète 9, où votre existence même sera hypothétique.

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (1)

nicgrover
Merci pour cet article toujours aussi intéressant.
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