À la découverte des astéroïdes, vestiges d'un (très, très) ancien passé

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
30 décembre 2020 à 17h20
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L'astéroïde Eros, l'un des rares que nous ayons pu observer de près. Crédits NASA
L'astéroïde Eros, l'un des rares que nous ayons pu observer de près. Crédits NASA

Avec bientôt 800 000 astéroïdes formellement identifiés et plusieurs dizaines de millions d'entre eux dans notre Système solaire, il serait dommage de les oublier ! Notre Agence de Voyage vous propose donc quelques vols charters vers ces étranges destinations. Surprise garantie !

Chacun le sien…

Un passé compliqué

Avant de vous demander sur quel astéroïde vous préférerez passer vos vacances, il faudrait peut-être définir de quoi il s'agit. Dans le concept, un astéroïde est un « corps mineur » ou une « planète mineure », ce qui paraît très large. Mais n'englobe pas les planètes naines. Ni les comètes. Et pas non plus les météores, même si en pratique, un météore est souvent un astéroïde qui rentre dans l'atmosphère. Bref. Les astéroïdes sont, pour l'extrême majorité d'entre eux, des débris directement issus de la période de formation de notre système solaire.

Certains, comme Pallas ou Vesta, sont des agglomérats qui auraient pu devenir de « vraies » planètes, mais qui ont été trop mal placées ou trop bombardées pour arriver à leurs fins. D'autres ne sont que des fragments, résultant parfois de gigantesques collisions passées, comme celle qui a pu former notre Lune. Les astéroïdes ont des tailles très variées (entre 1 m et 1000 km de diamètre) et des formes tantôt exotiques, tantôt planétoïdes. Certains aussi ont leurs propres satellites naturels, d'autres se désagrègent, et d'autres encore peuvent dans des conditions rares « capturer » leurs voisins (ne faites pas ça chez vous). D'autres enfin sont simplement des astéroïdes venus se poser l'un contre l'autre pour faire un peu de chemin.

L'astéroïde Bennu, et sa forme en diamant aplati sur l'équateur. Crédits NASA
L'astéroïde Bennu, et sa forme en diamant aplati sur l'équateur. Crédits NASA

Les grandes familles

Les êtres humains aiment bien trier, catégoriser, ordonner (sauf leur chambre). Ils ont donc trouvé plusieurs façons de classer les astéroïdes en différentes familles. Il y a d'abord leur type, qui se base principalement sur leur composition (type C pour Carbone, S pour Silice, M pour métallique) mais aussi parfois sur leur origine, comme les astéroïdes de type V, issus de la fragmentation de Vesta. Mais il y a également leur zone géographique du moment. Ceux qui croisent de près ou de loin l'orbite terrestre autour du Soleil sont des géocroiseurs (eux-mêmes ont des groupes complexes pour les départager). Il y a bien sûr la ceinture d'astéroïdes, bloquée entre Mars et Jupiter, qui en regroupe une incroyable population, puis les troyens et les grecs aux points de Lagrange de Jupiter, ainsi qu'une population à part entière pour les voyages de longue durée au-delà de Neptune. Les astéroïdes, c'est la population la plus large et la plus diversifiée de tout le Système solaire après le casting de Sex Education.

Lutetia, vu par la sonde Rosetta. Crédits ESA
Lutetia, vu par la sonde Rosetta. Crédits ESA

Quelques stars, et beaucoup d'inconnus !

Evidemment, il y a différents moyens de connaître des astéroïdes. De la littérature au 7e art, ces mystérieux objets sont régulièrement au cœur de l'intrigue — jusqu'aux conspirationnistes persuadés que le géocroiseur Apophis viendra mettre un terme à notre civilisation (en réalité il passera très près en 2029, mais avec une marge d'incertitude sur les calculs suffisante pour affirmer que nous sommes en sécurité).

Lecteurs et spectateurs de « The Expanse » connaissent Eros, Pallas et plusieurs plus petits corps. Cela étant, la plus prodigieuse source d'imagination reste peut-être les missions qui se sont montées depuis une trentaine d'années pour survoler, orbiter ou même prélever des échantillons d'astéroïdes. Pourtant, ces approches ne sont pas si nombreuses. Seulement 14 astéroïdes ont pu être approchés depuis la mission Galileo en 1991 : Gaspra, Ida, Mathilde, Eros, Braille, Annefrank, Itokawa, Steins, Lutetia, Vesta, Toutatis, Arrokoth, Ryugu et Bennu, auxquels on rajoute parfois les planètes mineures Ceres et Pluton. C'est peu… et c'est parfois ce qui rend l'étude de ces petits corps si intéressante.

Chaque approche apporte de nouvelles découvertes sur leurs origines, sur leur âge ou leur formation, sur la présence d'eau gelée sous la surface ou sur les interactions entre les blocs rocheux qui sont parfois juste posés les uns contre les autres depuis des centaines de millions d'années. De nombreux fantasmes reposent aujourd'hui sur la possibilité d'aller miner les astéroïdes pour en extraire leurs ressources.

Malheureusement, et malgré la création de start-ups spatiales dans ce sens en 2015, cela reste aujourd'hui un fantasme. Et sans spoiler, l'une des deux entreprises a fait faillite, tandis que l'autre a été rachetée pour faire de la blockchain : aucun rapport.

L'astéroïde Vesta, protoplanète observée par la mission Dawn. Crédits NASA
L'astéroïde Vesta, protoplanète observée par la mission Dawn. Crédits NASA

Cela étant, on espère que vous aimez les astéroïdes. Car non seulement nous sommes devenus relativement bons pour en ramener des échantillons (les suivants arrivent le mois prochain), mais en plus les projets de missions continuent de fleurir. Impact et déflection d'astéroïde avec Dart/Hera sur Didimos, survol du minuscule astéroïde de 30 m de diamètre 1998 KY26, observation et orbite autour de la protoplanète métallique Psyché, survol des troyens de Jupiter, échantillonnage de Kamo'oalewa par la mission chinoise ZhengHe… Dans la décennie à venir, il y en aura pour tous les goûts !

Anecdote amusante : lors de l'analyse de la surface de l'astéroïde Bennu, la sonde OSIRIS-REx a détecté des matériaux avec une composition particulière… déjà observée, et rigoureusement identique à celle de l'astéroïde Vesta, visité une décennie plus tôt par la mission Dawn. Vesta est une protoplanète qui a été violemment bombardée peu après la formation du Système Solaire : ses débris se sont probablement déposés sur le corps parent de Bennu, qui s'est lui-même fait désintégrer plus tard. Mais c'est tout de même étonnant : moins d'une vingtaine d'astéroïdes étudiés de près… et deux d'entre eux ont des liens de parenté !

Notes touristiques :

  • Voyage 7.5/10 : Bien sûr, le trajet varie. Mais pour une première expérience sur un géocroiseur, il faut compter entre 2 et 4 ans sans trop dépenser en carburant. Idéal pour prendre le temps, ou relire One Piece.
  • Paysages 4/10 : Vous avez toujours apprécié l'art sombre ? Les toiles de Soulages ? Vous avez gardé depuis l'adolescence votre style gothique ? Les astéroïdes sont pour vous. Merci de faire attention à ne pas donner de grands coup de pieds sur le décor, il ne tient souvent pas à grand chose.
  • Habitabilité 3/10 : En faisant abstraction du manque général d'atmosphère, il serait possible d'y fixer des habitats. Mais n'oubliez pas que la gravité y est quasi-inexistante. La note remonte si vous prenez un accent créole et vous vous baptisez les « belters ».
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Commentaires (1)

nicgrover
J’aime la référence à Soulages… Sans oublier Ryman…
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