Avec un décollage spectaculaire, Astra rate à nouveau un vol orbital depuis l'Alaska

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
30 août 2021 à 08h53
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Elle a bien failli se coucher sur le pas de tir... Crédits : Astra Space/Nasaspaceflight
Elle a bien failli se coucher sur le pas de tir... Crédits : Astra Space/Nasaspaceflight

Depuis son dernier échec en décembre dernier, les équipes de la start-up du NewSpace californienne pensaient avoir trouvé la clé pour atteindre l'orbite. Le « vol 0006 » a cependant subi la panne d'un moteur juste après son décollage, condamnant cette nouvelle tentative du 29 août 2021.

Le fondateur de l'entreprise Chris Kemp annonce cependant être très fier des efforts accomplis.

Une longue liste de tentatives

Plus que la plupart des entreprises concentrées sur la fabrication et l'opération de lanceurs, Astra fonctionne par la méthode dite de l'itération par l'échec : à chaque vol, de nouveaux défauts sont identifiés et corrigés pour la tentative suivante, jusqu'à obtenir un résultat qui soit reproductible « en masse ».

Un concept intéressant, mais qui nécessite une solide résilience financière et des progrès constants ! L'histoire des fusées d'Astra se conjugue donc avec une complexe litanie de ratés, à commencer par deux vols suborbitaux en 2018 qui ont échoué après quelques poignées de secondes en l'air. Début 2020, Astra (qui entre temps s'est révélée au public) tente une double campagne orbitale avec des tirs qui devaient être espacés de seulement quelques semaines. Mais des soucis techniques clouent « Rocket 3.0 » au sol, et une séquence se termine par un incendie qui détruit la fusée et son infrastructure légère.

Le 31 août 2020, Astra remet le couvert, et les cinq moteurs Dolphin qui propulsent le premier étage l'élancent comme il faut… mais le contrôle de vol est une fois de plus défaillant, et le lanceur réalise d'impressionnants saltos dans le ciel du site de Kodiak en Alaska (toutes les campagnes sont menées sur place). Un nouvel essai prend place en décembre 2020, et l'entreprise déclare même que le vol est un succès… bien que l'ambition était d'atteindre l'orbite et que le deuxième étage ne propulse la charge utile de test que sur une parabole : il manque 500m/s !

Sans excès de confiance, après six mois de travaux et une légère extension des réservoirs de la fusée, les équipes d'Astra semblaient donc sur la bonne voie pour ce nouvel essai en août 2021. La première tentative le 28 s'était soldée par un échec à T-0 avec l'extinction automatique des cinq moteurs. Une seconde ce 29 août (00 h 45 Paris) a mené au décollage, mais une anomalie a très vite condamné le vol.

Quand la fusée marche en crabe

Les images sont spectaculaires. Une seconde après le décollage, l'un des cinq moteurs a subi une anomalie et s'est éteint. Malheureusement, la réduction de la poussée conséquente n'a pas permis à Rocket 3.3 de s'élever correctement dans les airs : malgré un contrôle de vol impressionnant pour garder la fusée droite, il fallut attendre près d'une trentaine de secondes de plus pour la voir prendre de la vitesse avant de dépasser la couche nuageuse au-dessus du site.

Le carburant utilisé, la poussée trop faible et le déficit de vitesse se sont traduits par une trajectoire trop peu optimale pour atteindre l'orbite… Les équipes au sol ont donc commandé l'extinction des moteurs restants avant que la fusée atteigne environ 50 km d'altitude. Les débris sont retombés dans l'océan et n'ont heureusement posé aucun danger.

Nouvel essai dans quelques mois ?

Ce vol était le premier avec une « charge utile commerciale » pour Astra. Toutefois, les guillemets sont de rigueur. En effet, il s'agissait d'un vol au service de la Space Force américaine, qui n'avait pas placé de satellite sous la coiffe, mais installé un bloc d'instrumentation afin de mesurer une multitude de paramètres lors de la montée vers l'orbite. L'objectif annoncé était d'obtenir des relevés précis pour qu'un satellite STP (Space Test Program) puisse y prendre place dans un second temps, les États-Unis ayant acheté deux décollages à Astra.

En faudra-t-il un troisième ? Il est trop tôt pour le dire. Néanmoins Chris Kemp, fondateur et Directeur général de l'entreprise a rappelé à quel point il était fier des efforts accomplis par ses équipes. L'ère à laquelle Astra pourra proposer ses lanceurs au prix super plancher de 2,5 millions de dollars n'est pas encore arrivée (et heureusement pour ses concurrents). Reste à savoir comment ce nouvel échec se répercutera sur la santé financière de l'entreprise, qui est cotée en Bourse depuis le 1er juillet (ASTR, Nasdaq).

Source : NasaSpaceFlight

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Commentaires (21)

stratos
heureusement qu’a la 1.34’08" la fusé n’a pas tapé l’oiseau
kroman
« il manque 500m/s » quelle idée de décoller depuis le nord aussi…
juju251
Epique ce décollage. <br /> Lorsque la fusée à commencé à prendre de l’angle, j’ai pensé qu’elle allait se renverser et tout faire exploser …<br /> GG aux gens qui ont conçu le contrôle de vol, parce que c’est assez impressionnant de voir que le lanceur à pu se redresser (et faire un beau drift ).<br /> kroman:<br /> «&nbsp;il manque 500m/s&nbsp;» quelle idée de décoller depuis le nord aussi…<br /> Tirer en étant plus proche du pôle permet d’économiser du carburant pour placer des satellites en orbite polaire.
ebottlaender
C’est vrai mais dans un sens s’ils avaient décollé de Kourou en visant l’équateur, ça passait.
kroman
juju251:<br /> Tirer en étant plus proche du pôle permet d’économiser du carburant pour placer des satellites en orbite polaire.<br /> hmm absolument pas convaincu par la réponse. Tu as plus d’explications ?<br /> Je pense que c’est plus par défaut car les US n’ont pas d’autre trajectoire dégagée vers le nord ou le sud, hormis les îles. Launches and orbits | EUMETSAT
Element_n90
Je croyais que lorsque l’on faisait le choix de mettre plusieurs moteurs plutôt qu’un gros c’est que qu’on pensait à la sécurité du vol en se disant qu’en cas de défaut sur l’un, les autres pourrait continuer la mission… à priori là ce n’est pas le cas.<br /> Ca doit être compliqué de trouver à recruter des ingénieurs et doctorants en fuséologie parmi la population locale en Alaska par-ce que ce genre de profil ne doit pas courir les montagnes du coin…
ebottlaender
Alors la redondance des moteurs oui, mais pas dès le décollage. C’est plutôt sur un manque de puissance ou sur une extinction un peu prématurée que ça fonctionne. Et avec 5 c’est moins facile qu’avec 9 par exemple.<br /> Par contre Astra est basée en Californie, pas en Alaska. Les lancements y ont lieu parce que c’est pas cher et que le site offre des facilités pour dégager les couloirs terrestres et aériens autour.
Voigt-Kampf
Ca fait pareil quand je suis en réunion ennuyante, quand je cherche à m’eclipser plus ou moins discrétos.
kromblaster
La perte d’un moteur est critique en début de vol malgrés la reondance parsqu’il faut un rapport de puissance supperieur a 1/1 pour élever la fusée, seul la puissance fourniee au dessus de ce ratio permet a la fusée d’accelerer vers l’orbite.<br /> En perdant un moteur la fusée à perdu 20% de sa puissance, et du coup ce qu’il restait ne servait grosso modo qu’a combattre la gravitée jusqu’a ce que les reservoirs ne se vident sufisement pour que le rapport poids puissance soit a nouveau supérieur a 1 et que la fusée accélere, mais a ce moment la évidement, il ne reste plus assez de carburant pour la mission initialle.
Urleur
A force, le projet seras abouti et à ce tarif là, la concurrence peut avoir peur.
Karnag
Quand on pense à tous les échecs de SpaceX pour qu’aujourd’hui ce qu’ils font devient presque «&nbsp;banale&nbsp;»… Oui c’est en échouant qu’on progresse
Palou
ça fait drôle de voir la fusée danser au départ, j’imagine les gens courir partout, affolés …<br /> twitter.com<br /> Chris Kemp (Kemp)<br /> Reviewing flight data and video, two things are very clear - 1) An engine shut down right after launch 2) Everything that happened next made me incredibly proud of our team. Space may be hard, but like this rocket, we are not giving up. #AdAstra https://t.co/2g3n812EaW<br /> 2:54 AM - 29 Aug 2021<br /> 15K<br /> 2.4K<br />
Nmut
La clause de «&nbsp;mobilité géographique&nbsp;» d’un contrat de travail n’est pas que du vent.<br /> D’expérience, tu es embauché comme bête informaticien et au gré des projets, tu peux aller en Chine, en Nouvelle Zélande, en Inde, en Roumanie, en Pologne, aux Etats Unis, au Danemark, en Suisse (là ça va…), en Belgique (pas trop loin non plus) et en Angleterre. Alors un «&nbsp;rocket man&nbsp;»!
Fulmlmetal
On voit la trainée au sol, ils auront au moins inventé un bon désherbant<br /> C’est un peu dommage d’avoir 5 moteurs sur un si petit lanceur, car ça multiplie forcément par 5 le risque de panne. La preuve …
Fulmlmetal
Pour un vol en trajectoire polaire le gain d’un lancement à l’équateur serait faible.<br /> Le gain serait cependant différent d’un vol classique vers l’est où le but est de bénéficier de la vitesse de rotation de la Terre plus élevé à l’équateur.<br /> Pour un vol vers le nord aucun gain de vitesse lié à la rotation. enfin oui mais indirectement et faiblement car l’effet de fronde à l’équateur te donne une masse plus faible à l’équateur. C’est P=mg<br /> P étant le poids, m la masse (invariable) et g la gravité.<br /> A l’équateur g=9.78<br /> A Paris g=9.812<br /> Anchorage (Alaska)=9.826<br /> Poles nord g=9.83<br /> Donc pour un lanceur de ce type, c’est environ 30 tonnes (CU + ergols).<br /> donc P=9.826x30000=294.87KN en Alaska et P=9.78x30000=293.4KN à l’équateur … bref gain de 1500N, soit +0.5%. C’est très faible mais il existe et c’est toujours bon à prendre. après il y a d’autres facteurs météos qui peuvent avoir plus d’impacts comme la température, les vents, la pression barométrique.
kroman
Du coup j’imagine que le gain en lançant depuis le nord est d’éviter que le satellite ne prenne de la vitesse en sens ouest-est : 1650 km/h près de l’équateur, à ralentir pour avoir une trajectoire nord-sud
Fulmlmetal
Non, tu peux lancer sur une trajectoire polaire depuis l’équateur, ça ne te donnera pas de vitesse vers l’est liée à la rotation. Tant que tu tires plein nord, cette vitesse que je nommerais de latérale n’existe pas. Dans ce cas là il faut pensez vitesse angulaire. La vitesse de rotation tu en profites dès que tu lances vers l’est, plus ou moins selon ton inclinaison.
EricARF
C’est une réussite! Ils vont apprendre beaucoup de ce nouvel essai. Meilleur qu’hier et moins bon que demain! 20 fois sur le métier remettez votre ouvrage…
f-dzt
C’est vraiment une reussite ! Le rattrapage d’equilibre est quand même tres impressionnant, on aurait un artiste avec une pile d assiettes. chapeau les programmeurs !
Fulmlmetal
C’est quelques choses de bien maitrisé de nos jours, l’informatique a permis de gros progrès pour la gestion et le traitement ultra rapide des données.<br /> Ce qui est un peu dommage c’est d’avoir 5 petits moteurs sur un si petit lanceurs, ça multiplie forcément les problèmes par 5, voir plus.
Krolack
«&nbsp;Les débris sont retombés dans l’océan et n’ont heureusement posé aucun danger.&nbsp;» Sans danger pour l’homme peut-être, par contre la pollution qu’elle a du engranger dans la mer ainsi que leur nombreux essais tout le monde s’en fout
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