[Tribune Libre] Patrice Golles : de la gestion à l'intelligence des processus métiers

08 février 2007 à 14h54
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Patrice Golles, Global 360
Face au développement croissant des solutions de BPM* (gestion des processus métiers) dans les entreprises, la mise en place de la « Process Intelligence » devient nécessaire.

Rares sont les solutions de BPM qui tiennent leur promesse d'offrir une vision complète des processus métiers. En effet, comme dans la plupart des entreprises, les processus passent par de multiples systèmes : les solutions de BPM sont inévitablement confrontées à des silos de processus. C'est ici que la « Process Intelligence » peut s'imposer comme une méthode stratégique d'amélioration des performances en faisant abstraction de ces silos. Aujourd'hui, de nombreuses entreprises, si ce n'est la majorité, sont sensibilisées à l'importance de leurs processus métiers, et ont des projets en cours pour les améliorer. Pour ce faire, elles mettent souvent en avant plusieurs besoins : de nouvelles méthodes pour comprendre pourquoi les objectifs métiers ne sont pas atteints ; une vision de bout en bout des processus métiers, pour aligner les activités couvrant plusieurs fonctions ; comprendre et vérifier l'impact d'une modification dans un processus, avant de la mettre en œuvre.

Les approches classiques des suites BPM (BPMS) tentent de satisfaire ces besoins, mais échouent parce qu'elles ont été conçues comme infrastructure d'applications. En ce sens, elles représentent un moyen extrêmement novateur de développement, mais c'est aussi ce qui constitue leur point faible : souvent, la suite BPM est efficace pour administrer et optimiser les processus qu'elle gère directement, mais seulement ceux-là ; elle ne peut contrôler des processus gérés par des systèmes ou applications tiers. En effet, dans une entreprise, les processus sont généralement dispersés dans plusieurs systèmes : par exemple les systèmes d'ERP (progiciels intégrés de gestion), les systèmes d'ECM (gestion de contenu), ainsi que toutes les applications spécialisées qui se chargent de tâches aussi diverses que la gestion des hypothèques, le traitement des règles ou les demandes de services en informatique. Il ne serait pas réaliste de les remplacer par une seule et unique solution BPM, ni intéressant d'un point de vue économique ou technologique de les envelopper dans une telle solution, sachant que la plupart s'appuient déjà sur des technologies BPM. En fait, le BPM est d'autant plus présent qu'il est intégré aux serveurs d'applications, aux portails, aux suites d'applications et aux kits de développement entraînant une prolifération en nombre de silos.

C'est à ce stade du raisonnement que les entreprises envisagent d'utiliser la Business Intelligence (BI) pour obtenir des informations sur leurs processus. Mais, elles s'aperçoivent rapidement que l'informatique décisionnelle traditionnelle est mieux adaptée au reporting de données (commandes, factures) qu'à celui des processus (durée du processus, temps d'attente, temps de fonctionnement, ressources et coûts de traitement) qui sont relatives au contexte du processus. Par exemple, pour calculer précisément le nombre de jours nécessaires à une tâche, le moteur d'analyse doit comprendre le concept de « jour ouvré » et s'adapter aux vacances, jours fériés, fuseaux horaires et autres. En outre, les systèmes de BI ont été conçus, et sont encore limités à fournir des informations en grande partie historiques, avec des capacités temps réel ou prédictives minimes.

Enfin, la BI exige un grand soin dans la conception de la structure de données sous-jacente (souvent nommée « data warehouse »), ainsi que des rapports et des tableaux de bord qu'attendent la plupart des entreprises. Le niveau de difficulté s'accroît encore quand on essaye d'utiliser la BI pour un processus réparti sur plusieurs systèmes : les données de chaque système devront être corrélées pour être intelligibles. Le BPM et la BI sont en fait deux méthodes très différentes, chacune avec leurs avantages propres, et développées pour travailler différemment. Avec la BI, on obtient des informations sur le « quoi » du processus, sur les résultats obtenus, alors que le BPM explique plutôt « comment » on a obtenu ces résultats. On voit que, dans le cas d'une configuration complexe (une ou plusieurs BPMS et éventuellement d'autres systèmes), la BI comme les suites BPM traditionnelles ont une efficacité limitée, même si elles peuvent être complémentaires dans certains cas. Pour une approche plus satisfaisante et plus productive, on doit envisager une nouvelle notion que l'on nommera « Process Intelligence ».

« La Process Intelligence » suggère une plus grande couverture des systèmes et ne se limite plus aux étapes du processus qui se déroulent dans les BPMS, mais s'intéresse aussi aux systèmes annexes. Elle est donc globale, car elle offre une visibilité et un contrôle de bout en bout des processus métiers inter fonctionnels, même s'ils appartiennent à des infrastructures technologiques hétérogènes. Elle est particulièrement performante dans les opérations de BPM complexes et centrées sur l'utilisateur, qui impliquent quotidiennement des milliers de participants et des millions de transactions. Elle permet de coordonner des tâches couvrant plusieurs zones fonctionnelles. Un premier palier de ROI est atteint dès lors que l'entreprise a installé son système et automatisé ses processus. Ensuite, on peut encore accroître ce ROI jour après jour par l'optimisation des coûts opérationnels, l'augmentation de la satisfaction client, des bénéfices financiers, etc., en surveillant constamment le déroulement des processus.

Pour ce faire, il est nécessaire d'avoir une excellente connaissance des personnes, des processus et des informations à travers : La visibilité des processus, on parle ici d'une visibilité de bout en bout des processus à travers plusieurs fonctions et/ou des infrastructures hétérogènes ; la vérification de l'alignement des processus en place, on veut vérifier que les processus en place concourent au mieux aux objectifs stratégiques de l'entreprise ; le contrôle de l'efficacité du processus, on souhaite atteindre le meilleur compromis entre le temps (au niveau du service) et le coût, et identifier les possibilités de mieux utiliser les ressources humaines. Et enfin, une réactivité immédiate, on doit pouvoir réagir aux changements en temps réel, dès apparition d'une déviation par rapport à une courbe de fonctionnement optimale, et même pouvoir prévoir et proposer des solutions à des problèmes potentiels comme la dégradation du niveau de service.

De par sa capacité de fédération et sa disponibilité, la « Process Intelligence » est essentielle pour initier et gérer efficacement la modification des processus. On l'a vu ci-dessus, la « Process Intelligence » permet de constituer un tableau de bord et de contrôler en temps réel le déroulement des processus, et de réagir en fonction des objectifs définis, tels que les accords de niveaux de service (SLA) ou autres indicateurs clés (KPI) de l'entreprise. Pour ce faire, la « Process Intelligence » réalise une analyse sophistiquée des données historiques des transactions et comporte par conséquent une base complète décrivant le fonctionnement du processus. Cette base peut être utilisée pour générer des rapports de fonctionnement globaux, analyser des dysfonctionnements, ou même étudier toutes sortes d'améliorations ou changements plus profonds. Toutefois, l'expérience a montré que tenter d'adapter les processus en extrapolant ceux des six derniers mois ou des six dernières années est insuffisant. Il est au contraire nécessaire de disposer d'un outil permettant de modéliser les changements, de les tester à travers différents scénarios pour mesurer - et non pas estimer - leur impact et celui d'événements externes et de conditions différentes sur les processus en place.

Conclusion : résoudre le vrai problème du management des processus

La complexité de l'automatisation des processus ne doit pas être sous-estimée. En réalité, les éditeurs de logiciels ont encore du pain sur la planche pour améliorer leurs solutions. Pour réussir, la plupart des éditeurs de solutions de BPM devront se spécialiser. En conséquence, les entreprises devront presque inévitablement gérer différents moteurs de processus. C'est pourquoi la « Process Intelligence » s'imposera rapidement comme une méthode encore plus stratégique que les suites BPM, auprès des entreprises soucieuses d'améliorer leurs performances.

Patrice Golles, Architecte solutions BPM chez Global 360.

*ndlr: Le BPM (Business Process Management) peut être défini comme l'analyse et la modélisation, par le biais de solutions logicielles, des procédures mises en place par l'entreprise pour réaliser ses activités. Sur ce marché s'activent des acteurs spécialisés tels que BEA, Cartesis, Global 360, Hyperion, Lombardi Software, Pegasystems et Savvion, et des éditeurs de progiciels comme et Oracle.
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