Le Digital Markets Act européen, taillé pour protéger les consommateurs, cristallise les critiques, notamment chez Google, qui déplore un accès devenu plus compliqué à Google Maps.

La régulation européenne DMA complique l'accès à Google Maps pour des millions d'utilisateurs. © Koshiro K / Shutterstock.com
La régulation européenne DMA complique l'accès à Google Maps pour des millions d'utilisateurs. © Koshiro K / Shutterstock.com

L'Europe voulait dompter les géants du numérique avec son DMA, le Digital Markets Act, mais les premiers retours ne sont pas ceux espérés. Selon une étude du groupe de réflexion ITIF, publiée en début de semaine, l'ambitieuse régulation pourrait bien se retourner contre ses bénéficiaires supposés et même freiner l'innovation, comme le redoute Google. Les critiques s'accumulent et pointent désormais un décalage entre les intentions et la réalité sur le terrain du point de vue utilisateur.

Google Maps devient un labyrinthe de clics pour les utilisateurs européens

Vous vous en êtes sans doute aperçu, le clic direct vers Google Maps lorsque vous avez généré une recherche sur un magasin, un restaurant ou tout autre lieu n'est plus possible, sauf à avoir un raccourci direct vers Google Maps et à entrer le lieu dans la barre de recherche de l'outil de cartogrpahie.

Plus particulièrement, depuis l'application du DMA, les Européens doivent désormais naviguer par des agrégateurs, ce qui multiplie les étapes pour accéder à leur destination. William Echikson, analyste au Centre d'analyse politique européenne (CEPA), témoigne depuis Bruxelles de cette complexification frustrante du quotidien numérique.

Cette règle anti-préférence, pensée pour favoriser la concurrence, créerait paradoxalement l'effet inverse. Les utilisateurs se retrouvent piégés dans un labyrinthe de clics supplémentaires. Jessica Stegrud, ancienne députée européenne, dénonce même un « mastodonte bureaucratique » fait d'obstacles inutiles.

Accéder directement à Google Maps depuis les résultats de recherche Google est plus compliqué qu'avant. © Alexandre Boero / Clubic
Accéder directement à Google Maps depuis les résultats de recherche Google est plus compliqué qu'avant. © Alexandre Boero / Clubic

Google prévient d'ailleurs ce mardi 1er juillet les régulateurs anti-concurrentiels de l'Union européenne des risques que fait peser le DMA sur l'innovation dans la zone. « Nous restons sincèrement préoccupés par les conséquences concrètes du DMA, qui conduisent à des produits et des expériences en ligne de moins bonne qualité pour les Européens », dit la firme de Mountain View. On rappelle que le DMA menace de sanction (une amende de 10% du chiffre d'affaires annuel mondial) toute entreprise qui ne respecterait pas ses règles.

Comment l'Europe devient citoyenne de seconde zone dans le numérique

L'interopérabilité obligatoire inquiète aussi l'ITIF et ses membres, dont Google fait partie. Leur crainte ? Une menace pour la sécurité. Apple, représentée au conseil d'administration du groupe de réflexion, doit désormais exposer des composants système sensibles comme le contenu des notifications et l'historique Wi-Fi aux développeurs tiers. Jenny Blessing et Ross Anderson, chercheurs à l'Université de Cambridge, avertissent que l'interopérabilité obligatoire « augmente considérablement la surface d'attaque à tous les niveaux », ce qui compromet les protections actuelles des utilisateurs.

Autre exemple brandi par l'ITIF et qui concerne aussi la firme de Cupertino, Apple Intelligence. L'IA d'Apple a débarqué aux États-Unis en juin 2024, mais les Européens ont dû patienter près d'un an, jusqu'en avril 2025, pour en profiter. Un retard imputable aux contraintes du DMA, selon Apple. Meta a aussi retardé Threads de cinq mois en Europe pour des raisons similaires. Un surplus de règles ferait donc de l'Europe une citoyenne de seconde zone dans l'économie numérique mondiale ?

Le paradoxe frappe aussi les PME, que le DMA est censé protéger. Henrique Schneider, ancien économiste en chef de la Fédération suisse des PME, alerte à son tour : « Tout comme le RGPD a profité aux grandes entreprises tech et nui aux autres, le DMA crée des coûts réglementaires supplémentaires qui érigent des barrières à l'entrée. » Il est vrai que les start-up européennes peinent déjà à rivaliser avec leurs homologues américaines ou chinoises.

L'étude évoque enfin des pertes potentielles de 114 milliards d'euros pour les secteurs de services européens, qui seraient comparables à une baisse de productivité de 1 122 euros par travailleur. Ces chiffres questionnent forcément sur l'équilibre toujours diablement compliqué à trouver entre protection réglementaire et compétitivité économique. Le message envoyé par l'ITIF, c'est que l'Europe risque de s'isoler en voulant trop contrôler son marché.

Sources : ITIF, Reuters