Des chercheurs ont analysé plus de 280 000 vidéos académiques. Depuis la sortie de ChatGPT, certains mots typiques des réponses générées par l’IA apparaissent beaucoup plus souvent dans les prises de parole. Cette évolution linguistique inquiète les auteurs de l’étude, qui évoquent un risque de standardisation du langage.

Demain, parlerons-nous tous comme chatGPT ? - ©Robalito / Shutterstock
Demain, parlerons-nous tous comme chatGPT ? - ©Robalito / Shutterstock
L'info en 3 points
  • Les chercheurs du Max Planck Institute ont analysé 280 000 vidéos académiques pour étudier l'influence de ChatGPT sur le langage oral.
  • Depuis le lancement de ChatGPT, des mots typiques de l'IA comme "delve" et "meticulous" sont plus fréquents.
  • L'étude montre une standardisation du langage, remplaçant des expressions personnelles par un style plus neutre.

280 000 vidéos. 20 000 chaînes universitaires. Et un constat inédit. Une équipe du Max Planck Institute for Human Development a étudié l’évolution du langage oral dans des contenus académiques publiés sur YouTube. Elle souhaitait savoir si les modèles comme ChatGPT influencent la manière dont les humains s’expriment à l’oral. Leurs résultats montrent une progression nette de certains mots depuis fin 2022, mois de lancement public de ChatGPT.

Des termes comme « delve », « meticulous », « adept » ou « realm » deviennent plus fréquents dans les interventions orales. Le mot « delve », par exemple, augmente de 48 % en dix-huit mois. Cette évolution concerne les discours filmés dans un cadre universitaire, notamment les cours, conférences ou présentations de chercheurs. Le phénomène touche aussi les prises de parole, même spontanées.

ChatGPT
  • Chat dans différentes langues, dont le français
  • Générer, traduire et obtenir un résumé de texte
  • Générer, optimiser et corriger du code
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Des tournures très IA qui s’invitent dans les discours humains

L’étude s'est construite d'après une corpus large, à partir de transcriptions automatiques. Les chercheurs ont mesuré la fréquence de certains mots avant et après le lancement de ChatGPT, en comparant les résultats à ceux de mots neutres. Les différences sont nettes. Les mots les plus typiques du langage produit par l’IA progressent rapidement, alors que les autres restent stables.

Les vidéos analysées viennent d’universités, d’écoles, de laboratoires ou de centres de recherche. Le mot « delve », typique des reformulations IA, apparaît de plus en plus souvent. Dans l’échantillon étudié, sa fréquence grimpe de manière continue sur la période. Le mot n’est pas seul dans ce cas. « Meticulous » augmente de 40 %, « adept » de 51 %. Ces données concernent uniquement des interventions humaines.

Le même effet se retrouve dans des séquences non lues. Sur un échantillon de cinquante vidéos contenant le mot « delve », environ 60 % ne montrent aucun signe de lecture d’un texte rédigé. Les chercheurs en concluent que le langage de l’IA circule aussi par imprégnation. Les locuteurs n’imitent pas volontairement, mais s’habituent à certaines tournures qu’ils ont lues ou entendues.

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Un style plus propre, mais moins personnel

Les auteurs observent un glissement vers un langage plus formaté. Ils citent des exemples de discours où des formulations expressives ou familières laissent place à un vocabulaire plus neutre. L’étude souligne que « ce qui aurait pu être un argument passionné et complexe devient ennuyeux et aseptisé ». La diversité linguistique se réduit au profit d’un style plus homogène.

Cette évolution reste liée au contexte éducatif anglophone. Les vidéos étudiées proviennent de chaînes identifiées comme appartenant à des établissements d’enseignement supérieur. Mais l’usage massif de ChatGPT augmente la probabilité que ces transformations se diffusent. OpenAI annonce 500 millions d’utilisateurs actifs chaque semaine en mars 2025, dont 160 millions chaque jour. Aux États-Unis, une enquête de Pew Research Center de janvier 2025 indique que 26 % des adolescents utilisent ChatGPT pour leurs devoirs. L'IA ne connaît pas de frontières ni de barrière de langues et encore moins de culture, Molière pourrait se retourner dans sa tombe s'il savait que ChatGPT pourra, à court terme, ruiner le français.

Ces usages fréquents contribuent à faire circuler les mêmes tournures. Et ce que l’on lit ou entend dans une réponse IA peut finir, sans s’en rendre compte, dans une prise de parole. La boucle se ferme et le système s'asphyxie. Le langage, lui, s'appauvrit.

Source : axiv