À l’occasion de Viva Tech, nous avons rencontré Jean-Simon Chaudier, cofondateur et PDG de FireTracking, une start-up française spécialisée dans la détection précoce des incendies grâce à l’intelligence artificielle. Sa solution innovante s'intègre à n’importe quel système de vidéosurveillance existant et remplace avantageusement la surveillance humaine, souvent inefficace. Explications.

Jean-Simon Chaudier, CEO et cofondateur de FireTracking. ©Nicolas Guyot pour Clubic
Jean-Simon Chaudier, CEO et cofondateur de FireTracking. ©Nicolas Guyot pour Clubic

Avec un taux de réussite de plus de 90% et une détection record en moins de 3 minutes, le dispositif FireTracking est une illustration concrète des bénéfices apportés par l’intelligence artificielle dans la vie quotidienne. Une intervention plus rapide des pompiers permet ainsi de sauver des vies, de préserver les écosystèmes et de réaliser des économies significatives pour les collectivités locales et assurances.

Clubic : Pourquoi une IA pour détecter les incendies de forêt ?

Jean-Simon Chaudier : Les feux de forêt représentent un hectare brûlé toutes les 5 secondes. À titre d’exemple, le grand incendie des Landes il y a trois ans a détruit 20 000 hectares, soit deux fois la taille de Paris, entraînant le déplacement de 50 000 personnes et mettant en péril des espèces endémiques. Les coûts pour y faire face se chiffrent en dizaines de millions d'euros. Ce que nous proposons aux pompiers, c’est de gagner du temps en détectant les départs de feux en quelques minutes seulement pour intervenir avant que la situation ne devienne critique. Nous installons des caméras sur des points hauts tels que des antennes télécom ou des châteaux d'eau. Couplées à notre intelligence artificielle, ces caméras peuvent détecter des feux jusqu'à 20 km de distance, en moins de trois minutes, avec une précision inférieure à 100 mètres. Tout ceci sans nécessité d’une supervision humaine permanente grâce à notre taux extrêmement faible de fausses alarmes.

Ce dernier point est essentiel : les solutions actuelles génèrent souvent trop de fausses alarmes, imposant une supervision constante très coûteuse et peu efficace. Grâce à notre IA, nous avons franchi un nouveau palier en termes de performances et réduit considérablement le besoin en ressources humaines.

L'interface de FireTracking. Un incendie est détecté. Derrière le point de départ de l'incendie, on constate la zone de propagation potentielle du feu ainsi que sa trajectoire. ©Nicolas Guyot pour Clubic
L'interface de FireTracking. Un incendie est détecté. Derrière le point de départ de l'incendie, on constate la zone de propagation potentielle du feu ainsi que sa trajectoire. ©Nicolas Guyot pour Clubic

Clubic : Comment avez-vous entraîné cette IA ?

Jean-Simon Chaudier : Avec beaucoup d'énergie ! Notre équipe comprend trois docteurs en biotechnologies et en sciences issus de l’École Normale Supérieure, impliqués sur ce projet depuis deux ans et demi. Nous avons commencé en Nouvelle-Calédonie, un territoire confronté à une urgence majeure : 20 000 à 40 000 hectares y brûlent chaque année, l’équivalent de ce qui se produit en métropole. La Nouvelle-Calédonie, avec ses nombreuses espèces endémiques, a constitué une base de données précieuse pour entraîner notre IA. Par exemple, dans l’Indre-et-Loire où nous sommes également déployés, il y a 300 départs de feux par an, contre dix par jour en Nouvelle-Calédonie.

Un exemple de caméra employée pour surveiller les forêts. Un modèle motorisé et, qui plus est, équipé d'une antenne Starlink. ©Nicolas Guyot pour Clubic

Clubic : C’est un terrain idéal, en somme ?

Jean-Simon Chaudier : Tout à fait. Nous utilisons également des processus d’IA générative pour créer des données artificielles. Par exemple, nous générons des motifs de fumée que nous intégrons dans divers paysages pour entraîner nos algorithmes. De plus, nos modèles ne se contentent pas d’analyser une image fixe, mais évaluent toute une séquence vidéo, identifiant si la fumée se densifie ou change de couleur. Ainsi, nous évitons les fausses alarmes liées à la brume matinale ou aux fumées de cheminée.

FireTracking installe ce boîtier entre la caméra de surveillance et la connexion réseau. Il contient une puce NVIDIA (modèle non précisé). ©Nicolas Guyot pour Clubic

Clubic : Votre IA différencie donc un barbecue d’un incendie ?

Jean-Simon Chaudier : Absolument. Un barbecue produit une fumée intermittente qui ne se densifie pas dans le temps, ce qui constitue un motif clair de fausse alerte que notre IA sait identifier.

Clubic : Que se passe-t-il une fois un incendie détecté ?

Jean-Simon Chaudier : L’alarme est envoyée immédiatement aux pompiers via une application sur smartphone, tablette ou ordinateur. Ils peuvent consulter les dernières images, revoir la chronologie de l'incendie et analyser la situation grâce à une caméra haute définition équipée d’un zoom 40x. Notre solution intègre aussi des données sur le vent pour simuler la propagation potentielle du feu et faciliter la prise de décision rapide. L'application indique également des informations utiles comme l’emplacement des cuves d'eau ou des sentiers pédestres proches.

En fonction des caméras de surveillance, le système FireTracking peut détecter des feux jusqu'à 20 km de distance. ©Nicolas Guyot pour Clubic

Clubic : Quelles sont les prochaines étapes pour FireTracking ?

Jean-Simon Chaudier : Actuellement, nous sommes déployés en Indre-et-Loire et en Nouvelle-Calédonie, mais nous explorons des opportunités en Amérique du Nord, Amérique du Sud et Australie. Pour cela, nous lançons une levée de fonds afin d'accélérer notre développement international et de proposer de nouveaux services, comme la détection d’inondations, de tempêtes, d'éboulements ou d'incidents industriels en zone urbaine.

Clubic : Que pensez-vous des fabricants de caméras intégrant déjà la détection de départ d’incendies ?

Jean-Simon Chaudier : Leur métier reste avant tout le hardware. La vraie différence se fait au niveau du logiciel. Les solutions généralistes intégrées par ces fabricants sont souvent coûteuses et insuffisamment adaptées aux besoins précis des pompiers. Nous constatons d’ailleurs que ces fabricants ne sont généralement pas retenus sur les marchés publics spécialisés, là où notre solution fait ses preuves.