Les astronomes ont repéré une planète énorme autour d’une étoile minuscule, à 500 années-lumière de la Terre. Son existence ne colle à aucun scénario connu. Trop grosse, trop lointaine, mal assortie. Et pourtant, elle est bien là.

La planète TOI-6894b derrière son étoile - ©Université de Warwick/Mark Garlick
La planète TOI-6894b derrière son étoile - ©Université de Warwick/Mark Garlick

Les télescopes de l’ESO viennent de détecter un couple étrange dans la constellation de l’Autel. Une planète de la taille de Jupiter gravite autour d’une étoile si légère qu’elle frôle la limite entre étoile et naine brune. À eux deux, ils forment un système si improbable que les chercheurs ne savent pas quoi en faire.

L’étoile, qui s'appelle W1935, ne représente qu’un dixième de la masse du Soleil. La planète, baptisée W1935b, tourne autour d’elle à une distance équivalente à celle entre le Soleil et Pluton. Trop loin pour s’être formée sur place, trop massive pour avoir été capturée facilement. Et surtout, sans disque de matière visible autour de l’étoile, donc sans l’environnement habituel dans lequel naissent les planètes.

Une planète qui ne coche aucune case dans les modèles actuels

La planète W1935b est une géante gazeuse semblable à Jupiter, mais son étoile est si faible qu’elle ne dégage presque pas de lumière visible. Ce type d’étoile est rare et encore mal compris. Les modèles d’évolution planétaire supposent qu’une planète de cette taille doit naître dans un disque riche en gaz, en orbite autour d’une étoile plus massive. Ce n’est pas le cas ici.

Selon les estimations de l’équipe, la planète est six fois plus éloignée de son étoile que Jupiter ne l’est du Soleil. À cette distance, les températures sont glaciales et la densité de matière devient trop faible pour permettre la formation d’un noyau. Pourtant, « quelque chose a formé cette planète », résume l’astronome Baptiste Lavie, co-auteur de l’étude.

Le scénario d’une capture reste possible, mais improbable. Pour qu’une planète dérivante soit piégée par une étoile si peu massive, il faudrait une configuration dynamique très spécifique. Rien dans l’environnement du système ne laisse penser qu’un tel événement a pu avoir lieu.

Selon le CNES, en 2024, on recensait 6 200 exoplanètes - © Artsiom P / Shutterstock
Selon le CNES, en 2024, on recensait 6 200 exoplanètes - © Artsiom P / Shutterstock

Un couple improbable dans les confins de la Voie lactée

Et si vous pensiez qu'il s'agissait d'une rareté, vous étiez à des années-lumières du compte. Depuis quelques années, les télescopes repèrent de plus en plus d’exoplanètes qui échappent aux modèles classiques. Certaines flottent librement dans l’espace, sans étoile. D’autres semblent avoir été expulsées de leur système d’origine. Ces cas restent rares, mais ils s’accumulent.

« Chaque nouvelle anomalie nous oblige à ajuster nos scénarios », explique Baptiste Lavie. « Ce système, on ne peut pas l’expliquer pour l’instant, mais il nous montre que les mécanismes de formation planétaire sont peut-être plus divers qu’on ne le pensait », précise-t-il.

W1935 et sa planète forment un système isolé, sans étoile compagne, ni trace d’interaction passée. Ils évoluent seuls à la frontière de la Voie lactée, à plus de 500 années-lumière de la Terre. Ce genre d’objet reste difficile à détecter, car il émet peu de lumière et ne transite pas devant son étoile. L’instrument SPHERE, installé sur le VLT au Chili, a permis une observation directe.