L'Italie met fin à son contrat avec le fabricant israélien de logiciels espions Paragon. Le gouvernement a pris cette décision après les révélations sur la surveillance de journalistes et d'activistes locaux.

Le gouvernement italien a définitivement enterré son programme de surveillance numérique avec Paragon, si l'on en croit un document parlementaire publié ce lundi. Le logiciel espion israélien avait ciblé des utilisateurs WhatsApp, parmi lesquels des journalistes et des membres de l'ONG de sauvetage Mediterranea. La pression médiatique et publique a contraint Rome à abandonner ce partenariat plus que controversé.
Le scandale WhatsApp force l'Italie à abandonner son spyware israélien
Le tollé avait commencé plus tôt cette année quand Meta avait lancé que des dizaines d'utilisateurs WhatsApp furent dans le collimateur des outils Paragon. Parmi les victimes figuraient un journaliste et plusieurs membres de l'ONG Mediterranea, cette organisation qui fâche Rome avec ses sauvetages en Méditerranée et ses critiques acerbes de la politique migratoire de Giorgia Meloni.
En février, le gouvernement avait fini par cracher le morceau. Sept téléphones portables italiens avaient bel et bien été espionnés. Pris la main dans le sac, il avait immédiatement contre-attaqué en niant toute activité illicite, en confiant au passage l'enquête à l'Agence nationale de cybersécurité du pays, pour se donner une image plus clean.
Lundi, le rapport parlementaire du COPASIR, le comité italien chargé de surveiller les services de renseignement et la sécurité nationale, a mis les points sur les i. Celui-ci confirme que les services secrets italiens avaient d'abord mis en pause leur partenariat avec l'entreprise israélienne, avant d'y mettre fin. Dès lors que la presse a décidé de s'en mêler et que l'opinion publique a commencé à tiquer, la pression fut trop importante.
Les dessous de l'espionnage italien avec Paragon enfin dévoilés
Les révélations du rapport COPASIR décrivent une opération d'ampleur limitée mais aux ramifications explosives. Les agences de renseignement intérieur et extérieur avaient discrètement signé avec Paragon en 2023 et 2024, en déployant les logiciels espions sur quelques cibles triées sur le volet, toujours avec le feu vert d'un procureur. Du moins sur le papier.
L'agence italienne de renseignement extérieur a justifié l'utilisation du logiciel espion par un cocktail de missions. Elle le sollicitait dans le cadre de la lutte anti-immigration, de la recherche de fugitifs et de la traque terroriste, jusqu'au démantèlement du crime organisé et au contre-espionnage. Ce fut tentant pour les services, mais plus discutable pour les libertés civiles. La frontière entre la sécurité nationale et la surveillance demeure plus floue qu'on ne l'imagine.
Le cas Mediterranea met en lumière ces zones un peu grises. Alfredo Mantovano, homme de confiance de Giorgia Meloni pour le renseignement, avait autorisé le 5 septembre 2024 la surveillance de Luca Casarini et Beppe Caccia, deux activistes. Le motif officiel portait non pas sur leur militantisme humanitaire, mais sur leurs « activités potentiellement liées à l'immigration irrégulière ».
Les deux responsables de l'ONG viennent d'être renvoyés en procès par un juge sicilien pour aide à l'immigration clandestine, une première pour des équipages de sauvetage. Surprise du rapport : Francesco Cancellato, journaliste de Fanpage qui affirmait avoir été espionné, n'apparaît nulle part dans les fichiers Paragon consultés.
09 juin 2025 à 10h02
Source : Reuters