Un catholique voulait se faire radier de la liste des baptisés de l'Eglise, au nom du RGPD : le Conseil d'État donne raison à l'Eglise

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
12 février 2024 à 17h04
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Une femme priant devant son ordinateur portable © ftimelexandru88 / Shutterstock
Une femme priant devant son ordinateur portable © ftimelexandru88 / Shutterstock

L'Église catholique a préféré mentionner le « reniement » du baptême d'un catholique qui, lui, demandait l'effacement de toute mention. Se prévalant du RGPD, il s'est heurté au Conseil d'État. Clubic décrypte la décision.

C'est une affaire de données personnelles disons, peu banale, que les membres du Conseil d'État ont eu à trancher. Un individu de confession catholique, qui souhaitait se faire débaptiser, a été confronté au refus de l'Église et a donc, en février 2020, saisi la CNIL, pour obtenir gain de cause. Mais le gendarme des données a préféré renvoyer le dossier devant le Conseil d'État, qui a fini par trancher… en faveur de l'association diocésaine d'Angers. Mais pourquoi donc ?

Le RGPD ne s'applique pas pour un individu qui souhaite être « débaptisé »

Le refus d'être débaptisé au nom du RGPD, le règlement européen sur la protection des données, a suscité des débats jusqu'au Conseil d'État, au moment de trancher la demande d'un catholique qui souhaitait exercer son droit d'effacement et d'opposition au traitement des données figurant dans le registre des baptêmes du diocèse d'Angers.

L'Église a refusé en expliquant que le registre ne servait qu'à « conserver la trace d'un événement » qui, à ses yeux, constitue l'entrée d'un individu dans la communauté chrétienne. Le diocèse a expliqué que le baptême était notamment requis « pour accéder au mariage ». Retirer donc la trace du baptême reviendrait alors à priver l'individu de son droit à un mariage religieux catholique.

Cet argument a, en partie, fait mouche auprès du Conseil d'État, dans sa décision du 2 février 2023 lue le 2 février 2024. La plus haute juridiction administrative approuve la décision de l'Église et l'explication selon laquelle effacer un baptême poserait des problèmes pour ceux qui souhaitent réintégrer la communauté chrétienne, en vue d'un mariage religieux par exemple, comme nous l'expliquions.

L'Église propose une solution intermédiaire inhabituelle, acceptée par la CNIL et le Conseil d'État

La CNIL avait déjà estimé, en son temps, qu'il n'existait pas de motif valable d'effacement au sens du RGPD. Le Conseil d'État a aussi validé ce raisonnement, en soulignant que la mention des données sur le registre des baptêmes ne constitue pas un traitement illicite de l'information. Il évoque aussi la nécessité de conserver ces données jusqu'au décès de la personne baptisée.

Pour les conseillers, la conservation des données sur l'état civil, la filiation et les coordonnées est nécessaire. Pour « compenser » le refus de supprimer la mention du registre, le diocèse angevin était prêt à mentionner, en face du nom de l'intéressé, que celui-ci a « renié son baptême ». La CNIL, approuvée par le Conseil d'État, avait trouvé cette proposition « satisfaisante », ajoutant qu'elle suffisait à répondre au droit d'opposition du demandeur.

Cette décision du Conseil d'État établit en tout cas un précédent concernant les demandes de débaptisation au nom du RGPD. Elle souligne l'importance de l'équilibre entre les droits individuels et les intérêts institutionnels, tout en préservant la nature spécifique des registres des baptêmes et la liberté de l'Église à conserver ces données pour des raisons légitimes.

Sources : Conseil d'État, Legalis, Clubic

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM, école reconnue par la profession), pour écrire, interviewer, filmer, monter et produire du contenu écrit, audio ou vidéo au quotidien. Quelques atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la production vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et la musique :)

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Commentaires (27)

justberare
La récente décision du Conseil d’État, refusant la demande d’un individu souhaitant être radié des registres de baptême au nom du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), soulève d’importantes questions juridiques et éthiques. Premièrement, elle met en lumière la problématique des personnes baptisées durant leur enfance, à un âge où elles ne pouvaient pas consentir de manière éclairée à cette inclusion. En tant qu’adultes, ces individus devraient avoir le droit de révoquer ce consentement présumé, conformément aux principes du RGPD sur le consentement éclairé et la gestion autonome des données personnelles.<br /> Deuxièmement, ma propre expérience souligne une faille dans la gestion de la confidentialité des registres paroissiaux, où l’accès semble peu réglementé et ne requiert pas de preuves d’identité suffisantes. Cela expose les individus à des risques de préjudices personnels, notamment si leur renonciation au baptême est publiquement accessible, pouvant entraîner des discriminations ou des jugements au sein de leur communauté.<br /> La position du diocèse, affirmant que le baptême est une condition sine qua non pour accéder au mariage religieux catholique, soulève une question complexe à l’intersection du droit canonique et du droit séculier. Dans la doctrine catholique, le baptême est considéré comme un sacrement unique et irréversible, qui ne peut être administré qu’une seule fois. Cependant, cette spécificité doctrinale ne devrait pas entraver le droit des individus à exercer un contrôle sur leurs données personnelles, tel que garanti par le RGPD. Bien que le baptême joue un rôle central dans les pratiques et croyances catholiques, le cadre juridique laïc, notamment en France, impose des obligations distinctes qui n’obligent pas les institutions religieuses à conserver indéfiniment les données personnelles contre la volonté de l’individu concerné.
Biggs
Le principe de conserver une chronologie du parcours d’un individu au sein de la communauté religieuse, à titre administratif, ne me choque pas (de même qu’il est impossible de supprimer son acte de naissance ou de se « désinscrire » du permis de conduire – enfin je suppose). Maintenant il ne faudrait pas que cela corresponde à une impossibilité de quitter spirituellement ladite communauté (« Non on vous effacera pas et de fait, vous êtes toujours chez nous »).<br /> A priori l’église accepte de mentionner que l’individu a renié son baptême, si c’est suffisant pour que la personne soit officiellement libre de tout engagement spirituel (par exemple si elle veut s’inscrire dans une autre confession), c’est ok.<br /> Si en revanche cette mention n’a aucune valeur « légale » et que l’église continue de compter l’individu concerné dans ses rangs, alors pas ok.
tfpsly
Biggs:<br /> au sein de la communauté religieuse, à titre administratif, ne me choque pas (de même qu’il est impossible de supprimer son acte de naissance ou de se « désinscrire » du permis de conduire<br /> Les religions ne font pas partie des instances gouvernementales, une telle comparaison n’est pas valable.
Revenge77
La France n’est pas un état laïque ? Séparation de toute forme de religions ou de sectes avec l’état ? C’est curieux…
bizbiz
L’apostasie devrait être un choix légitime de l’individu dés sa majorité civile atteinte.
kaks56
Etre baptisé n’empêche rien… Tu reste libre de tout ce que tu veux, même apostasier ou changer de religion. C’est le principe même de la Foi que tu restes libre de questionner toute ta vie durant.<br /> Compter quelqu’un dans ses rangs n’a donc aucun sens… Le nombre ne compte pas.<br /> En pratique, la seule question est : est-il déjà marié ou ordonnée prêtre, auquel cas il ne peut pas se remarier. Est-il déjà baptisé, sinon il ne peut pas se marier. c’est la seule fonction de ce registre.<br /> Après, sur le fond, l’Eglise considère que le baptême te fait enfant de Dieu et te confère des grâces. Tu peux demander à être effacé sur un papier, mais l’Eglise considère que ca n’enlève rien sur le fond (tu restes baptisé… on ne revient pas en arrière dans la vie… N’est ce pas Marty ?)
Revenge77
Quand tu es homo, tu te fais excommunié, c’est une solution…Sinon tu peux changer de religion comme tu veux…C’est ta vie, tu peux faire ce que tu veux, tu peux te faire toutes les religions si tu veux.
gothax
Que l église soit au-dessus ou en dehors des règles est une honte pour notre pays républicain !!! Changez catholique par une autre religion et ça ouvrirait le 20h !<br /> Bravo pour ton analyse @justberare
louis.maisonneuve
C’est ahurissant ! Faire tout un ramdam pour se faire «&nbsp;dé baptiser&nbsp;»… alors qu’on ne croit en rien la foi chrétienne. Si demain j’apprends que le Grand Mamamouchi, roi des Mongols, m’a fiché «&nbsp;mongol&nbsp;», ça risque de ne pas m’empêcher de dormir !
Werehog
Le délire des gens autour du RGPD prend de sacrés proportions parfois, heureusement que c’est ultra minoritaire sinon ce serait invivable.
pecore
Si, justement, la France est un état laïque et c’est pour cela qu’elle ne peut intervenir dans la gestion interne d’un culte ou d’une religion, dès lors que ceux-ci respectent la loi.<br /> Je te rappelle que ce n’est pas l’église qui a saisi la CNIL et donc mêlé l’état à des affaires de religion.
Fitz557
C’est aussi une façon de remettre en question des pratiques. Dès le plus jeune âge, des parents font entrer leurs enfants dans l’église sans aucune notion de consentement.<br /> Et vous ne savez pas quel impact ça a pu avoir sur la vie de la personne. Il y a un paquet d’abus dans l’église, et ça peut avoir une forte valeur symbolique de virer tous les liens qu’on peut avoir avec.
tfpsly
pecore:<br /> elle ne peut intervenir dans la gestion interne d’un culte ou d’une religion, dès lors que ceux-ci respectent la loi.<br /> Justement, le problème était que cette religion refusait d’effacer des données personnelles de leur base de donnée, contrairement à ce qu’autorise la RGPD. Légal ? A voir.
Martin_Penwald
D’autant que je n’ai jamais consenti à être baptisé comme beaucoup d’autres. Je trouve inadmissible que l’on ne puisse pas faire retirer son nom des registres.
somoved
Heureusement que les relativistes ne sont pas ceux qui font bouger les choses parce qu’on serait pas très avancé.
Fitz557
Etant donné que le gars n’est pas musulman, votre commentaire, c’est juste une manière absurde de trouver n’importe quel moyen pour taper sur les musulmans?
Proutie66
Ah, voilà le défenseur que personne n’attendait.<br /> On trouve régulièrement des blaireaux qui viennent faire leur pseudo-buzz sur l’église. Je pense à un type qui twerkait dans l’église.<br /> Etrangement, jamais dans d’autres centres religieux.<br /> Là, que le mec il a tellement rien à faire dans sa vie pour que le RGPD l’intéresse, pire, le RGPD de l’église.
tfpsly
louis.maisonneuve:<br /> Faire tout un ramdam pour se faire « dé baptiser »…<br /> Ça peut avoir des conséquences. Ex, dans pas mal de pays germaniques tu payes des impôts supplémentaires pour la gestion des églises ou mosquées ou autres si tu as une religion.
yeerum
Exactement, du bruit pour pas grand chose…
yeerum
On peut dire la même chose pour les vaccins par exemple. De manière générale, cela par toujours d’une bonne intention, mais on sait jamais vraiment comment l’individus va le prendre plus tard.<br /> Parmi les choses mis en place sans connaître les impacts futurs que cela peut entraîner, honnêtement, ce cas présent devrait se trouver en bas de la pile compte de tenu des préoccupations du moment…
Fitz557
On ne peut pas comparer des enjeux de santé publique avec des croyances religieuses, ça n’a rien à voir avec les vaccins.<br /> Et le fait qu’il y ait potentiellement des trucs plus graves ne veut pas dire qu’on ne doit rien faire pour les trucs moins graves. Ce n’est pas forcément un ou l’autre.
Fitz557
Ben perso j’ai une vie chargée et pourtant le RGPD m’intéresse.<br /> Et comme je disais dans un autre commentaire, vous n’avez aucune idée des raisons qui poussent la personne à demander ça. L’église a donné des tas de raisons à des tas de gens de couper tous les ponts. Perso la seule raison qui me retient de ne pas faire la même demande, c’est parce qu’en Belgique, l’église exige vingt balles pour rayer les noms de leurs registres. Je trouve ça assez scandaleux.
yeerum
Détrompez vous, le point de vue que vous abordez sur les enjeux de santé publique est le produit de votre jugement de valeur. Dans ce cas de figure, c’est exactement la même mécanique de pensée: Un anti-vax se sentira autant lésé d’avoir été vacciné sans son consentement à son plus jeune âge, à tort ou à raison, ce n’est pas le propos.
yeerum
Demandez donc à vos parents qu’ils vous remboursent les 20e
Fitz557
Tout est jugement de valeur, c’est bien pour ça qu’on autorise ou qu’on interdit certains comportements. Parce que ça dépend toujours des cas.<br /> Et perso je trouve que c’est largement pertinent de distinguer politique de santé publique basée sur la science et croyances religieuses. Pour moi, l’obligation vaccinale et l’entrée dans une religion, c’est bien suffisamment différent pour justifier un traitement différent.
yeerum
Je reprécise que j’ai cité les vaccins à titre d’exemple parmi tant d’autre comme un prénom symbolique ou autre…, le but étant surtout de souligner que quoi qu’il arrive, un individu devra toujours faire avec les conséquences des choix que ses parents ont fait, même si ces choix seront remis en question plus tard (ça on peut pas le deviner).
Kaggan
Point numéro 1 : la laïcité n’a jamais été défini dans la loi. De ce fait, légalement, la laïcité n’existe pas.<br /> Point numéro 2 : la France est un pays laïc dans le sens où l’État se positionne comme non apte à juger des affaires d’ordre religieuses.<br /> En pratique, beaucoup de politique sont affilié à un culte, que ce soit le christianisme ou l’islam (beaucoup moins pour les autres). C’est la raison pour laquelle il y a souvent un accord sur le fonctionnement opaque des associations religieuses, que ce soit l’église qui règle en interne les cas de pédophilie ou les mosquées dont les prêches ont pendant longtemps été délégués à des puissances étrangères (imam marocains, algérien, saoudien et j’en passe, donc décallé des valeurs républicaines).<br /> En soit, la laïcité est une catastrophe car l’Etat perd tout droit de regard sur le fonctionnement des cultes tant qu’ils ne commettent pas d’acte répréhensible connus publiquement (plainte ou affichage publique). En soit, l’Etat n’a pas le droit d’imposer quoi que ce soit aux ordres religieux qui ne figure pas directement dans la loi (comme une absence de condamnation ou une formation civique, un suivit psychologique et j’en passe). La loi de 1905 est en pratique avec ses dérives, moins une loi de séparation qu’une loi d’ingérence.<br /> A contrario, le Maroc a comme roi Mohammed VI qui est aussi le chef du culte dans le pays. Il a, il y a quelques années, fait passé une loi obligeant les imams a avoir une formation civique sans quoi il leur est interdit de prêcher. En France, pour faire la même chose, il faudrait réformer les lois autours des associations privés.
tfpsly
Kaggan:<br /> En soit, la laïcité est une catastrophe car l’Etat perd tout droit de regard sur le fonctionnement des cultes tant qu’ils ne commettent pas d’acte répréhensible connus publiquement<br /> Bof non, aucune différence avec une autre organisation, entreprise ou personne.<br /> EDIT :<br /> Kaggan:<br /> la laïcité n’a jamais été défini dans la loi. De ce fait, légalement, la laïcité n’existe pas.<br /> Tu diras ça au Conseil Constitutionnel, vu l’article 1er de la Constitution de 1958.
Revenge77
Pensez au jeu video «&nbsp;Populous&nbsp;» lol<br /> Populous sur PC est un jeu de stratégie qui vous propose de vous mettre dans la peau du Créateur. Commandez une civilisation et venez à bout des populations sous la joute de dieux adverses.
Kaggan
je peux leur dire, en effet, vu qu’il n’y a aucune définition de «&nbsp;laïcité&nbsp;».<br /> Pour les influenceurs, pour prendre un exemple, la loi 2023-451 dit : Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique.<br /> Ça c’est une définition d’un terme dans la loi. Trouve la définition de laïcité dans la loi française.
MattS32
Kaggan:<br /> Trouve la définition de laïcité dans la loi française.<br /> Selon le Conseil constitutionnel (décision du 21 février 2013), résultent du principe de laïcité :<br /> le respect de toutes les croyances et l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion ;<br /> la garantie du libre exercice des cultes ;<br /> la neutralité de l’État ;<br /> l’absence de culte officiel et de salariat du clergé.<br /> La loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État est la clé de voûte de la laïcité en France.<br /> ( https://www.vie-publique.fr/fiches/276820-quelle-est-la-definition-de-la-laicite )<br /> Et cette autorisation aux autorités catholiques de ne pas respecter la loi sur le droit à l’effacement des données personnelles me semble en particulier en violation de ce point de la loi de 1905 : «&nbsp;La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte&nbsp;».<br /> Car c’est en quelque sorte reconnaître que les préceptes du culte catholique sont au-dessus de la loi…
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