Des flammes, une explosion : cet essai de moteurs ne se passe pas comme prévu pour SpaceX

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
12 juillet 2022 à 16h35
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La nature de l'explosion a laissé peu de doutes sur ce test raté. Crédits : Nasaspaceflight/YouTube
La nature de l'explosion a laissé peu de doutes sur ce test raté. Crédits : Nasaspaceflight/YouTube

Le test sur le prototype SuperHeavy BN7 réalisé ce 11 juillet a été bien plus spectaculaire que ce que les équipes attendaient. Alors que l'essai visait un mode de démarrage des moteurs, une explosion a secoué le site de lancement, produit de hautes flammes, puis un incendie. Il y a encore beaucoup à apprendre…

Il ne faut jamais baisser sa garde !

3, 2, 1, feu !

En place sur la table de tir depuis le 25 juin, le nouveau prototype de SuperHeavy BN7 a subi hier soir le premier revers de cette nouvelle campagne de tests. Ses 33 moteurs installés, BN7 avait jusque là passé les essais les uns après les autres : installation grâce aux grands bras mobiles de la tour de lancement de SpaceX, connexion à la table de tir, remplissage des réservoirs en conditions normales puis cryogéniques…

Il fallait bien se décider un jour à démarrer les essais de ces moteurs Raptor V2. Pas directement avec un compte à rebours simulé et une mise à feu statique, mais avec un premier test des séquences d'allumage : un ergol (ou les deux) fait tourner à très haute pression les turbines de ce moteur étagé, mais la combustion n'est pas engagée dans la tuyère du moteur. Du moins, en théorie.

Mauvaise surprise pour SpaceX

En effet, il aura suffi d'une étincelle pour que l'air saturé sous les moteurs prenne feu et génère une forte détonation. Une longue flamme a ensuite entouré toute la base de l'étage et la tour de lancement avant de se consumer et de générer un petit incendie à une trentaine de mètres de là.

L'incident ne semble heureusement pas avoir produit trop de dégâts matériels, tandis que le site était fermé pour des raisons de sécurité au cours du test. Selon l'aveu même d'Elon Musk sur Twitter, la base de l'étage n'a pas l'air d'avoir été trop endommagée après une première inspection. Toutefois les équipes ont attendu le matin pour pénétrer sur le site. Il y aura sans doute des réparations à mener, les différentes vidéos observant Boca Chica en permanence permettant d'observer de nombreux débris.

Le prototype BN7 sera-t-il encore l'exemplaire privilégié pour la tentative de vol orbital ? Il est trop tôt pour l'écrire. Il semble aussi acquis que SpaceX devra modifier sa table de tir pour qu'elle puisse entraîner la combustion ou l'évacuation des éléments inflammables perturbateurs, afin d'éviter que le gaz ne stagne à nouveau sous la section moteur. Le tout sous l'œil de la NASA, qui ne l'oublions pas, compte lourdement sur Starship pour son programme lunaire.

Il faudra encore attendre

Néanmoins, cet accident montre que les équipes de SpaceX ne sont pas encore prêtes pour mener à bien une tentative de vol avec Starship et SuperHeavy. Il en est question depuis un mois, puisque l'agence américaine FAA a donné son accord pour l'utilisation du site avec des essais suborbitaux et orbitaux (sous conditions), mais les lents progrès viennent rappeler que la réalité technique ne va pas aussi vite que l'accord administratif.

Il reste encore beaucoup à montrer avant un lancement : un ou plusieurs allumages statiques et le montage avec Starship SN24, lequel doit lui aussi tester ses moteurs prochainement…

Les décollages et les spectaculaires tentatives d'atterrissage du programme Starship semblent encore tout proches… Pourtant, cela fait déjà un an que le prototype SN15 se posait à la verticale. Les travaux ont énormément progressé depuis, mais sans parvenir à franchir le pas d'un décollage vers l'orbite. Pourquoi ?
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Source : NASA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (15)

Morlac
C’est bien ce que je disais… le Starship n’est pas prêt de rejoindre l’orbite, il est même loin d’être prêt à quitter la troposphère…<br /> On ne sait toujours pas quel est le coût réel d’exploitation de la Falcon 9…<br /> Si ça se trouve Space X va faire Pschitttt
Bombing_Basta
Y’avait 20% de bots dans le réservoir… Ça passe mal dans les moteurs ça.
HAL1
Pas plus de 5% d’après SpaceX !!
ebottlaender
On connait au contraire plutôt bien les coûts d’exploitation de Falcon 9, qui sont autour de 30 millions USD ou moins, considérant qu’il s’agit d’un chiffre de 2020.<br /> Cet accident, s’il montre en effet que Starship n’est pas prêt pour l’orbite, est très loin de remettre SpaceX en cause. Il s’agit ni plus ni moins d’une des entreprises spatiales les plus importantes et de très loin la plus valorisée.
wedgantilles
C’est plutôt habituel. SpaceX étant plutôt a testé directement que passer des dizaines d’années d’études. Je pense que ces « échecs » sont prévus.<br /> Et ils sont loin de faire pschitt, aujourd’hui il y a eu quand même 162 lancements de Falcon 9 depuis 2010, Si l’on compare a Ariane par exemple c’est 256 vols depuis 1979, 62 depuis 2010.<br /> Tous le monde disait qu’ils ne réussirait jamais, que la récupération ca ne marcherai pas, et aujourd’hui on voit bien que c’est le contraire, l’échec d’une récupération étant plutôt l’exception que la norme.<br /> Le premier vrai vol d’un Starship n’est sans doute pas pour demain, mais il n’y a rien qui soit vraiment techniquement impossible. Et le projet n’est vraiment pas insensé, si l’on regarde pour les objets d’exploration future, établir une station lunaire avoir un engin de cette capacité et un avantage pour transporter des éléments plus massifs, qu’aucune autre fusée n’est en capacité de faire aujourd’hui.
Palou
ebottlaender:<br /> Cet accident …<br /> J’ai cru voir sur une page américaine qu’ils allaient finalement faire quelque chose comme la Nasa le faisait … donc le concurrent n’est pas le diable en fin de compte
xryl
mais les lents progrès viennent rappeler que la réalité technique ne va pas aussi vite que l’accord administratif.<br /> Wait ? What ? WTF? J’ai dû me réveiller sur la mauvaise planète ce matin.
KlingonBrain
C’est bien ce que je disais… le Starship n’est pas prêt de rejoindre l’orbite, il est même loin d’être prêt à quitter la troposphère…<br /> Sauf qu’on comprends que cet essai n’a rien à voir avec la procédure normale.<br /> Et qu’il est même possible que malgré l’incident, l’essai lui même soit satisfaisant.<br /> Le fait que l’ergol se soit enflammé n’a probablement rien à voir avec la fusée elle même.<br /> Et ce n’est peut être même pas un défaut si on considère que le matos électrique autour de la fusée n’a peut être pas besoin d’être certifié « anti déflagrant ».<br /> Sur les conséquences, on voit des petites choses qui ont été soufflées, comme des tuyaux. Mais la structure et sa charge ne semblent pas bouger d’un poil, laissant augurer que les conséquences seront peut être très limitées.<br /> Et au final, sur le plan technique, c’est sans doute un très bon signe qu’un tel incident n’aille pas plus loin.
pecore
Il vaut mieux que ça pète au sol et sans passager qu’en l’air avec des gens dedans. Des stress test sont programmés pour malmener le matériel et voir jusqu’où il peut aller alors peut être était ce le cas ici, même si je doute que l’explosion ait été prévue.<br /> En tous cas, tant que cela leur permet de s’améliorer, qu’il n’y a pas de blessé et que chaque essai ne se termine pas comme ça, rien de grave.
ebottlaender
Alors c’est bien la pensée positive, mais il faut savoir être objectifs un peu :<br /> Non ce n’était pas prévu, et ce n’est absolument pas un essai satisfaisant pour SpaceX. En plus de la perte de matériel (et ce sera pas 3 tuyaux), ils ont perdu une demi journée de boulot.<br /> C’est bien un défaut<br /> C’était évitable<br /> Le seul point positif est qu’il est peu probable qu’ils se fassent avoir une prochaine fois pour la même raison.
jfk68
Dans la lignée de la méthode Spacex : progresser par l’échec. Cette fusée (ou sa remplaçante) ne décollera peut-être pas en août mais elle décollera !
juju251
KlingonBrain:<br /> Le fait que l’ergol se soit enflammé n’a probablement rien à voir avec la fusée elle même.<br /> Peut-être pas, mais cela n’empêche que ce risque d’inflammation et de d’explosion est normalement prévu.<br /> Ici c’est clairement un défaut de chez SpaceX.<br /> KlingonBrain:<br /> Et ce n’est peut être même pas un défaut si on considère que le matos électrique autour de la fusée n’a peut être pas besoin d’être certifié « anti déflagrant ».<br /> Ben voyons …<br /> Une fusée c’est avant tout d’immenses quantités de carburant hautement inflammable / explosif avec du comburant en très grandes quantités là encore …<br /> Dit autrement, une véritable bombe …
KlingonBrain
Alors c’est bien la pensée positive, mais il faut savoir être objectifs un peu :<br /> Non ce n’était pas prévu, et ce n’est absolument pas un essai satisfaisant pour SpaceX. En plus de la perte de matériel (et ce sera pas 3 tuyaux), ils ont perdu une demi journée de boulot.<br /> C’est bien un défaut<br /> C’était évitable<br /> Le seul point positif est qu’il est peu probable qu’ils se fassent avoir une prochaine fois pour la même raison.<br /> Certes.<br /> Mais je pense qu’en matière de conception, il y a aujourd’hui deux écoles différentes qui s’affrontent. Et cela n’est pas propre au domaine spatial.<br /> D’un côté, la vielle école, ceux qui vont passer beaucoup de temps sur la planche à dessin à essayer de tout prévoir en s’appuyant sur une maîtrise certaine et une longue expérience. Et qui voient les essais comme une validation finale de leur travail. Dans cette logique, un défaut est un échec, car il montre qu’on a échoué à prévoir ce qui peut se passer.<br /> De l’autre, la nouvelle école, ceux qui vont travailler en itérations avec des aller-retour rapides entre la conception et les essais afin d’apprendre plus vite ou sont les problèmes à résoudre au lieu de passer trop de temps à essayer de tout prévoir. Dans cette logique très inspirée de l’informatique, un défaut n’est pas un drame, mais juste un problème à identifier avant l’itération suivante. Un essai qui ne montre pas de défaut, c’est un essai qui n’a servi à rien. Il y a beaucoup de casse, mais on s’y attends.<br /> J’imagine que ça doit laisser perplexe beaucoup d’ingénieurs, mais n’oublions pas que Space X est un nouvel entrant qui doit parvenir à aller extrêmement vite s’il veulent réussir leur pari. Ils ne pourraient vraisemblablement pas y parvenir avec des méthodes classiques.
ebottlaender
Alors je ne suis pas là pour débattre pendant des années, ce débat je l’ai déjà eu et vous avez le droit de penser ce que vous voulez. Néanmoins ces « écoles » ne s’affrontent pas, elles sont complémentaires. La méthode itérative fonctionne très bien dans certains domaines et n’est que partiellement appliquée dans d’autres. Elle ne fonctionne par exemple que dans les premières étapes d’un projet, même en informatique. Car si à 2 jours de la mise en prod on s’aperçoit que le socle a un défaut majeur, il n’est pas possible de tout reprendre.<br /> Croire qu’un essai qui ne montre pas de défaut n’a servi à rien est une grosse erreur. On fait les tests pour les passer, quelque soit le domaine et la méthode.<br /> Et SpaceX n’est pas un nouvel entrant. C’était un nouvel entrant il y a 15 ans, il faut se réveiller un peu. C’est l’entreprise qui a le plus de décollages en 2022, qui emploie le plus de monde, etc. Ils doivent aller vite car Starship leur coûte très cher et ils n’ont pas de revenus avec cette branche. Pourtant, dans un sens ce n’est plus si grave depuis l’an dernier car la NASA a décidé de s’appuyer sur ce projet, et de toutes façons leurs capacités à lever des fonds sont titanesques.
Blackalf
KlingonBrain:<br /> Et ce n’est peut être même pas un défaut si on considère que le matos électrique autour de la fusée n’a peut être pas besoin d’être certifié « anti déflagrant ».<br /> Les tracteurs et camions qui transportent des produits ADR sont spécifiquement conçus pour ça et la réglementation est très stricte*, et ce ne serait pas le cas dans le domaine spatial ? si oui, c’est juste un grave défaut de sécurité. <br /> https://unece.org/DAM/trans/danger/publi/adr/adr2011/French/Partie9.pdf<br />
KlingonBrain
Les tracteurs et camions qui transportent des produits ADR sont spécifiquement conçus pour ça et la réglementation est très stricte*, et ce ne serait pas le cas dans le domaine spatial ? si oui, c’est juste un grave défaut de sécurité. <br /> https://unece.org/DAM/trans/danger/publi/adr/adr2011/French/Partie9.pdf<br /> Il se peut aussi que les conditions crées par un déversement aussi massif ne rentrent dans aucune condition prévues par des normes.<br /> Dans le domaine technique, plus on est dans l’inhabituel, plus il y a d’aléas.
KlingonBrain
Alors je ne suis pas là pour débattre pendant des années, ce débat je l’ai déjà eu et vous avez le droit de penser ce que vous voulez. Néanmoins ces « écoles » ne s’affrontent pas, elles sont complémentaires. La méthode itérative fonctionne très bien dans certains domaines et n’est que partiellement appliquée dans d’autres. Elle ne fonctionne par exemple que dans les premières étapes d’un projet, même en informatique. Car si à 2 jours de la mise en prod on s’aperçoit que le socle a un défaut majeur, il n’est pas possible de tout reprendre.<br /> Croire qu’un essai qui ne montre pas de défaut n’a servi à rien est une grosse erreur. On fait les tests pour les passer, quelque soit le domaine et la méthode.<br /> Et SpaceX n’est pas un nouvel entrant. C’était un nouvel entrant il y a 15 ans, il faut se réveiller un peu. C’est l’entreprise qui a le plus de décollages en 2022, qui emploie le plus de monde, etc. Ils doivent aller vite car Starship leur coûte très cher et ils n’ont pas de revenus avec cette branche. Pourtant, dans un sens ce n’est plus si grave depuis l’an dernier car la NASA a décidé de s’appuyer sur ce projet, et de toutes façons leurs capacités à lever des fonds sont titanesques.<br /> Evidemment, dans la vraie vie, on n’applique pas une seule méthode de façon tranchée. Comme vous le laissez entendre, on peut avoir au départ des essais qui vont servir à apprendre, puis ensuite à déverminer, et à la fin, a valider.<br /> Mais il est probable qu’il y ait des cultures d’entreprises très différentes… comme dans tous les domaines.<br /> Si pour ma part je m’interdit de juger négativement cet événement, c’est surtout parce que je n’ai pas la compétence pour le faire. Il m’est impossible d’apprécier si leur essai comportait par nature une part de risque ou si c’est une pure négligence.<br /> Cela dit, je serais étonné qu’on soit capable techniquement d’assurer la sécurité totale d’une opération ou l’on balance une si grande quantité de substance inflammable sous un diffuseur géant. Le moindre frottement, la moindre chute d’une pièce peut créer une étincelle.<br /> Sinon, en informatique, quand on rencontre un défaut majeur à deux jour de la mise en prod, ce n’est jamais un problème. C’est très simple, il n’y a qu’a prendre un stagiaire et lui donner un rouleau de scotch…
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