L'obsolescence "marketing" au menu d'une proposition de loi du Sénat

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 17 décembre 2020 à 15h52
© sénat.fr
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Les smartphones et les box internet font partie de la vaste proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, dite loi REEN.

Réunie en session ordinaire mercredi, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté la proposition de loi REEN, qui propose quatre leviers prioritaires pour accélérer et donner un vrai cadre législatif inédit à la transition numérique et écologique. Dans le viseur de la loi : une meilleure pédagogie vis-à-vis de l'impact environnemental du numérique ; la limitation du renouvellement des appareils numériques, avec l'épineuse question de l'obsolescence ; l'écoconception des sites web ; et l'émergence d'une régulation environnementale à destination des réseaux et des data centers. Entrons dans le vif du sujet.

Inciter à la sobriété numérique

La France, qui s'est fixée l'objectif de réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et d'atteindre la neutralité carbone en 2050, se doit dans un premier temps de faire prendre conscience aux utilisateurs de l'impact environnemental du numérique. C'est le chapitre 1er de la proposition de loi REEN.

Celui-ci, qui repose sur la pédagogie, vise à inscrire ce que l'on appelle la « sobriété numérique » comme l'un des thèmes de la formation suivie à l'école dans le cadre de l'utilisation des outils numériques. Un cran au-dessus, les ingénieurs en informatique, eux, devront obtenir une attestation de compétences acquises en écoconception logicielle pour être diplômés, tandis qu'un Observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique devrait être créé et rattaché à l'ADEME, l'Agence de la transition écologique. Un crédit d'impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises devrait par ailleurs être mis en place.

Faciliter les sanctions dans la lutte contre l'obsolescence programmée et l'obsolescence logicielle

Le second chapitre de la loi est sans aucun doute le plus important, puisqu'il traite de la limitation du renouvellement des terminaux numériques. À ce titre, il est peut-être bon de rappeler que les appareils constituent la principale source des émissions de GES du numérique en France (81%). Et une très grande partie (86%) concerne directement la fabrication des terminaux.

Reparation smartphone

La loi REEN vise à renforcer la lutte contre l'obsolescence programmée, un délit déjà sanctionné de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Sauf que l'exigence d'un double standard de preuve rend difficilement sanctionnable un fabricant. L'article 6 de la loi propose de supprimer l'une des deux exigences qui se limiterait ainsi à prouver l'intention d'augmenter le taux de remplacement des appareils.

L'obsolescence logicielle (l'incompatibilité entre les dernières versions d'un logiciel et les capacités d'un smartphone) est aussi évoquée dans la proposition. Les sénateurs veulent l'inclure dans le code de la consommation, au même titre que l'obsolescence programmée. Plus globalement, c'est toute l'obsolescence « marketing » qui est ciblée.

La loi veut également augmenter de deux à cinq ans la durée minimale pendant laquelle l'utilisateur peut recevoir des mises à jour sur son appareil, et aussi de deux à cinq ans la durée de la garantie légale des équipements numériques. Autre mesure importante évoquée dans la proposition des sénateurs : la réduction de la TVA sur la réparation des terminaux et l'achat d'objets électroniques reconditionnés. La commission a aussi adopté un amendement demandant aux opérateurs de réduire les impacts environnementaux associés à la fabrication et à l'utilisation des box internet, qui devront automatiquement déclencher leur mise en veille. Une mutualisation des box dans les immeubles est aussi envisagée. Autant de points qui, les sages du Palais du Luxembourg l'espèrent, limiteront les achats neufs et augmenteront la durée de vie des terminaux.

Les sénateurs veulent limiter les forfaits avec data mobiles illimitées

Dans sa volonté de promouvoir le développement d'usages du numérique écologiquement vertueux, la proposition de loi pourrait interdire la vente de forfaits mobiles avec un accès aux données mobiles illimitées, ce à quoi les opérateurs devraient sans aucun doute s'opposer. L'écoconception des services et sites en ligne sera obligatoire pour les sociétés qui font état d'un certain chiffre d'affaires. Les services de streaming et de médias audiovisuels devront adapter la qualité de la vidéo téléchargée à la résolution maximale du smartphone, de la tablette, de l'ordinateur ou du téléviseur, et le lancement automatique des vidéos devrait être définitivement banni.

Le dernier chapitre de la loi, lui, s'attaque aux acteurs des infrastructures numériques, avec par exemple une obligation pour les centres de données de s'engager, sur plusieurs années, à réduire leur impact environnemental. L'avantage fiscal dont les data centers bénéficient sera conditionné selon des critères de performance environnementale.

Les opérateurs mobiles pourront être soumis à des engagements pluriannuels qui ne seraient pas pleinement contraignants. Il s'agirait, ici, de convaincre les acteurs des télécoms de se fixer des objectifs en matière de réduction des émissions de GES et de leurs consommations énergétiques.

Après cette première adoption en commission, le texte sera discuté en première lecture au Sénat le 12 janvier 2021, avant de lancer les débats à l'Assemblée nationale.

Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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Commentaires (10)
wannted

La loi veut également augmenter de deux à cinq ans la durée minimale pendant laquelle l’utilisateur peut recevoir des mises à jour sur son appareil

actuellement les mises à jour c’est obligatoire ?

wannted

L’écoconception des services et sites en ligne sera obligatoire pour les sociétés qui font état d’un certain chiffre d’affaires

et pourquoi pas pour tout le monde ? ça ne semble pas très juste comme approche

keyplus

les memes gugusses qui votent des primes pour changer de voitures et ont rendus obligatoire le controle technique
pour la bagnole il n y a pas d’obsolescence programmer

thierry38

je pense qu’il y a confusion entre « durée de garantie » pour un matériel (smartphone) qui est de 2 ans et durée de mise à jour. Après, la plupart du temps, pendant les 2 premières années tu arrives à avoir des mises à jour mais c’est après que cela se gâte, surtout avec Android où les mises à jour dépendent aussi du bon vouloir des fabriquant de téléphones

Sur ce point, Apple est plutôt bien placé car mon iPhone 6s, acheté en 2015, fonctionne toujours parfaitement et est équipé de la dernière version d’iOS 14.3 (sortie cette semaine)

wannted

Un cran au-dessus, les ingénieurs en informatique, eux, devront obtenir une attestation de compétences acquises en écoconception logicielle

Eh bien il va falloir privilégié les apps natives aux web apps et apps Electron alors… mais ça coute bcp plus cher à concevoir.

wannted

ce que je veux dire c’est qu’un constructeur a l’obligation légale de proposer des mises à jour pour son appareil ?

wannted

Une mutualisation des box dans les immeubles est aussi envisagée

Ils partent loin, très loin dans leur délire là

AlexLex14

Oui, c’est assez ridicule comme proposition ça…

cloomcloom

Ils ne parlent pas encore de partager ses godes michet ça va :smiley:

wannted

c’est bien la preuve que ces gens là ne comprennent rien… ça pourrait être drôle mais en fait c’est effrayant.

Une box n’est pas juste une boite qui consomme de l’électricité et qui amène internet et la TV comme ils semblent le croire au vu de la proposition…
A croire qu’il faudra juste installer dans les apparts une prise rj45 pour internet et une autre pour la TV…

Une box est un modem routeur avec toute les possibilités que cela permet. L’utilisateur ne doit pas perdre ça et cela ne doit pas dépendre du bon vouloir du syndic…