NFT et blanchiment d'argent : un secteur en pleine croissance

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
03 février 2022 à 08h40
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© amhnasim / Pixabay
© amhnasim / Pixabay

Les NFT, en pleine bourre, connaissent des dérives, à l'instar de toute nouvelle technologie. Chainalysis en soulève deux : le blanchiment d'argent et le wash trading.

En 2021, le blanchiment d'argent fondé sur la crypto-monnaie aurait atteint une somme record de l'ordre de 8,6 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 30 % par rapport à l'année précédente. Le cabinet new-yorkais de données blockchain, Chainalysis, a choisi de concentrer son dernier rapport sur la part certes minime, mais très croissante du blanchiment d'argent par l'achat et la vente de NFT.

Certains n'hésitent pas à gonfler artificiellement la valeur des NFT…

Rappelons que les jetons non fongibles (NFT) constituent un bien numérique unique, dont on effectue la transaction en crypto-monnaies. Ils peuvent servir à acheter des objets physiques ou numériques (images, vidéos, etc.), sauf qu'à l'inverse d'une monnaie virtuelle traditionnelle, le NFT, non fongible donc, ne peut pas être échangé. Cela octroie à celui qui le détient une propriété exclusive du fameux actif numérique ainsi que la possibilité de faire évoluer la valeur marchande de ce dernier.

La popularité des NFT a grimpé en flèche l'an dernier. Dans son analyse, Chainalysis indique avoir suivi plus de 44 milliards de dollars de crypto-monnaies envoyées à des contrats intelligents (Ethereum) liés aux NFT en 2021. Il en ressort que le blanchiment d'argent, et surtout le wash trading, ont souvent été associés aux marchés NFT.

Le wash trading, technique qui repose sur la manipulation du marché et qui consiste à augmenter artificiellement la valeur des NFT, a pris de l'ampleur. Ici, le vendeur de NFT se retrouve aussi dans la position de l'acheteur, via un portefeuille de crypto-monnaie qu'il contrôle, de façon à faire croire que son objet a de la valeur. L'objectif final est de faire apparaître son NFT à une valeur supérieure à sa valeur « réelle ».

… mais il est finalement difficile de le faire à l'abri des regards

On pourrait croire que cette pratique est facile à mettre en place, puisqu'il existe un grand nombre de plateformes qui offrent à leurs utilisateurs la possibilité d'effectuer des transactions avec une simple connexion, sans passer par l'étape de l'identification.

En analysant la blockchain, Chainalysis a pu suivre le wash trading en étudiant le cas de NFT achetés à partir d'adresses autofinancées, qui finissent par apporter la preuve que certains vendeurs de jetons non fongibles ont bien effectué des transactions fictives. Le wash trader le plus prolifique aurait réalisé 830 ventes de cette façon. Au total, Chainalysis a identifié 150 vendeurs non rentables qui ont accusé 416 984 dollars de pertes. En revanche, 110 acteurs malveillants, les plus rentables donc, sont parvenus à réaliser, collectivement, quelque 8,9 millions de dollars de bénéfices.

Il est fort probable que ces 9 millions de dollars proviennent de ventes favorisées par des acheteurs trop peu méfiants, qui pensaient sans doute que les NFT qu'ils étaient en train d'acheter avaient pris de la valeur en passant des mains d'un collectionneur à un autre. Et ainsi de suite. Le flou juridique autour de ces transactions fictives dans le monde du NFT profitent en tout cas aux individus malveillants, du moins jusqu'à ce que les régulateurs décident de s'intéresser davantage à cette pratique. Car même si les échanges malhonnêtes restent minoritaires, ils peuvent faire beaucoup de mal au commerce des NFT et entacher la confiance dans l'écosystème. Les plateformes de marché auront aussi leur rôle à jouer pour empêcher ces transactions fictives, d'autant plus que les données et l'analyse de la blockchain permettent de repérer les utilisateurs qui vendent des NFT à des adresses qu'ils autofinancent.

Des mouvements constatés depuis des adresses présentant un risque de sanction

Le blanchiment d'argent est, selon Europol, la principale activité criminelle associée à l'utilisation illégale des monnaies virtuelles. Concernant les NFT plus précisément, l'activité de blanchiment est bien visible, même si elle reste encore une niche. Des œuvres d'art, telles que des peintures, sont un moyen idéal d'offrir des avantages fiscaux. Les criminels achètent un tableau avec des fonds illégaux, pour le vendre plus tard, contre des fonds, eux, bien légaux. Le tout « sans aucun lien avec l'activité criminelle d'origine », comme le souligne Chainalysis.

Ce qui inquiète également le cabinet spécialisé, c'est la valeur envoyée par des adresses illicites sur les plateformes de marché NFT. Celle-ci a en effet connu une nette hausse au troisième trimestre, dépassant le million de dollars de crypto-monnaies. Elle a même atteint 1,4 million de dollars au quatrième trimestre. Et sur les deux trimestres, cette activité provenait, en grande partie, d'adresses associées à des escroqueries envoyant des fonds aux marchés NFT pour opérer des achats.

Pire encore, au quatrième trimestre, Chainalysis a constaté que 284 000 dollars de crypto-monnaies ont été envoyés sur des marchés NFT depuis des adresses présentant un risque de sanction. Le phénomène s'explique par les transferts provenant de l'échange P2P Chatex, ajouté l'an dernier à la liste SDN (liste des ressortissants spécialement désignés et des personnes bloquées), une mesure américaine qui vise les criminels les plus dangereux et les terroristes désignés par les États-Unis.

Source : Chainalysis

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM, école reconnue par la profession), pour écrire, interviewer, filmer, monter et produire du contenu écrit, audio ou vidéo au quotidien. Quelques atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la production vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et la musique :)

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Commentaires (21)

Morak
Autant les cryptomonnaies et la blockchain pour résoudre certaines choses ok, autant les nft j’ai l’impression que c’est vraiment une belle arnaque pour le moment <br /> Intéressant merci
MattS32
C’est pareil que le cryptos et la blockchain, ça peut être bien pour résoudre certaines choses (authentifier la propriété de biens numériques par exemple, voire même des biens physiques, en créant un NFT sur le titre de propriété), mais c’est ouvert à toutes les dérives.
xryl
Merci de définir ce qu’est une «&nbsp;adresse illicite&nbsp;»…
lefranstalige
Le crime est plus agile que la réglementation. Dès lors, le crime utilise beaucoup plus rapidement les nouvelles technologies que ce qu’il est possible de légiférer voire contrôler.<br /> Les NFT n’ont pas de sens dans le monde de nos parents mais peut-être un sens dans celui de nos enfants.
lefranstalige
Je suis peut-être trop vieux pour être super excité par le Metaverse mais je crois que les NFT peuvent avoir un role dedans. S’il existe plusieurs Metaverse et qu’on veut faire valoir un objet ou tout autre propriété (paire de baskets, carte de membre d’un club, etc) représenté par un NFT dans plusieurs Metaverse, alors il peut y avoir un intérêt à utiliser une plateforme décentralisée (Ethereum, Solona, etc) pour stocker cet objet… Si c’est pour rester dans le même environnement, je crois qu’une simple base de données peut très bien faire l’affaire.<br /> Une autre application possible est la gestion d’identité. Je peux être «&nbsp;Lefranstalige&nbsp;» sur Clubic mais n’importe qui d’autre peut être «&nbsp;Lefranstalige&nbsp;» sur un autre site ou une autre plateforme. Si cette identité est stockée sur une plateforme décentralisée sous la forme d’un NFT, les différentes plateformes pourraient l’utiliser pour que les autres puissent me reconnaitre sur les autres plateformes. Ca permettrait d’uniformiser le concept de profil vérifié.<br /> Et comme beaucoup de nouvelles technologies, il faudra voir ce que les utilisateurs en font. A la création d’internet, personne n’était capable d’anticiper le monde d’aujourd’hui. La technologie a aussi évoluée avec les applications que les gens en font.
Urleur
le virtuel c’est une imagination sans limite avec un plaisir mesurable à son égo, mélanger argent et vous aurez une escroquerie sur le même principe. vivement une loi en europe avec l’interdiction de cette crytonftarnaque.
benben99
Ce n’est pas un secret que bitecoin et nft sont des outils de prédilection pour les criminels qui veulent blanchir leur magot
Pierro787
Article très intéressant et qui parle d un phénomène jusque là très peu évoqué. Cela dit, il faut rappeler qu en Europe, la procédure KYC obligatoire pour transférer des fonds crypto depuis et vers des FIÂT avec virement SEPA ou CB interdit ce genre de manipulation.<br /> C est la garantie d avoir TRACFIN sur le dos en France. Car pour blanchir de l argent, il faut forcément le transférer à un moment ou un autre en dollars ou euros pour que ça ait une utilité.
ramses_deux
@benben<br />
blosk
Pour commencer la notion de NFT n’a fait son apparition qu’en 2021 , c’est jeune .Ensuite personne ne comprend l’intérêt de la blockchain dans l’art.<br /> Qu’est ce qu’on apprend avec cette news ?<br /> On nous dit qu’OPENSEA principale plateforme d’oeuvre d’art virtuelle numérique surveille son marché , elle s’est même associé à chainanalysis une entreprise spécialisé dans le traçage des transactions blockchain .<br /> Au finale on apprend que la blockchain nft permet de savoir d’où vient l’argent et où va l’argent issue des réseaux criminels .<br /> Que savons du marché de l’art traditionnel , classique ?<br /> On sait qu’il y a énormément de fraude , de blanchiment d’argent .Que la chine ( vous connaissez puisque c’est le pays que vous adulez pour avoir interdit les cryptomonnaies … ) par ex. est le deuxième pays après les usa concernant ce secteur et que là bas quand vous achetez une peinture , des sculptures , des morceaux de monuments historique ( trafique avec daesh par ex. ) , vous pouvez les acquérir en argent liquide ( dollar , euro , etc…), des monnaies FIAT .<br /> C’est très difficile dans le marché de l’art traditionnel de tracer le blanchiment d’argent .<br /> Vous pouvez lire ces articles , mots clé google :<br /> 1 )<br /> " imf org the-art-of-money-laundering-and-washing-illicit-cash-mashberg pdf "<br /> ( article en fichier pdf )<br /> 2 ) " latribune fr le-blog-sur-le-marche-de-l-art velleites-de-transparence-dans-le-marche-de-l-art "<br /> 11 décembre 2015<br /> il y a eu une autre affaire il y a quelques années ( je ne retrouve plus l’article de courrier internationale ( c’est même passé sur arte info ) ) concernant le photojournalisme et on a demandé aux artistes de donner le nom de leurs acheteurs , ils ont refusé.<br /> Les artistes sont complices pour certains d’activités criminelles .Comprendre qu’ils savent à quoi sert leurs oeuvres .<br /> En conclusion :<br /> Les NFT grâce à la blockchain permettent de dresser une carte des entrées et sortie des fonds criminels et permettront aussi de freiner les fraudes , je parle au future car c’est une technologie balbutiante qui arrivé à maturité pourra être plus sérieux que le marché de l’art traditionnel , physique .
Morak
@Samson @lefranstalige<br /> C’est pour ça que j’ai précisé «&nbsp;pour le moment&nbsp;» vous énumérez tous deux des exemples concrets
lefranstalige
La fameuse loi «&nbsp;anti-nouvelles technologies que les personnes âgées n’utilisent et ne comprennent pas&nbsp;» imposée aux nouvelles générations qui vivent dans un monde différent de celui de leurs parents.
Blap
Sauf que non. Un bon petit résumé : nft [Wiki de sebsauvage.net]<br /> On pouvait deja faire tout ca avant, c’est juste que la ca coute moins cher pour les entreprises de le faire et si ca tombe en panne ben… «&nbsp;C’est pas de notre faute&nbsp;»<br /> Et surtout ca leur rapporte beaucoup plus d’argent qu’avant.
lefranstalige
C’est agréable de lire des personnes qui ne sont pas réfractaires pour la seule raison de ne pas comprendre. Ca permet d’avoir des discussions argumentées.
lefranstalige
Quand la voiture à été inventée, on pouvait déjà se déplacer à cheval;<br /> Quand on a commencé à utiliser l’électricité, on éclairait déjà les rues avec des bougies;<br /> Quand on a inventé Internet, on envoyait et recevait déjà de l’information par la poste, la radio, les journaux.
Blap
Sauf que pour remplacer ta calèche on ne filait pas une trottinette avec un certificat pour pouvoir utiliser la route tout en t’en faisant payer 100 fois plus en t’assurant que c’est mieux tout en brulant une foret. Oui cette analogie est autant foireuse que la tienne, encore aurait-il fallu lire le wiki
Ajax
«&nbsp;…t’aura ton titre de propriété de ton logement dans la blockchain.&nbsp;» pour le titre de propriété je peux comprendre, même si cela excite déjà et de façon officielle(pas dans la blockchain) c’est le registre de la propriété. un acte notarié aussi peut être sous forme numérique, mais le problème c’est si ton logement est dans la blockchain, un appart virtuel en somme.
lefranstalige
Ton appart ne deviendra pas virtuel si son titre de propriété est stocké dans un NFT. Mais le risque est que ton titre de propriété ne vale plus rien si la blockchain sur laquelle ton titre est stocké n’a plus de noeud.<br /> Ex. ton NFT est sur Ethereum mais la blockchain est mise de côté par les validateurs pour utiliser Solona ou une autre blockchain à la place.<br /> C’est la raison pour laquelle je ne suis pas très enthousiaste avec les NFT.
Lerian
Et si, et si … on arrêtait simplement de se comporter comme une bande de singes stupides ?<br /> Spéculer sur des objets uniques numériques, c’est débile parce que :<br /> 1 - Ces objets n’existent pas et ne servent à RIEN<br /> 2 - Ces objets seront toujours copiables à l’infini et à l’identique, donc c’est une ARNAQUE<br /> 3 - Mais surtout parce que le réchauffement climatique va bientôt zigouiller les 3/4 de l’humanité et qu’inventer de nouvelles façons pour que des riches dépressifs crament de l’énergie pour des futilités, c’est criminel.<br /> Allez voir «&nbsp;Don’t Look Up&nbsp;», lisez les bouquins de Jancovici et dites vous que les conneries qui existent, on a l’excuse de ne pas pouvoir les arrêter sans douleur, mais que celles qui n’existent pas encore, il ne faut même pas s’autoriser à y penser.<br /> Et la blockchain c’est AUSSI de la daube : hyper facile à falsifier, hyper énergivore et infiniment compliqué par rapport à un simple acte de propriété conservé par une autorité de confiance.
lefranstalige
Ce n’est pas parce que ça ne te sert pas à toi que ça sert à rien. Ma grand-mère disait la même chose d’Internet.<br /> C’est une arnaque mais de plus en plus de grosses entreprises s’y intéressent. Sans doute que tu es plus clairvoyant ou alors que c’est un complot. C’est ça?<br /> Ca n’empêche pas que le réchauffement climatique est un problème réel. Mais on disait la même chose de la téléphonie mobile, d’Internet et selon une analyse du FMI en 2017, Bitcoin devait consommer plus que la consommation mondiale en 2020… Bitcoin consomme moins de 1% de la consommation mondiale aujourd’hui.<br />
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