Les sondes relais, défi présent et futur des missions planétaires

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
15 mai 2022 à 17h17
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La même chose, mais en version interplanétaire...
La même chose, mais en version interplanétaire...

Communiquer vers et depuis l'orbite, voilà qui est déjà un défi intéressant. Et lorsque les missions s'en vont loin de la Terre ? Il y a quelques solutions complexes… Mais forcées ou non par la situation, les agences se tournent vers des relais de communications.

Un futur outil indispensable dans le Système Solaire ?

Ils sont déjà utilisés !

Parfois, il n'y a pas le choix. Pour échanger des données avec la Terre, certains véhicules sont forcés d'avoir recours à un satellite ou une sonde relais. Ce fut le cas par exemple lors des derniers atterrissages sur Mars : au moment d'entrer dans leurs « 8 minutes de terreur », les appareils ont établi leur connexion avec les équipes terriennes grâce aux différents orbiteurs, reconfigurés pour l'occasion en transmetteurs de luxe. C'est moins connu du grand public, mais la Chine dispose également d'une sonde-relai située derrière la Lune (plus précisément autour du point de Lagrange Terre-Lune L2), nommée Queqiao. Un véhicule absolument capital : sans lui, ni l'atterrisseur Chang'E 4, ni le petit rover Yutu-2 ne pourraient communiquer avec les équipes du centre de contrôle. Eh oui, c'est tout le défi de se poser sur la face cachée de notre satellite, nos signaux n'en atteignent pas la surface… Certains se souviennent peut-être des coupures périodiques de communication lorsque les capsules Apollo passaient de l'autre côté de la surface lunaire !

C'est le moment où la radio fonctionne de nouveau ! Crédits NASA
C'est le moment où la radio fonctionne de nouveau ! Crédits NASA

Manque-t-on de relais ?

Il serait facile d'imaginer qu'il s'agit d'un problème de niche… En effet, il n'y a pas foule de missions sur la face cachée de la Lune, et les orbiteurs martiens dépensent bien peu de carburants autour de la planète rouge, il y a donc peu de risques qu'une sonde arrivant se trouve soudain à court de communications. Mais ce n'est pas le seul défi ! Les télescopes situés autour du Point de Lagrange L2, à 1,5 millions de kilomètres de la Terre ont chaque jour besoin d'échanger des gigaoctets de données. Ce qui nécessite d'être « en vue » des grandes antennes des différentes agences spatiales. Parfois, une mission est si importante qu'elle dispose de ses propres antennes, mais le plus souvent il s'agit de réserver du « temps d'écoute » sur un grand réseau autour du monde. Le plus connu est le DSN, ou « Deep Space Network » de la NASA. Ses différentes antennes écoutent successivement presque toutes les missions de l'agence autour de notre Système solaire chaque jour !

Quelques avantages…

Du coup, si la sonde peut être en vue de la Terre à un moment donné, elle pourra envoyer ses données. Mais est-ce suffisant ? Plus il y a de missions autour de notre Système solaire, moins il y a de « temps d'antenne » disponible… D'autant que les standards du Deep Space Network sont très contraints (format, débits, puissance, etc.). Ainsi, les différentes agences travaillent pour évaluer des techniques différentes pour leurs missions futures. Par exemple, il y a les communications par signaux optiques laser (c'est un peu le principe de la fibre optique, sachant que dans l'espace, il y a très peu voire pas du tout de perturbations), qui seront testées avec la mission Psyche. Mais les relais sont aussi de bonnes alternatives. A une distance fixe de la Terre, une petite constellation de relais pourrait récupérer les signaux des sondes, les stocker en mémoire, puis les envoyer à très haut débit vers les stations terrestres ! Surtout qu'avec les capteurs actuels, en particulier les images HD, le stockage et l'envoi des données est parfois un véritable casse-tête.

Vue d'artiste des deux petites sondes MarCO, avec leur antenne réceptrice sur le dessous, et leur grand panneau émetteur sur l'avant ! Crédits NASA/JPL
Vue d'artiste des deux petites sondes MarCO, avec leur antenne réceptrice sur le dessous, et leur grand panneau émetteur sur l'avant ! Crédits NASA/JPL

L'exemple des MarCO

Les relais peuvent même être des missions à part entière… Avec une durée de vie très courte ! En 2018, la NASA a envoyé son atterrisseur InSight se poser sur Mars. Certains s'en souviennent peut-être, mais avec lui, il y avait deux petites sondes relais, les MarCO (a et b), qui ont testé pour l'agence américaine le fait de réceptionner les signaux d'InSight lors de son entrée atmosphérique, et de les transmettre en direct vers la NASA (les orbiteurs américains autour de Mars ont enregistré les mêmes données au cas où). La mission avait été un succès éclatant !

Même s'il ne s'agissait alors que d'une démonstration grandeur nature pour cette capacité… Leur prix de quelques millions de dollars et leur faible masse et encombrement ont impressionné. Il est régulier de voir dans les propositions de mission incluant des atterrissages sur des lunes lointaines la présence d'un ou deux petits véhicules relais. C'est peu cher : deux antennes, un contrôle de vol, quelques mini-propulseurs de manœuvre et de l'électronique fiable !

Les satellites relais font déjà du très bon boulot autour de la Terre, y compris via liaisons laser. De plus loin, cela ouvrirait encore plus de portes pour d'énormes transferts de données. Crédits NASA
Les satellites relais font déjà du très bon boulot autour de la Terre, y compris via liaisons laser. De plus loin, cela ouvrirait encore plus de portes pour d'énormes transferts de données. Crédits NASA

Un forfait interplanétaire

Par ailleurs, pour les deux destinations les plus prisées du Système solaire dans un avenir proche, deux grandes agences prévoient d'ores et déjà des constellations dédiées à relayer les communications à la surface et vers la Terre : l'ESA, autour de la Lune, et la NASA, autour de Mars. Les projets en sont à divers stades de conception, mais il faut remarquer que les deux propositions font intervenir ceux qui gèrent le mieux les communications : les acteurs du secteur privé. Et à bien y réfléchir, ces propositions font sens : la Lune n'est pas toujours en ligne de vue des stations au sol les plus intéressantes, d'autant plus que scientifiquement parlant, les missions de la décennie à venir seront centrées sur le bassin situé à son pôle Sud (et donc pas idéal non plus pour un satellite relai situé « derrière » la Lune).

De la même façon pour Mars, disposer de petits véhicules dédiés permettrait d'alléger la tâche des orbiteurs qui, en plus de leur mission scientifique, sont parfois obligés de manœuvrer pour mieux écouter et transmettre les signaux émis depuis le sol. Et là aussi, une augmentation du nombre de missions donnerait l'avantage à des sondes relai.

Vue d'artiste de la sonde Voyager 1... Qui est toujours en service ! Son antenne envoie bit par bit des données au Deep Space Network. Crédits NASA
Vue d'artiste de la sonde Voyager 1... Qui est toujours en service ! Son antenne envoie bit par bit des données au Deep Space Network. Crédits NASA

Voir encore plus grand ?

Pour Mars, il est même question d'envoyer des relais… A 150 millions de kilomètres de la Terre, sur les points de Lagrange Soleil-Terre L4 et L5. Si un jour des missions habitées sont envoyées vers la planète rouge, ce sera peut-être même un prérequis ! Pourquoi ? Parce que les orbites de nos deux planètes ont une fâcheuse tendance à faire passer le Soleil entre elles une fois tous les deux ans, bloquant les communications durant au moins deux semaines… Plutôt que d'être envoyés vers la Terre, les précieuses données pourraient alors « contourner » le Soleil. Bien cher pour deux semaines de mission ? Tout dépend du design employé ! Car d'autres missions (notamment pour étudier notre étoile, ou Mercure) sont également périodiquement masquées par notre étoile.

De missions uniques de quelques minutes, à un futur service commercial interplanétaire (qui sait ?), les sondes relais sont promises à un grand avenir… Mais gare, ces projets ont tendance à être repoussés jusqu'à la dernière minute (voire jusqu'à en avoir grand besoin), les solutions existantes apportant déjà beaucoup. Reste que si un jour vous voulez observer le premier pas d'un humain sur Mars (certains y croient) avec une définition correcte, il ne faudra pas lésiner sur les communications. Et ça passera probablement par l'un de ces véhicules !

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (2)

_Troll
Pourquoi un relai de communication s’appelle une sonde ? Je pensais qu une sonde c etait un appareil pour effectuer des mesures. Est ce que les rovers sont aussi des sondes ?
juju251
Encore un très bon article, merci. <br /> A propos du Deep SPace Network, je me permets de mettre un lien :<br /> Deep Space Network Now<br /> Deep Space Network Now<br /> The real time status of communications with our deep space explorers<br /> Cette page permet de voir en direct quelles missions communiquent avec quelles antennes du Deep Space Network. <br /> D’ailleurs, au moment où j’écris ce message, ça « cause » sur le complexe espagnol (JWST notamment).<br /> DSN876×238 41.6 KB<br /> Edit : Et parfois avec un peu de chance, on peut y voir les sondes Voyager qui « discutent » encore avec la Terre.
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