SpinLaunch réussit les premiers essais de son concept de fronde géante à satellites

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
15 novembre 2021 à 11h40
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La fronde prototype de SpinLaunch. Crédits : Spinlaunch
La fronde prototype de SpinLaunch. Crédits : Spinlaunch

C'est l'un des projets les plus étonnants du secteur NewSpace américain : l'entreprise SpinLaunch veut envoyer de minuscules étages de lanceur et des satellites en orbite grâce à une gigantesque fronde. Un concept qui laisse les spécialistes dubitatifs, mais dont les premiers essais ont été concluants, permettant ainsi de lever des fonds.

Satellites fragiles s'abstenir.

Et ça tourne, et ça tourne…

Fondée en 2014, la petite entreprise basée à Long Beach (Californie) n'a pas beaucoup fait parler d'elle depuis, sinon pour annoncer en 2018 ses ambitions de lancer des satellites grâce à un système de fronde, et signaler début 2019 environ 110 millions de dollars d'investissement.

Depuis la crise sanitaire, SpinLaunch est restée bien discrète… jusqu'à son essai réussi du 22 octobre dernier au Nouveau-Mexique (près du SpacePort America) : pour la première fois, elle a fait fonctionner un prototype à l'échelle 1/3 de sa gigantesque catapulte et propulsé un projectile de 3 mètres de long jusqu'à quelques kilomètres d'altitude. « Cela nous permet de valider nos modèles aérodynamiques en vue des vols orbitaux, mais aussi de tester de nouvelles technologies pour le mécanisme de largage », explique le patron J. Yaney à CNBC.

Dans le Space Mountain

La « fronde géante » de SpinLaunch fait aujourd'hui une cinquantaine de mètres de haut. Elle se compose d'un très grand tambour central, au sein duquel un système de balancier tourne sur lui-même dans un environnement à vide d'air, jusqu'à 450 tours/minute.

Le petit lanceur est ensuite largué à la milliseconde près, passe dans un tunnel et arrive à l'air libre à une vitesse de plusieurs kilomètres/seconde. Sa vitesse lui permet (selon SpinLaunch) de traverser sans trop de contraintes l'ensemble de l'atmosphère, après quoi le projectile allume ses moteurs pour compléter son orbite.

Le véhicule final est censé disposer d'une capacité de transport de 200 kg de charge utile, avec un projectile qui pèsera tout de même 11 tonnes. Cela étant, la majorité de l'énergie nécessaire étant fournie par la fronde au sol, les coûts unitaires d'un lancement seraient très largement abaissés.

Le projectile du premier test de Spinlaunch au cours de sa montée. Crédits : Spinlaunch
Le projectile du premier test de Spinlaunch au cours de sa montée. Crédits : Spinlaunch

Avantage aux frondeurs

SpinLaunch en est encore aux premiers essais, et le projectile n'est pour l'instant monté qu'à quelques kilomètres d'altitude, tout en n'étant visiblement pas équipé de systèmes actifs. Les spécialistes pointent en effet plusieurs défis face à cette nouvelle technologie. En plus de la précision nécessaire pour larguer le projectile très précisément (et contrebalancer la perte d'équilibre avec un objet de plusieurs tonnes), il faudra que l'électronique comme le matériel de vol puissent supporter une accélération latérale de pratiquement… 10 000 g ! Ce qui n'est pas si inhabituel pour des obus, mais rarement observé dans le domaine spatial.

De plus, il reste la question de la friction atmosphérique et des pertes associées : le projectile sortira de la fronde à vitesse hypersonique, ce qui va générer d'énormes forces de frottements qui vont à la fois l'échauffer et possiblement le dévier.

Reste que SpinLaunch compte peaufiner son concept avec de nouveaux tirs cet automne et au début de l'année prochaine pour que la première fronde géante à l'échelle 1 soit fiable. Qui aura raison ?

Source : CNBC

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Commentaires (23)

cirdan
Intrigant…<br /> Pour mieux apprécier le concept :<br /> spinlaunch.com<br /> SpinLaunch<br /> Revolutionizing Access To Space<br />
KarlC
Ca c’est de l’ingénierie !
PaowZ
J’imagine le carnage dans le tambour d’accélération si le projectile n’est pas libéré au bon moment…<br /> C’est peut-être une alternative de lancement intéressante pour les cube-sats, mais pour les gros satellites, vu les accélérations mises en jeu, je suis plus sceptique…
xryl
Il y a une membrane en sortie qui est crevée lorsque le missile la traverse. D’un coup, la catapulte qui tourne sous vide se retrouve sous atmosphère. Sauf à avoir une porte d’étanchéité qui se ferme dans les quelques millisecondes après le passage de l’obus, ça veut dire que la catapulte doit encaisser 2 contraintes énormes: le changement de balance (puisque l’obus s’est détaché) alors que l’accélération est de 10kG, et le freinage atmosphérique qui, logiquement se précipite en opposition du mouvement et est donc maximal.<br /> Pour l’accélération, ce n’est pas vraiment un problème, l’accélération subie par l’obus est a = v^2/r. Pour réduire l’accélération de 10, il faut augmenter r de 10, ce qui n’est pas inenvisageable (500m pour une rampe, c’est possible si elle est souterraine, voire même 5km pour réduire l’accélération de 100x). L’accélération de 10kG ne dure que quelques millisecondes, la catapulte ne fait jamais de tour supplémentaire inutile.<br /> Pour atteindre la limite de l’atmosphère, c’est bien la vitesse qui est importante et la surface de l’obus (le Cx). Ici pas de mystère, ce ne sera jamais pour des gros satellites et le Cx a déjà la forme idéale. C’est donc sur la vitesse d’éjection que se portent tous leurs efforts. La vitesse minimale pour l’orbite, c’est 7.8km/s. C’est à dire que l’obus doit quitter la tour de lancement avec au moins cette vitesse, mais en réalité, au moins le double pour contrer la force de résistance de l’air.<br /> Après, c’est de la physique, avec un bras de 500m, ça veut dire qu’il faut que l’obus atteigne une accélération en sortie de 127kG (soit 12x plus que leur essai, avec un bras 10x plus grand).<br /> Sans un autre système de propulsion, c’est clairement impossible. Mais un autre système de propulsion veut dire emporter de la masse réactionnelle, c’est à dire carburant + comburant, qui devra être accélérée à 127 000 G sans exploser. À voir quels sont leurs équations ici, si au final c’est rentable, mais j’en doute pas mal.<br /> Dans leur démo, l’obus est sorti logiquement à 707m/s, soit 10x moins que ce qu’il faudrait pour qu’il atteigne l’orbite, à peine mach 2.
xryl
Un bras de 500m de long qui tourne à 4000 tours / minute sans se casser, si ça c’est pas tendu à réaliser…<br /> Sinon, il n’y a rien qui les empêchent d’améliorer le rendement de leur système avec des accélérateurs linéaires magnétiques dans la rampe de sortie (type rail gun). Histoire de ne pas avoir un bras de 500m mais une tour de 200m pourquoi pas. Encore une fois, la vitesse d’orbite est quasi impossible à obtenir de cette méthode.
SPH
Un humain ne résisterait pas à la pression exercée. Pour un satellite, c’est pareil (il devra être solide)
Kahn-San
intéressant comme concept, ça rappelle un peu le canon de lancement dans les livres illustré de Jules Vernes (de la terre à la lune) mais modernisé et un plus réaliste je pense <br /> image1071×1500 942 KB
Niverolle
Digne de Jules Vernes ! Mais la concurrence va être rude avec les railguns…
Niverolle
Les catapultes sont surtout pensées pour du fret (le fameux ³He lunaire par exemple) ! Ou une mini-nuke… Suivez mon regard: je tourne un oeil en direction des US, et un autre en direction de la Chine
pecore
Je suis extrêmement sceptique. Je ne demande qu’à me tromper mais toutes les contraintes évoquées dans l’article et dans les commentaires me font franchement douter de la faisabilité du truc.<br /> @xryl : merci pour ton explication très détaillée mais tu ne précises pas du coup si tu penses le projet crédible ou pas.
xryl
Disons que dans l’état de la démo, c’est peu crédible qu’ils arrivent à mettre en orbite quoi que ce soit. Ça sert principalement à rassurer les investisseurs qui ont mis des sous dans la boite initialement, et à mon avis c’est la fonction principale d’une telle communication. Maintenant, ils vont faire un round 2 ou 4 ou 10, pour lever quelques centaines de millions de dollars et les problèmes techniques vont devoir être résolus.<br /> Dans l’état actuel, leur démo devrait marcher sans trop de difficultés sur la Lune (2.4km/s de vitesse à atteindre, c’est tout à fait jouable surtout qu’il y a pas d’atmosphère). Donc pour renvoyer du fret de la Lune à la Terre, cela semble une bonne solution, surtout qu’il n’y a pas de carburant à fournir et donc à fabriquer.<br /> Sur la Terre, sans un autre système de propulsion non rotatif, à mon avis c’est mort avant un bout de temps. Les forces en jeux sont juste trop importantes dans la catapulte pour ne pas dépasser les limites des matériaux (je parle d’un modèle 127kG de 500m) connus.<br /> Donc soit ils continuent sur leur lancée avec le pipotron à fond en faisant plus grand, plus rapide, et en draînant l’argent des gogo pour justifier leurs salaires et leurs stock options, soit ils complémentent leur catapulte d’un rail linéaire type railgun et là oui, c’est jouable et faisable avec les avancées techniques des matériaux actuels.<br /> Les railguns, actuellement, c’est max 3km/s de vitesse en sortie, record de 2010. Pas très loin des 7.8km/s requis pour sortir de l’atmosphère. Le problème des railguns, c’est l’alimentation énorme qui n’est pas très pratique sur un bateau, mais tout à fait possible sur un bâtiment fixe. S’ils complémentent leur catapulte d’un railgun pour la sortie et l’accélération de leur obus, je pense qu’ils peuvent atteindre la vitesse limite de sortie atmosphérique.<br /> Il faut par contre qu’ils embarquent suffisamment de masse pour accélérer à l’apogée jusqu’au 11.6km/s pour la mise en orbite. Ça aussi ça doit être jouable, vu que SpaceX arrive à rallumer des moteurs de fusée ayant atteint ces vitesses lors de leurs atterrissages.<br /> La dernière question et pas des moindres, c’est combien va coûter un lancement. Est-ce que ça justifie l’investissement ? Vu que chaque tir impose des contraintes énormes sur l’obus et donc le satellite, et une énergie électrique folle, une petite taille pour les satellites, et une orbite faible.<br /> Bref, une équation économique difficile à résoudre.
xryl
Sauf que la physique dans Jules Verne ne fonctionne pas. Il n’y a tout simplement pas assez d’énergie dans le nitrocotton pour satelliser quoi que ce soit. Et l’utilisation de l’aluminium, qui à l’époque de Jules Verne était considéré comme le titane ou le platine aujourd’hui (c’est à dire des métaux magiques mais très chers) n’est absolument pas capable de supporter les contraintes.
Blackalf
xryl:<br /> Un bras de 500m de long qui tourne à 4000 tours / minute sans se casser, si ça c’est pas tendu à réaliser…<br /> Mais elles sortent d’où, ces mesures ?
xryl
C’est pas des mesures, c’est une solution à l’équation de l’accélération d’un solide sur une trajectoire circulaire: a = v²/r pour que v = 7800m/s avec un r pas trop loufoque de 500m (histoire de réduire l’accélération d’un facteur 10).<br /> Si, d’après l’article, ils ont a = 10kG avec un rayon de 50m, alors v = 700m/s. Pour atteindre 7800m/s, (soit environ 10x plus) il faut augmenter a ou r d’un facteur 100 (vu que v est au carré).<br /> On ne peut pas monter a d’un facteur 100, (soit 1MG) ce serait démentiel et impossible pour un matériaux à supporter. Donc ma solution «&nbsp;à la louche&nbsp;», c’est d’augmenter a d’un facteur 10 et r d’un facteur 10. Donc a à ~100kG et r à 500m. Ramené à l’article, vu que la catapulte tourne à 400 tours/mn, pour augmenter a d’un facteur 10, il faut qu’elle tourne à 4000 tours/mn sur un bras 10x plus long, soit 500m. Ce qui est aussi dément à réaliser, mais moins que toute autre solution à l’équation.
Kahn-San
et encore pour le proto c’est même pas le rayon qui fait 50 mais tout le bâtiment<br /> image450×634 35.3 KB<br /> et la chambre fait 33m pour un bras de 12m, donc va falloir encore monter pas mal les chiffres, ca semble très peu réaliste, mais vu que dans la vidéo ils montrent que la fusée active un réacteur pour augmenter sa vitesse il y a peut être beaucoup de points à éclaircir de leur coté
ebottlaender
Le calcul est rigolo, mais il ne prend pas en compte les contraintes de décélération ni l’échauffement lié au choc avec l’atmosphère quasiment au niveau de la mer. Ce n’est pas fondamentalement problématique dans le cas d’un railgun, mais ce dernier envoie un obus, pas un bloc hautement instrumenté avec de l’électronique sensible et un petit moteur fusée dedans.
Korgen
Je croyais que c’était un poisson d’avril ou un projet de l’agence spatiale belge.
Blackalf
Au lieu de faire une médiocre tentative d’humour, tu devrais aller regarder ce que fait l’institut von Karman en Belgique. Il y a même des étudiants français qui sont heureux d’y être.
Zimt
Pas besoin d’avoir un BAC+12 pour deviner que c’est physiquement complètement débile …<br /> A quel moment la projectile va faire 80 kilomètres comme ça juste en étant lancé d’une fronde aussi «&nbsp;petite&nbsp;» ???<br /> Sans parler des contraintes physique carrément inatteignables : les matériaux seraient déjà à la limite de soutenir leur propre poids s’il fallait faire un lanceur 10 fois plus grand.
xryl
Exact. C’est ce que j’ai écrit dans mon premier post. Le contact avec l’atmosphère va tout simplement ruiner toute velléité d’atteindre la limite de celle-ci, sauf à ajouter un long rail (sous vide également) en sortie afin de:<br /> Accélérer l’obus encore plus.<br /> Prolonger le plus possible la prise de vitesse sans force de frottement.<br /> Limiter l’accélération à des valeurs raisonnables pour la conception d’un satellite.<br /> Il faut quand même comparer cet obus à une fusée qui doit atteindre la même vitesse en traversant elle aussi l’atmosphère. Les contraintes aérodynamiques sont les mêmes, donc je dirais que c’est faisable techniquement. La fusée démarre à 0m/s et arrive à 7.8km/s à 80km.<br /> Rien que pour le décollage d’une Saturn V, 200 tonnes de carburant sont brûlés (et on est toujours à 0m/s).<br /> Ici l’obus devrait démarrer à x km/s et seulement maintenir sa vitesse (ou accélérer, mais plus légèrement) pour atteindre 7.8km/s. L’équation économique, c’est à partir de quel x, c’est plus rentable d’utiliser un tel système par rapport à une fusée traditionnelle. J’ai pas l’info, je peux pas la calculer, et évidemment, ils ne la donnent pas. Dans l’état actuel, je ne pense pas qu’il existe une solution viable économiquement.<br /> Avec un rail gun, si l’obus atteint 8km/s au départ, et qu’il ne s’agit que de compenser le frottement atmosphérique pendant 10s (oui, à cette vitesse, traverser l’atmosphère, c’est seulement 10s) avec un autre carburant, alors, oui, peut être que c’est rentable, à voir ensuite si c’est faisable.
xryl
Il y a cette «&nbsp;solution&nbsp;» pour utiliser un rail gun afin d’atteindre l’orbite.<br /> Cette solution nécessite une rampe très long, peut être que la solution hybride, catapulte + railgun serait plus facilement réalisable ?
f-dzt
Va falloir rappeller Thierry de Janville, dit Thierry la fronde, comme consultant sur ce projet
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