Des Rafale et Mirage 2000 viennent de valider la capacité française d'interception de ballons à plus de 20 kilomètres d'altitude. Une première étape stratégique cruciale dans la maîtrise de la très haute altitude.

Le Rafale, fleuron de l'Armée de l'air française © Victor Maschek / Shutterstock.com
Le Rafale, fleuron de l'Armée de l'air française © Victor Maschek / Shutterstock.com

L'armée française vient de franchir une étape cruciale dans la maîtrise de la très haute altitude (THA). Des chasseurs Rafale et Mirage 2000 ont intercepté des ballons stratosphériques du CNES à l'aide de missiles MICA, à plus de 20 kilomètres d'altitude. Cette démonstration de force s'inscrit dans la nouvelle stratégie française de maîtrise de la très haute altitude, désormais considérée comme un espace de conflictualité.

Le ministre des Armées salue une première historique française

Le ministre des Armées Sébastien Lecornu a savouré lundi cette première sur les réseaux sociaux. Ces tirs d'essai « repoussent les contraintes technologiques qui s'exercent sur l'avion, son pilote et son armement au-delà de 20 kilomètres d'altitude », précise-t-il. Plus qu'un exploit technique, il s'agit d'une « première étape franchie sur le volet interception » dans « un espace de conflictualité ».

La très haute altitude représente cette bande mystérieuse située entre 20 et 100 kilomètres d'altitude. En dessous, l'espace aérien reste souverain selon le droit international. Au-dessus, l'espace extra-atmosphérique devient un bien commun régi par le traité de 1967. Entre les deux, c'est le flou juridique total.

Cette zone était qualifiée de territoire « vierge », tel « le Far West » par le général Jérôme Bellanger, chef d'état-major de l'armée de l'Air et de l'Espace. Sa philosophie ? « La nature ayant horreur du vide, si nous n'y allons pas, d'autres iront à notre place. Il est hors de question de laisser des ballons chinois se positionner au-dessus de nos têtes et nous observer. »

La France applique sa nouvelle doctrine de défense stratosphérique

L'incident du ballon chinois de février 2023 a marqué les esprits militaires occidentaux. Pendant des jours, cet engin avait survolé l'Alaska, le Canada puis une large portion du territoire américain avant d'être finalement abattu par un F-22. Un réveil brutal qui avait exposé au grand jour les failles des systèmes de défense traditionnels face à ces menaces nouvelles.

Deux types d'objets évoluent dans cette zone critique. D'abord les HAPS (High Altitude Pseudo Satellites), ces ballons ou drones stratosphériques capables de missions prolongées de surveillance ou de communication. Leur endurance exceptionnelle, plusieurs mois en vol, et leur faible signature radar en font des vecteurs redoutables pour l'espionnage moderne et la saturation des défenses.

À l'autre extrémité du spectre, les missiles hypersoniques et planeurs manœuvrants exploitent les couches peu denses de l'atmosphère pour contourner les défenses classiques. « Pour les missiles, le fait de combiner rapidité et vélocité, ça rend ces objets très difficiles à intercepter », détaille le général Alexis Rougier, responsable du dossier THA.

Les essais réussis par la France font partie de la doctrine construite dès 2022 autour de trois axes : détecter, intercepter, agir. L'objectif consiste à faire de la très haute altitude un prolongement maîtrisé de l'espace aérien, plutôt qu'un angle mort de la souveraineté. Avec ces premiers tirs concluants, l'Hexagone montre qu'il dispose désormais d'une capacité opérationnelle dans ce domaine stratégique émergent.