Un astéroïde de 60 mètres de large, baptisé 2024 YR4, pourrait s’écraser sur la Lune en décembre 2032. Si l’événement se produisait, il provoquerait la plus violente collision lunaire depuis plusieurs millénaires. Une explosion visible depuis la Terre, capable de propulser des débris vers notre planète et de menacer les satellites en orbite. Que sait-on vraiment du scénario envisagé par les scientifiques ? Est-il plausible, ou largement exagéré ?

Si vous êtes amateurs d'astronomie, vous le connaissez certainement déjà, 2024 YR4. Repéré en début d'année, il avait brièvement inquiété les astronomes, lorsqu’un risque de collision avec la Terre avait été évoqué au mois de février. Depuis, ce scénario a heureusement été écarté.
Depuis, un autre a été envisagé : celui d’un impact direct sur la Lune, prévu pour le 22 décembre 2032. Des chercheurs de trois instituts dépendants d'universités canadiennes (la University of Western Ontario et la Athabasca University) se sont penchés sur celui-ci pour estimer à quel point il était plausible. Leur étude préliminaire a été publiée sur la plateforme arXiv, le 12 juin.
Un impact lunaire de magnitude nucléaire
Les probabilités d'un tel crash atteignent désormais 4,3 %. Ce chiffre peut sembler faible, mais dans le domaine de la surveillance des objets géocroiseurs, c'est un niveau inhabituellement élevé. À titre de comparaison, c’est bien supérieur aux seuils qui motivent généralement une attention sérieuse de la part des agences spatiales. Comme ce fut le cas il y a plus de vingt ans, pour l’astéroïde Apophis en 2004, qui n’avait alors qu’une probabilité de collision terrestre estimée à 2,7 %. Dans ce domaine, 4,3 %, c'est donc déjà beaucoup et c'est une probabilité à prendre au sérieux.
Si l’astéroïde 2024 YR4 venait effectivement à heurter la face visible de la Lune, l’impact libérerait une quantité d’énergie équivalente à celle d’une très grosse explosion nucléaire (6,5 mégatonnes de TNT), selon les auteurs de l’étude. Les modélisations numériques indiquent qu’un tel choc pourrait éjecter jusqu’à 100 millions de kilogrammes de régolithe lunaire dans l’espace.

Si la Lune explose, c'est la Terre qui trinque
Ce type de collision, bien qu'assez courant à l’échelle cosmique, constituerait l’impact le plus important sur la Lune depuis 5 000 ans. Selon les estimations des chercheurs, jusqu’à 10 % de ces débris pourraient être capturés par le champ gravitationnel terrestre dans les jours suivant l’événement, avec des conséquences évidentes pour les satellites en orbite basse.
Rassurez-vous, et n'imaginez pas de gros rochers venir nous bombarder. Ces fragments seront majoritairement de taille millimétrique à centimétrique, et voyageront à des vitesses de l'ordre de 4 à 18 km/s par rapport aux satellites, et jusqu'à 25 km/s lors de leur rentrée atmosphérique. Pour vous donner un ordre d'idée, c'est environ 55 fois plus rapide qu'une balle de 9 mm. C'est donc largement suffisant pour transpercer la structure d'engins situés en orbite.
Les simulations évoquent une multiplication par 1 000 du flux météoritique habituel dans la basse orbite, sur plusieurs jours. En surface, ces micrométéorites se consumeraient dans l’atmosphère, engendrant un spectacle lumineux impressionnant, un véritable feu d’artifice lunaire, visible à l’œil nu. Toutefois, pour les opérateurs de satellites, l’heure ne serait pas à la contemplation : ce genre d’événement peut nécessiter des manœuvres d’évitement urgentes et coûteuses, voire endommager irrémédiablement certains dispositifs, notamment ceux dépourvus de protection active.
D'ici 2032, l'orbite basse sera nettement plus surchargée qu'aujourd'hui : Starlink, OneWeb, constellations militaires ou civiles, etc. Toute une infrastructure numérique est donc potentiellement exposée par un tel impact, s'il devait avoir lieu.
De là à envisager une mission de déviation de l’astéroïde ? Ce n’est pas impossible. Avec sept années devant nous, il serait techniquement envisageable d’imiter la mission DART menée par la NASA en 2022, qui avait dévié l’astéroïde Dimorphos. 2024 YR4 est d’ailleurs deux fois plus petit que Dimorphos, ce qui en fait une cible idéale. Mais à la différence de DART, cette fois, la cible ne menace pas directement la Terre. Une intervention trop tardive pourrait même aggraver la situation si elle modifiait la trajectoire de 2024 YR4 vers… notre planète.
Faut-il s’inquiéter d’un tel scénario ? Non, pas dans l’immédiat. Les probabilités restent tout de même faibles, l’échéance lointaine, et aucun risque pour les humains n’est à craindre, même en cas de collision. L'atmosphère jouerait parfaitement son rôle de bouclier et aucun fragment n'atteindra le sol.
Pour les scientifiques, en revanche, l'événement serait une rare opportunité : observer en temps réel les effets d'un impact sur notre unique satellite, analyser la dynamique des éjectas, revoir leurs modèles de collision, et tester (peut-être) la réactivité de nos systèmes de défense planétaire. D'ici là, 2024 YR4 est placé sous haute surveillance, même s'il a plus de chance de passer à côté de la Lune que l'inverse.
Sources : Science Alert, arXiv