Longtemps attribuées au seul refroidissement de la planète, les déformations qui sillonnent la surface de Mercure pourraient aussi avoir été causées par l’influence gravitationnelle du Soleil. Une étude récente remet en question une explication jugée jusqu’ici suffisante.

Et si le Soleil ( en tout petit en haut de l'image) était responsable des déformations de la croûte de Mercure (au 1er plan) ? - ©Pzykodegoat / Shutterstock
Et si le Soleil ( en tout petit en haut de l'image) était responsable des déformations de la croûte de Mercure (au 1er plan) ? - ©Pzykodegoat / Shutterstock
L'info en 3 points
  • Les déformations de Mercure ne sont pas uniquement dues au refroidissement, mais aussi aux forces de marée solaires.
  • Les forces gravitationnelles du Soleil influencent les failles de Mercure, créant des mouvements latéraux inattendus.
  • La mission BepiColombo, prévue pour 2026, pourrait clarifier l'impact des marées solaires sur Mercure.

C'est la planète de notre système solaire qui entretient la relation la plus étroite avec le Soleil. Mercure est aussi connue pour sa surface cabossée et son atmosphère quasi inexistante. Les missions Mariner 10 puis MESSENGER ont permis de cartographier ses falaises abruptes, ses crêtes allongées et ses lignes de fracture. Jusqu’ici, les scientifiques expliquaient ces reliefs par une contraction progressive de la planète au fil du temps, conséquence directe de son refroidissement interne.

Mais des chercheurs de l’Université de Berne viennent d’ajouter une pièce au dossier. En modélisant les effets des forces de marée exercées par le Soleil, ils ont mis en évidence une autre forme de pression, plus discrète mais continue, qui aurait pu orienter ou renforcer certaines déformations tectoniques.

La croûte de Mercure ne se serait pas seulement rétractée sous l’effet du froid

Quand une planète refroidit, son volume diminue. Sa croûte extérieure doit alors s’ajuster. Chez Mercure, ce phénomène a provoqué des compressions horizontales, visibles sous forme de falaises et de rides. Des structures comme les lobate scarps — de grandes cassures où un pan de terrain chevauche un autre — en sont les témoins les plus clairs. Les premières estimations évoquaient un rétrécissement global de 2 à 7 kilomètres de rayon.

Mais à mesure que les images s’accumulaient, certaines incohérences ont émergé. Des chercheurs ont relevé des mouvements latéraux qui ne cadrent pas avec une simple contraction radiale. En d'autres termes, des glissements obliques — ou transpression — ont été identifiés dans plusieurs régions. Ce genre de déformation suppose qu’autre chose qu’un simple refroidissement global est intervenu.

Les modèles thermiques du sous-sol ne suffisent plus à expliquer l’ensemble des structures observées. L’hypothèse d’un refroidissement hétérogène a été envisagée, tout comme celle d’un manteau irrégulier. Mais l’étude publiée dans Journal of Geophysical Research: Planets avance un autre facteur : les forces de marée liées à l’orbite de Mercure autour du Soleil.

Mercure n’aurait donc pas seulement rétréci comme une pomme oubliée dans le froid. Sa proximité avec le Soleil l’aurait soumise à des tractions répétées, qui ont peu à peu modelé sa surface - ©Antrakt2 / Shutterstock
Mercure n’aurait donc pas seulement rétréci comme une pomme oubliée dans le froid. Sa proximité avec le Soleil l’aurait soumise à des tractions répétées, qui ont peu à peu modelé sa surface - ©Antrakt2 / Shutterstock

Les forces de marée du Soleil auraient guidé certaines failles en surface

La particularité de Mercure, c’est son orbite excentrique et sa rotation désynchronisée. Il faut à la planète environ 88 jours terrestres pour faire le tour du Soleil, pendant lesquels elle tourne trois fois sur elle-même. Ce ratio 3/2 crée des variations constantes dans les forces gravitationnelles que le Soleil exerce sur sa croûte.

L’équipe menée par Liliane Burkhard a simulé les effets de ces variations sur plusieurs milliards d’années. Résultat : si les marées gravitationnelles ne suffisent pas à fracturer la surface, elles pourraient avoir orienté l’apparition des failles. En étudiant leur direction et leur répartition, les chercheurs ont retrouvé une concordance avec l’orientation des contraintes provoquées par les marées.

Les valeurs mesurées sont modestes — entre 15 et 40 kilopascals selon les périodes — mais suffisantes pour peser dans l’équilibre des forces en présence. L’effet serait particulièrement visible dans certaines structures comme Grifo Rupes ou les « restraining bends » observés près de Blossom Rupes. Là, les déplacements ne suivent pas uniquement des lignes de compression verticales, mais montrent aussi des indices de cisaillement horizontal.

Mercure n’aurait donc pas seulement rétréci comme une pomme oubliée dans le froid. Sa proximité avec le Soleil l’aurait soumise à des tractions répétées, qui ont peu à peu modelé sa surface. Un phénomène lent, diffus, mais actif sur plusieurs milliards d’années.

La mission BepiColombo, en route depuis 2018, doit entrer en orbite autour de Mercure d’ici 2026. Elle embarque plusieurs instruments capables de mesurer avec précision la topographie, la composition et les champs magnétiques de la planète. Ces données pourraient permettre de trancher entre les différentes hypothèses ou de les combiner. Et comme bien souvent en matière de sciences, l’étude de Mercure, longtemps à la traîne faute d’observations suffisantes, pourrait alors bénéficier d’un second souffle.