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Delta IV Heavy, "la fusée la plus métal", a réussi sa toute dernière mission

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
10 avril 2024 à 19h21
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La base de ses réservoirs orange vient noircir à travers ses propres flammes... Delta IV Heavy décolle © United Launch Alliance
La base de ses réservoirs orange vient noircir à travers ses propres flammes... Delta IV Heavy décolle © United Launch Alliance


À la fin de son dernier compte à rebours, elle a une dernière fois éjecté ses grandes flammes qui ont remonté le long de ses flancs orange. Delta IV Heavy, qui a décollé ce 9 avril 2024 depuis la Space Coast, a terminé sa carrière. Une suite de réussites, intégralement au service du gouvernement américain...


Elle était la fusée qui faisait douter, et ce 9 avril 2024 n'était pas une exception. À 18 h 53, le long compte à rebours est arrivé à son terme sur le site de lancement LC-37 de la base américaine de Cape Canaveral, et les trois puissants moteurs RS-68A de la dernière Delta IV Heavy se sont allumés. Mais pas sans que les brûleurs disposés sur le pas de tir n'incendient les gaz autour de la base de la fusée, par sécurité.

Et, comme pour les 15 décollages précédents, cela a généré les incroyables flammes du décollage de Delta IV Heavy, venant lécher les flancs et brûler la surface de l'isolant disposé sur ses réservoirs. Ce spectacle, avant même que le lanceur ne s'élance dans le ciel de Floride pour tourner vers l'océan, lui vaut la réputation de la fusée la plus « métal » du marché des lanceurs.

La Delta Lourde

Lors de son premier lancement en décembre 2004, Delta IV Heavy était devenu le lanceur le plus puissant au monde, avec une capacité d'emport de 25 tonnes environ (passée à 28 tonnes ensuite) en orbite basse. Ce premier tir fut mouvementé : les trois boosters côte à côte ont subi un effet de cavitation dans leur tuyauterie qui approvisionne les moteurs-fusées et se sont arrêtés trop tôt, menant à une orbite trop basse pour que les satellites éjectés puissent opérer plus de quelques heures. Ce fut toutefois le seul échec partiel de cette énorme merveille d'ingénierie conçue initialement par les équipes de Boeing pour le marché de la défense américain du début des années 2000, trop contraint par les navettes spatiales, leur coût, leurs calendriers et leurs problèmes.

Construite et opérée par l'entité commune ULA (formée entre Boeing et Lockheed Martin) à partir de 2007, Delta IV Heavy fut presque deux décennies durant le lanceur lourd de référence. Il décollait de Floride sur le site LC-37, mais aussi depuis la Californie sur le fameux LC-6, celui qui fut construit dans les années 80 dans l'espoir d'y voir des navettes. Avec le vol de ce mois d'avril, Delta IV Heavy a donc décollé 17 fois. Baptisée NROL-70, la mission a été partiellement diffusée en direct et s'est soldée par un dernier succès.

Les flammes montent à une dizaine de mètres avant de s'évanouir sous le lanceur alors que celui-ci part vers le ciel © United Launch Alliance
Les flammes montent à une dizaine de mètres avant de s'évanouir sous le lanceur alors que celui-ci part vers le ciel © United Launch Alliance

17 tirs, un seul client

Les deux lancements qui ont le plus fait parler d'eux sont sans doute ceux qui ont eu lieu au service de la NASA. Le premier, en décembre 2014, avait transporté la capsule Orion sur une orbite très haute afin de valider son design ainsi qu'une large variété de systèmes qui permettent aujourd'hui aux Américains d'envisager sérieusement leur retour autour, puis sur la Lune. Le second est celui de la sonde solaire Parker (ironiquement, elle avait décollé de nuit), qui avait utilisé Delta IV Heavy, alors même qu'elle ne pesait que 685 kilos, mais nécessitait énormément d'énergie pour se rapprocher du Soleil.

Les 15 autres lancements ? Si leur charge utile est plus ou moins connue, leurs caractéristiques exactes sont secrètes. Ils ont tous été, comme celui d'hier, au service de la défense américaine pour envoyer des satellites « espions », énormes unités optiques, radars ou de collecte de signaux. Delta IV Heavy n'a jamais vraiment été proposée à quelqu'un d'autre que les États-Unis, pour une raison très simple : c'était à la fois très complexe, il fallait s'y prendre longtemps à l'avance, et le tir coûtait, selon les sources, entre 350 et 450 millions de dollars !

Le très beau poster "rétro" à l'occcasion du dernier tir de Delta IV Heavy © NRO
Le très beau poster "rétro" à l'occcasion du dernier tir de Delta IV Heavy © NRO

Place à la relève

C'est ce coût qui a eu raison de la déjà longue carrière de Delta IV Heavy. En 2015, United Launch Alliance a dévoilé son futur lanceur Vulcan et annoncé que ce dernier serait suffisamment puissant pour remplacer la grande fusée à trois boosters, sans aucun problème de performance et pour un coût largement inférieur.

Depuis quelques années, United Launch Alliance doit en effet composer avec SpaceX et sa Falcon Heavy, dessinée spécifiquement pour « torpiller » le marché consacré à la Delta IV Heavy… Mission réussie en grande partie, puisque cette dernière prend sa retraite. Il s'agissait de la toute dernière représentante de la famille Delta, dont le passé remonte à 6 décennies (12 août 1960), et c'est un glorieux chapitre des lanceurs américains désormais clos.

Source : SpaceNews

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (5)

nicgrover
Ubn bien belle part de nostalgie même si les finalités étaient en majorité militaires et secrètes.
Palou
nicgrover
Merci Palou de ce document. Quand on pense que la moindre erreur, même toute petite et c’est la catastrophe…
Morlac
C’était le seul lanceur à avoir un premier étage à Hydrogène ?
f-dzt
sacrée machine quand même …
juju251
Morlac:<br /> C’était le seul lanceur à avoir un premier étage à Hydrogène ?<br /> Non, loin de là.<br /> C’était le cas d’Ariane 5, ce sera le cas d’Ariane 6.<br /> SLS a également un premier étage qui fonctionne à l’hydrogène.<br /> Par contre, dans le cas de ces trois lanceurs, les boosters sont eux à poudre.<br /> La navette spatiale américaine était également équipée de moteurs (d’ailleurs, une version des moteurs de la navette équipe SLS) fonctionnant à hydrogène.
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