Dune : un voyage contemplatif sous le soleil brûlant d'Arrakis

Mathieu Grumiaux
Par Mathieu Grumiaux, Expert maison connectée.
Publié le 05 octobre 2021 à 15h41
SF DUNE Denis Villeneuve

Cette semaine votre chronique ne perd pas de temps et se pose sur le sable chaud de la planète Arrakis à la rencontre de la nouvelle adaptation signée Denis Villeneuve de Dune, l'œuvre monumentale de Frank Herbert.

Clubic aime la science, Clubic aime l'avenir, Clubic aime la science-fiction. Avec · S | F · nous vous partagerons régulièrement nos recommandations dans le domaine de l'imaginaire : littérature, bande dessinée mais aussi films...  

Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.

Dune (2021)

de Denis Villeneuve

Je dois vous le confesser, au moment d'entrer dans la salle de cinéma, l'univers de Dune m'était encore bien étranger. Je connaissais bien sûr de nom l'œuvre littéraire monumentale de Frank Herbert et adolescent, j'avais jeté un œil sur la première adaptation réalisée par David Lynch, mais le film, déjà daté, ne m'avait alors pas particulièrement séduit.

L'arrivée d'un nouveau film m'a pourtant rapidement intrigué, d'abord parce que j'y ai vu l'opportunité d'une nouvelle porte d'entrée vers le riche univers de Dune, mais aussi parce le nom de Denis Villeneuve était attaché au projet. De fait, après des années de désamour, son Blade Runner 2049 m'avait subjugué comme peu de films ces dernières années, ce nouveau projet éveillait donc ma curiosité.

Aussi, après des bandes-annonces plus somptueuses les unes que les autres, un an de report dû en partie à la crise sanitaire et de premiers échos enthousiastes de la presse spécialisée, il était temps pour moi d'entamer ce nouveau voyage vers Arrakis.

« Quelque chose s'éveille dans mon esprit, je n'ai aucun contrôle dessus »

Scénaristiquement, le film ne s'éloigne pas de son support littéraire et nous invite à nous projeter en l'an 10191, pour suivre le parcours de Paul Atréides, héritier de la maison éponyme. Au début de l'histoire, le jeune homme et son père, le duc Léto Atréides, se voient envoyés par l'Empereur sur la planète désertique Arrakis.

Cet endroit dangereux et sauvage, anciennement contrôlé par la cruelle maison Harkonnen et habité par le peuple autochtone Fremen, est aussi une source de richesses pour l'Imperium qui règne sur l'univers. En effet, c'est ici que l'on récolte l'Épice, une substance rare et particulièrement importante qui permet notamment le voyage interstellaire, clé de voute de l'économie impériale.

Mais l'arrivée des Atréides se révèle finalement une manœuvre politique fomentée par l'Empereur et Paul devra s'affranchir de sa lignée pour embrasser un destin qui pourrait bien changer le cours de l'histoire…

« Ma planète, Arrakis, est tellement belle quand le soleil est bas »

L'univers de Dune a inspiré des artistes parmi les plus créatifs, en atteste le documentaire portant sur le projet avorté d'Alejandro Jodorowsky, dont les concepts fous continuent de fasciner les cinéastes du monde entier, comme les sœurs Wachowski qui s'en sont par exemple inspirées pour Jupiter Ascending.

Denis Villeneuve, s'il cultive une signature photographique particulière, n'est pas connu pour ses outrances visuelles, sa carrière témoignant plutôt de son amour pour l'épure, les espaces vides et majestueux. Le réalisateur applique évidemment ces codes esthétiques à Dune, dans sa direction artistique comme dans sa mise en scène, n'hésitant pas à élargir le cadre en permanence pour nous faire profiter des somptueux décors réels de la production. Les effets spéciaux, eux, sont absolument parfaits et bien dosés, de la première à la dernière image, ce qui est assez rare de nos jours pour être salué.

On peut évidemment adhérer ou non à la démarche. Pour ma part j'ai été littéralement scotché par cette proposition visuelle. Les équipes du film ont réussi à transcrire à l'écran la singularité de chaque peuple par un choix de costumes, de décors et de lumières, qui les caractérise à l'image et leur donne, surtout, de l'épaisseur, leur confère une histoire et un vécu.

Les différentes planètes de cet univers semblent habitées de milliers de récits encore inconnus, et les poussières du sable d'Arrakis m'ont presque fait suffoquer sur mon siège : emmenés dans le film, on a l'impression de sentir le vent et la moiteur de cet environnement. C'est peut-être une évidence, mais voir Dune uniquement sur l'écran d'un ordinateur ou d'un téléviseur serait une hérésie tant l'univers qui s'y déploie a été pensé avant tout pour la salle de cinéma, pour être projeté sur le plus grand écran possible.

© Warner Bros Pictures
© Warner Bros Pictures

« Père, et si je n'étais pas l'avenir de la maison Atréides ? »

Denis Villeneuve prouve aussi, après son Blade Runner 2049, que son goût pour la contemplation et à la réflexion n'est plus opposé à sa capacité à raconter une histoire, compréhensible par tous malgré des ramifications complexes. En 2 heures 35 de projection, le réalisateur et ses scénaristes réussissent à présenter les différentes forces en présence, leurs implications politiques et économiques, à mobiliser une profusion de noms et à distribuer une foule d'informations, et ce, sans que l'on soit totalement perdus au bout de 10 minutes.

L'équipe prouve également qu'elle a bien cerné les différentes sous-thématiques irriguant l'œuvre d'Herbert, parmi lesquelles l'écologie et le rapport de l'humain à la nature, mais aussi la question de la religion et de ses enjeux stratégiques. Ce dernier point s'incarne avec la représentation du Bene Gesserit, ordre de sœurs habitées d'une mission mystique et finalement très impliquées dans les problèmes géopolitiques de l'Imperium.

« Les rêves font de belles histoires, mais le plus important se passe quand on réveillé »

Est-ce le moment pour moi de crier au chef d'œuvre qui redéfinira le genre du space opera au cinéma ? Malheureusement non. Si Dune prouve que Denis Villeneuve est un artiste et technicien visuel hors-pair, capable de composer de magnifiques images et de faire vivre à l'écran un univers aussi riche que celui-ci, le film montre aussi les limites du cinéaste en termes de caractérisation.

Les personnages aussi incarnés soient-ils, semblent plus perçus comme des archétypes ou des fonctions que comme des êtres de chair et de sang, et ce, malgré tout le talent des comédiens, Timothée Chalamet en tête absolument impeccable en Paul Atréides. Ce qui pêche ici, ce sont les dialogues, écrits pour donner un contexte historique, expliciter les motivations des personnages ou encore décrire l'action se déroulant sous nos yeux. Jamais on ne perçoit une réelle alchimie entre Paul et son père par exemple et seul Duncan Idaho, interprété par Jason Momoa, obtient quelques rares lignes de texte lui permettant d'exister au delà de son simple statut de soldat, et de nous attacher à lui.

Le film semble aussi se refuser au spectaculaire, tant et si bien que les quelques scènes d'action qui le parsèment sont extrêmement pauvres, en termes de mise en images comme de chorégraphies. Tout est filmé de trop loin et trop rapidement pour susciter un quelconque intérêt et les combats au corps à corps souffrent d'une infinie mollesse, qui rend certains affrontements presque risibles…

© Warner Bros Pictures

« Ton destin t'appelle »

Une nouvelle adaptation de Dune sur grand écran est un pari osé, que Denis Villeneuve a joliment relevé dans les grandes largeurs. L'univers n'a jamais paru aussi réel, aussi tangible que dans cette version à la direction artistique parfaitement exécutée.

On peut aussi saluer rapidement le concours d'Hans Zimmer, qui n'avait pas été aussi inspiré depuis plusieurs années, ou la photographie désaturée de l'ensemble, très élégante… mais parfois trop sombre aussi.

Dune ne manque ni de souffle, ni d'audace, seulement de cœur. Comme l'indique le titre en début de film, nous n'avons vu ici que la première partie de l'histoire ; aussi, on espère qu'après cette longue introduction, Denis Villeneuve et ses équipes lâcheront les chevaux pour nous proposer une véritable épopée spatiale, davantage qu'un somptueux livre d'images.

Qu'en pense-t-on dans · S | F · ?

Dune de Villeneuve était pour moi la première vraie incursion dans l'univers de Frank Herbert et je ressors de l'expérience avec un petit goût d'inachevé.

Cela faisait bien longtemps qu'un pareil spectacle ne m'avait été proposé sur grand écran et Dune redonne d'une certaine manière ses lettres de noblesse au space opera, un genre trop souvent absent des salles de cinéma. L'univers, sa complexité et ses personnages m'ont intrigué, certaines images resteront sans doute gravées pour de nombreuses années dans ma mémoire… Pourtant il m'a manqué une vraie proximité avec le héros et les différents protagonistes pour me donner l'envie fébrile d'y retourner encore et encore.

Si Dune est plaisant à suivre et à contempler, mais passé la stupéfaction de quelques plans magistraux de maîtrise, je n'ai ressenti que peu d'émotions et en cela je suis très triste…

© Warner Bros Pictures

Dune est à retrouver depuis le 15 septembre 2021 dans les salles de cinéma.

À la recherche d'un roman, d'un film ou d'une BD ?

Retrouvez ici tous les épisodes de notre chronique · S | F ·

Par Mathieu Grumiaux
Expert maison connectée

Grand maître des aspirateurs robots et de la domotique qui vit dans une "maison du futur". J'aime aussi parler films et séries sur les internets. Éternel padawan, curieux de tout ce qui concerne les nouvelles technologies.

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
pecore

Je l’ai déjà écris dans un autre topic : Dune est excellent mais élitiste. Il est parfaitement compréhensible et très bien réalisé, à condition d’être déjà connaisseur de l’œuvre. Mais les non-initiés risquent de se perdre dans cette histoire assez complexe et d’être rebutés par la longueur du film.
Un très bon film donc pour re-découvrir l’œuvre majeure de Franck Herbert et l’une des plus grandes saga de toute l’histoire de la SF, mais peut être pas pour la découvrir tout court.

nicgrover

Il me semble en effet indispensable d’avoir lu et relu les ouvrages de Frank Herbert, ou tout du moins « Dune » pour comprendre la pensée complexe de l’auteur.

Il est certain que Villeneuve aura fait et devra faire des choix dans son œuvre à lui.

Tout comme « Le Seigneur des Anneaux » tout ne peut être cinématographié.

dapoussin

Grand fan de Dune (j’ai récemment relu les premiers tomes en préparation du film), j’ai été subjugué par le film de Villeneuve, que j’ai pu voir en IMAX. J’y retournerai lundi dans un cinéma traditionnel, mais je pense déjà que ce film n’a pas été conçu comme un énième consommable style Marvel, mais plutôt comme une oeuvre vers laquelle on reviendra pour y trouver des détails supplémentaires et des concepts incompris lors d’un premier visionnage. L’univers de Dune est en effet très dense, et sans avoir lu les bouquins, il faut s’accrocher pour ne pas être perdu… Hélas il faut en passer par là, et si Villeneuve arrive à donner plus d’émotions et de vie à ses personnages dans la deuxième partie, on aura alors une oeuvre aussi majeure que le Seigneur des Anneaux de Jackson, voire plus… J’espère qu’il pourra aussi adapter les livres suivants :blush:

laineux

Une revue du film par un gars qui n’a pas lu le livre n’a aucun intérêt et montre même qu’il n’a rien compris à l’univers. La « moiteur » de la planète ??? Heu non, les fremen récupèrent même l’eau de leurs morts tellement la planète est sèche…

Kratof_Muller

Les illustrations de Jodorowski et d’autres qui devaient être utilisées pour le 1er film Dune qui fut annulé furent détournées et servirent dans star wars, regardez le costume des sardaukar et de l’empire, c’est flagrant.

gamez

j’ai vu le film et lu le livre. Sans vouloir spoiler, le film représente les 10 premiers pourcents du cycle de dune de franck herbert lol

donc ne vous attendez pas à voir un film pour son début, son intrigue et sa fin car vous repartiriez décu. Si vous regardez le film c’est en sachant d’avance qu’il faudra aller voir les suites (si elles sortent) sinon ca ne sert absolument à rien d’aller le voir vous trouverez ce film inachevé.
Vous voilà prévenu :wink:

Arcetnathon

Absolument pas d’accord avec la critique. Ce film est un chef d’oeuvre. Du debut a la fin il nous aspire.

ENFIN des combats non caricaturaux qui ne ressemble pas à ce que le spectateur attend mais à de vrai combats réalistes.

N’ayant jamais lu le bouquin, il est commandé !

gvia66

Il est a souligné que le film ne traite que du premier des 2 tomes Dune de Frank Herbert. Une suite sera nécessaire pour que Paul triomphe des Harkonnens.

vincent_dagousset

Je l’ai vu dans la salle ICE d’un Mega CGR. Le son est parfois beaucoup trop si bien que c’est parfois une torture. Mais je ne sais pas si ça vient du film ou de la salle ?

Dune 2021 de Denis Villeneuve n’est pas LE film Dune que j’attendais en tant que fan de l’univers, celui que Jodorowski nous à fait rêver, le film qui saurait restituer toute la magie des livres, avec son ambiance mystique voir psychédélique par moments. Non, on se retrouve ici devant un film qui est certes réussi, joli, qui propose une certaine ambiance et de beaux effets spéciaux (mention spéciale aux Ornithoptères superbes) et qui suit dans les grandes lignes la trame principale de la première partie du roman, ce qui n’est pas une mince affaire, mais qui malgré sa longueur ne prend pas bien le temps de tout nous expliquer, surtout pour ceux n’ayant pas lu les bouquins, je n’imagine même pas l’enfer pour comprendre. Comme beaucoup de films de notre époque, tout s’enchaîne malheureusement un peu trop vite et on ne prend pas le temps de poser le décor, d’introduire le background (le Landsraad, l’Imperium…), les personnages, les enjeux… Au lieu de cela, on survole vite fait, on balance deux ou trois mots pour avoir placé les termes, mais ça s’arrête là. D’ailleurs c’est bien simple, je crois qu’à aucun moment il n’est fait mention, chose incroyable mais vrai, du Jihad Butlérien dans tout le film, ce qui est quand même la base de l’histoire de Dune ! Le fait que les hommes se soient libérés des machines dans une révolte et que les machines pensantes soient désormais proscrites. On ne parle pas non plus de l’interdiction des atomiques et des armes à feus à cause de l’effet Holtzman sur les boucliers, raison pour laquelle les personnages combattent principalement à l’arme blanche. Le spectateur qui ne sait pas ça doit se demander pourquoi tout le monde combat principalement à l’épée. J’ai été très surpris de voir à quel point on ne précise pas non plus l’objectif du Bene Gesserit, les Mentats (d’ailleurs ce terme n’est pas prononcé une seule fois non plus je crois bien) pour lesquels on explique à aucun moment qu’ils sont des assassins capable de facultés de raisonnement hors-pair, on ne voit que brièvement leurs yeux devenir tout blanc en se demandant s’ils ne font pas une crise d’épilepsie. C’est dommage, j’ai trouvé la narration assez confuse, après je peux comprendre qu’au vu de la complexité de l’univers et des nombreuses factions, Denis Villeneuve ait préféré se concentrer sur le principal. Bref pour moi c’est un film qui s’adresse surtout à ceux qui connaissent déjà l’univers et qui ont lu les livres, car sinon il me semble difficile d’appréhender tout ce qui se dit dedans et les enjeux.

gamez

sachant qu’il y a 7 tomes au total