Microsoft tourne la page de Windows 10 et impose ses nouvelles règles du jeu. Entre migration, ESU, Linux ou déconnexion totale, il est encore temps de décider du sort de votre PC.

C’est la fin d’un règne un peu trop long au goût de Microsoft. Le 14 octobre, Windows 10 tirera (enfin) sa révérence, laissant des millions de PC entre deux mondes : trop vieux pour Windows 11, trop en forme pour la décharge. Redmond promet bien quelques rustines pour les plus prévoyants, mais le compte à rebours est lancé. Et il va falloir décider quoi faire de votre machine.
Une mort annoncée… puis partiellement repoussée
Il faut le dire, on partait de loin. Il y a plus de deux ans, lorsque Microsoft a officialisé la fin de vie de Windows 10 pour le 14 octobre 2025, il n’était question d’aucune solution alternative, ni pour les particuliers ni pour les entreprises. L’éditeur annonçait simplement l’arrêt des correctifs de sécurité, comme il l’avait fait pour Windows 7, qui n’avait bénéficié d’un support étendu que pour les organisations prêtes à payer, ou pour Windows 8.1, abandonné sans ménagement et sans que grand monde s’en émeuve. Les utilisateurs et utilisatrices étaient invités à migrer vers Windows 11, quitte à devoir changer de machine si leur matériel ne répondait pas aux nouvelles exigences techniques.
Un an plus tard, probablement parce que la transition vers Windows 11 s’avérait bien plus lente qu’espéré – 70 % du parc mondial tournait encore sous Windows 10 en mai 2024 et l’on estimait à 240 millions le nombre d’ordinateurs jugés incompatibles avec la dernière version du système, bons à remplacer par un PC Copilot+ selon les conseils avisés de Redmond –, l’entreprise a fini par détailler les conditions de son programme de mises à jour de sécurité étendues, annoncé dès la fin 2023. Deux formules ont alors été dévoilées : une ESU grand public vendue 30 dollars pour un an de correctifs supplémentaires, et une ESU destinée aux organisations, renouvelable jusqu’à trois ans moyennant 61 dollars la première année, 122 la suivante et 244 la troisième.
Une annonce à valeur d’apaisement, évidemment. En agissant de la sorte, Microsoft calmait les inquiétudes tout en misant sur une migration progressive vers Windows 11, persuadée sans doute que le temps ferait son œuvre. Or rien n’a vraiment bougé, si bien qu’en juin 2025, alors que Windows 10 restait dominant, la firme a consenti un nouveau geste en promettant un an de mises à jour gratuites pour les particuliers. En échange, trois fois rien (non) : compte Microsoft obligatoire et synchronisation des paramètres dans le cloud maison ou échange de mille points Microsoft Rewards.

L’initiative, présentée comme un coup de pouce, mais pas altruiste pour deux clous, visait naturellement à servir les intérêts de l’éditeur. D’un côté, Redmond s’assurait qu’un parc massif de machines ne se transforme pas en cauchemar sécuritaire susceptible de ternir son image, même après s’être officiellement déchargé de toute responsabilité. De l’autre, l’opération poussait des millions d’utilisateurs à livrer des données en continu qui, pour l’éditeur, valent largement plus que 30 dollars par tête.
Finalement, la pression des associations de consommateurs et le cadre imposé par le Digital Markets Act ont poussé Microsoft à lâcher encore un peu de lest, au moins pour les Européens. Bruxelles et plusieurs organisations ont obtenu un sursis d’un an mieux encadré, mais toujours conditionné. La sauvegarde obligatoire des données sur OneDrive a été supprimée pour accéder gratuitement à l’ESU, tout comme le cumul des points Microsoft Rewards, mais le compte Microsoft est resté incontournable. Sans ce compte ou en cas d’inactivité prolongée (60 jours sans connexion), le PC sera désinscrit et cessera de recevoir les patchs.
Ce répit prendra fin le 13 octobre 2026. Passé cette date, il n’y aura plus de mises à jour « gratuites » pour personne, et rien n’indique aujourd’hui qu’un nouveau programme payant sera proposé aux particuliers.
Migrer vers Windows 11, si votre matériel le permet…
Pour nombre d’utilisateurs et d’utilisatrices, la solution la plus logique reste la migration vers Windows 11. L’upgrade est gratuite pour les machines éligibles et le processus est plutôt fluide, même s’il faudra s’armer d’un peu de patience : la mise à jour est lourde et peut prendre du temps.
Évidemment, vous le savez maintenant, toutes les machines n’auront pas droit au parcours officiel. Les exigences matérielles sont toujours aussi strictes – TPM 2.0 activé, Secure Boot fonctionnel, processeur figurant sur la liste officielle de Microsoft, et bientôt SSE 4.2 et POPCNT obligatoires –, et un certain paquet de PC encore fonctionnels, mais sortis avant 2018, risquent fort de rester sur le carreau.
Si vous faites partie des malheureux élus, que vous souhaitez coûte que coûte rester sur Windows sans passer par le programme ESU et que vous n’avez pas peur de mettre un peu les mains dedans, vous pouvez toujours tenter une installation manuelle. Il vous faudra récupérer l’ISO officielle de Windows 11 et la coupler à un outil tiers, type Rufus ou Flyoobe, pour contourner les vérifications matérielles et forcer la mise à jour.
Attention toutefois, les limites ne sont pas qu’administratives. Si votre processeur n’intègre pas les jeux d’instructions SSE4.2 et POPCNT, inutile d’espérer passer à Windows 11 24H2 et Windows 11 25H2, même avec les meilleurs outils de contournement. Le blocage touche aux limites physiques du CPU, et aucun script ne pourra y remédier.
Plus largement, Microsoft a déjà prévenu qu’aucune garantie de stabilité ni de prise en charge complète ne serait assurée pour les installations hors support. Les mises à jour de sécurité devraient continuer d’arriver, mais certains patchs de compatibilité ou de pilotes pourraient tout aussi bien passer à la trappe.
… ou tenter autre chose avec Linux (non, ce n’est pas un gros mot)
Si Windows 11 n’est vraiment pas une option, il serait peut-être temps de jeter un œil du côté de Linux. Oui, le terme fait encore un peu peur. Il évoque des terminaux noirs, des lignes de commande ésotériques, des barbus qui compilent des noyaux à la main et qui jurent que vi est plus ergonomique qu’un double-clic. Mais ces clichés n’ont que trop vécu. Promis, les distributions d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec celles d’il y a dix ans.
L’installation est désormais guidée, les interfaces sont claires, et il est tout à fait possible d’utiliser son ordinateur sans jamais ouvrir le terminal. L’expérience dépend avant tout de l’environnement de bureau choisi. Certains, comme KDE Plasma, Cinnamon ou XFCE, reprennent les codes visuels de Windows avec un menu Démarrer, une barre des tâches et un explorateur de fichiers classique. C’est ce qu’on retrouve sur des distributions Linux comme Zorin OS, Linux Mint, Feren OS ou KDE Neon, qui facilitent la transition pour les nouveaux venus. Pour les applications qui n’existent que sous Windows, Wine ou Proton permettent d’en faire tourner une bonne partie sans avoir à se battre avec la ligne de commande.
Autre avantage, ces systèmes sont souvent bien plus légers. Là où Windows a tendance à s’alourdir avec le temps, les distributions Linux tournent sans peine sur du matériel ancien, souvent avec plus de réactivité. Et surtout, pas de bloatwares préinstallés, pas d’applications promotionnelles ni de services de télémétrie qui moulinent en arrière-plan.
D’autres projets, comme KDE Linux, encore en phase alpha, explorent des approches plus expérimentales. Conçu autour de l’environnement Plasma, il repose sur une architecture « immuable » (en lecture seule) qui renforce la stabilité et limite les risques de mises à jour catastrophes. Pas encore prêt pour le grand public, certes, mais révélateur de la direction prise, à savoir celle de distributions plus sûres, plus simples et pensées pour durer.
En France, l’association April tente d’ailleurs de rendre cette transition plus accessible. Sa campagne Adieu Windows, bonjour le Libre ! propose des ateliers et un réseau d’entraide pour accompagner celles et ceux qui souhaitent franchir le pas sans le faire seuls.
Et si vous hésitez encore, rien ne vous empêche d’essayer. On peut aujourd’hui tester la plupart des distributions à partir d’une clé USB live, c’est-à-dire chargées en mémoire vive, sans modifier le contenu du disque dur ni toucher à vos fichiers. Vous pouvez ainsi découvrir l’interface, vérifier que votre matériel est reconnu et que l’environnement vous parle. Seules contraintes, tout tourne un peu plus lentement et les modifications ne sont pas conservées après redémarrage, sauf si la clé a été créée en mode persistant.
Quelques pistes alternatives pour continuer d’utiliser Windows 10 malgré tout
Pour les irréductibles, ceux et celles qui refusent de céder aux caprices de Microsoft, qui ne veulent ni passer à Windows 11, ni s’aventurer sous Linux, ni confier leurs données au programme ESU, il reste bien sûr la possibilité de continuer à utiliser Windows 10 tel quel. Mais autant être clair, on ne vous le conseille pas. Pas par connivence avec Redmond, mais parce que cela représente un vrai risque cyber.
Les patchs de sécurité ne tomberont plus, et même sans être visé personnellement, votre machine pourrait très bien se retrouver compromise au détour d’une campagne automatisée. On l’a vu avec Windows 7 en 2020, alors que le système avait déjà tiré sa révérence : les attaques opportunistes ont continué de pleuvoir, exploitant des vulnérabilités que Microsoft ne corrigeait plus. Penser que Windows 10 fera exception, c’est se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’à l’épaule.
Alors sachez qu’en désespoir de cause, vous pouvez toujours prolonger un peu la durée de vie de Windows 10 autrement. L’exécuter dans une machine virtuelle, par exemple, permet de l’isoler complètement du reste du système à condition qu’aucun échange ne soit possible entre le PC hôte et la machine invitée (ni guest additions, ni fichiers partagés, ni périphériques connectés en commun), ou d’utiliser un ordinateur spécialement dédié à cet usage. Vous pouvez aussi l’assumer comme un système strictement hors ligne, sans connexion Internet aucune, consacré à la bureautique locale, à la retouche photo ou aux jeux d’époque. Pas très fun, mais pas dangereux non plus.
Avant le 14 octobre, quelques vérifications à ne pas négliger
Il ne reste plus beaucoup de temps avant le 14 octobre, mais vous pouvez encore faire quelques vérifications de dernière minute. Commencez par tester la compatibilité de votre machine avec Windows 11 grâce à l’outil officiel PC Health Check. Si le verdict est positif, sauvegardez vos données et lancez la migration tant que Windows 10 bénéficie encore de correctifs. L’opération est gratuite et vous évitera bien des tracas plus tard.
Si votre PC n’est pas éligible, regardez du côté du programme ESU qui offre un an de mises à jour supplémentaires sans frais. Cela vous laissera le temps de décider si vous poursuivrez ensuite avec une migration manuelle ou un autre système.
Dans tous les cas, pensez à installer les derniers patchs de sécurité de Windows 10 avant la date fatidique, et à mettre à jour vos pilotes pour partir sur une base saine. Vous pouvez aussi lancer un petit nettoyage logiciel, histoire de désinstaller les applications inutiles ou en fin de vie et de limiter les failles potentielles.