La ministre Clara Chappaz et le numéro deux de Microsoft, Brad Smith, ont parlé de souveraineté numérique cette semaine à Paris. Mais un détail, un gobelet Starbucks tenu par le dirigeant apparu en photo, nourrit le débat dans la Tech française.

Et si ce gobelet Starbucks symbolisait à lui seul les tensions autour de la souveraineté numérique ? © Compte X de Clara Chappaz
Et si ce gobelet Starbucks symbolisait à lui seul les tensions autour de la souveraineté numérique ? © Compte X de Clara Chappaz

Le cliché fait sourire, mais il en dit long sur l'état d'esprit du moment. Lundi matin, Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, recevait Brad Smith, vice-président du conseil et président de Microsoft, pour échanger sur la souveraineté numérique, en marge de l'aveu fait par l'entreprise sur l'impossibilité de garantir que les données hébergées en Europe ne soient jamais accessibles aux autorités américaines. Seulement voilà, un détail de la photo officielle entre les deux personnalités fait réagir les acteurs français du secteur, qui y voient plus qu'un symbole.

Un gobelet Starbucks qui trahit le discours de souveraineté numérique

Sur la photo diffusée par la ministre sur ses réseaux sociaux, tout semble bien en place : on discute et on sourit. Clara Chappaz, tasse de café traditionnelle à la main, échange avec décontraction face au numéro deux de Microsoft. Mais c'est justement ce cliché rempli de contrastes qui a fait tiquer Alain Garnier, le CEO de Jamespot, entreprise française spécialisée dans les réseaux sociaux d'entreprise.

« Regardez bien ce que boit Brad Smith de Microsoft, oui, zoomez... Il ne boit pas le café comme la ministre, mais un Starbucks » s'étonne le dirigeant français sur LinkedIn. Pour lui, ce détail n'a rien d'anodin : « Je trouve que cette image veut dire tellement de choses », ajoute-t-il.

Et si ce gobelet Starbucks symbolisait à lui seul les tensions autour de la souveraineté numérique ? © Compte X de Clara Chappaz
Et si ce gobelet Starbucks symbolisait à lui seul les tensions autour de la souveraineté numérique ? © Compte X de Clara Chappaz

Le symbole devient grinçant. Car pendant que la ministre savoure son café hexagonal, le vice-président de Microsoft reste fidèle à ses habitudes américaines. « Comme pour le café... ils n'en veulent pas du café de France. Il faut qu'il soit Américain », poursuit Alain Garnier, d'une ironie mordante. Tout cela était-il calculé de la part de Brad Smith ? Voulait-il faire passer un message de la toute-puissance américaine face au désir de souveraineté de Paris ?

« Les Américains (…) viennent avec leurs logiciels et ne nous laisseront rien »

La rencontre entre Clara Chappaz et Brad Smith était liée à l'initiative Choose France, défendue par Emmanuel Macron depuis 2017 pour pousser les géants de la Tech à investir dans l'Hexagone. Microsoft, présent dans le pays depuis 42 ans maintenant, a d'ailleurs multiplié les annonces. On peut évoquer le lancement de l'offre cloud Bleu, portée par Orange et Capgemini avec distribution des services Microsoft, de nouveaux data centers et un soutien à l'écosystème local. Sur le papier, tout semble cohérent.

« On accueille les Américains pour des data centers, mais ils viennent avec leurs logiciels et ils ne nous laisseront rien », constate Alain Garnier, qui fait toujours le parallèle avec ce fameux gobelet Starbucks. « Quand j'ai vu le post avec le patron de Microsoft de bon matin au café pour faire la promotion de "Bleu" et donc notre concurrent à tous les outils collaboratifs français », poursuit donc Alain Garnier, « j'ai un peu tiqué ».

L'entrepreneur pointe du doigt le fait qu'on puisse prôner la souveraineté numérique, tout en faisant la promotion d'une offre qui concurrence directement l'écosystème tech français. Clara Chappaz justifie pourtant cette approche en évoquant une voie « exigeante », qui consiste à « soutenir nos entreprises françaises et construire des partenariats technologiques avec les acteurs internationaux ».

Pour le président de Jamespot, cette phrase illustre une certaine incohérence gouvernementale : « Le "en même temps" veut dire aujourd'hui qu'on donne 80% à Microsoft, 10% pour Google, et le reste pour la souveraineté numérique et les acteurs de la filière... donc pas grand-chose. » Voilà une critique acerbe, qui résume l'agacement d'une partie de l'écosystème tech hexagonal. Pour un café décidément amer.