[Article publié le 21 juillet 2025 à 09h51, modifié le 25 juillet 2025 à 09h13]

C'est un véritable tremblement de terre. Auditionné par le Sénat, Anton Carniaux, directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft France, a admis que les données des Français hébergées en Europe pouvaient tomber dans les mains du gouvernement américain.

Microsoft a fait des révélations choc. ©tete_escape / Shutterstock
Microsoft a fait des révélations choc. ©tete_escape / Shutterstock
L'info en 3 points
  • Anton Carniaux de Microsoft France admet que les données françaises peuvent être accessibles au gouvernement américain.
  • Le Cloud Act américain oblige les entreprises à fournir des données, même si elles sont hébergées à l'étranger.
  • Malgré les promesses de souveraineté, les géants du cloud comme Microsoft restent soumis à la législation américaine.

En avril 2025, lors d’un discours à l’Atlantic Council à Bruxelles, Brad Smith, président de Microsoft, rassurait les Européens face aux inquiétudes croissantes autour de la souveraineté numérique. Il affirmait alors que son entreprise était pleinement engagée à protéger la confidentialité des données européennes et à respecter le droit de l’Union européenne (UE). Il insistait notamment sur l’importance de garantir aux partenaires européens un accès permanent à leurs données, même en période de tensions géopolitiques… Était-ce un écran de fumée ?

Microsoft est soumise à la loi américaine

Entendus au Sénat dans le cadre d’une commission d’enquête au mois de juin, les dirigeants de Microsoft France ont tenté de rassurer sur la souveraineté des données hébergées dans le cloud, en particulier celles des administrations publiques. Mais une révélation a mis à mal les promesses du géant des logiciels.

Sous serment, Anton Carniaux a reconnu qu’il ne pouvait « garantir » que des données publiques françaises ne seraient jamais transmises au gouvernement américain. « Mais cela ne s’est jamais produit », a-t-il précisé. En cause, le Cloud Act, une loi fédérale américaine adoptée en 2018, obligeant les entreprises américaines à fournir aux autorités judiciaires des données, y compris si elles sont hébergées à l’étranger.

La firme explique s’appuyer sur un processus interne de filtrage des demandes gouvernementales, où Microsoft affirme rejeter les requêtes « infondées », négocier avec les autorités américaines, et notifier les clients concernés en cas de transmission. Mais cette promesse repose entièrement sur la bonne foi de l’entreprise, les rapports publiés étant auto-déclaratifs et non soumis à un contrôle extérieur.

Concrètement, cela signifie que, malgré la localisation des données en France ou en Europe et les engagements contractuels de Microsoft, une autorité américaine peut légalement exiger l’accès à ces données si la demande respecte le cadre du Cloud Act. Dans ce cas, Microsoft est tenue d’obéir, potentiellement sans en avertir immédiatement les autorités françaises ni les utilisateurs concernés.

Des drapeaux européens devant la Commission européenne. ©Christophe Licoppe / Shutterstock
Des drapeaux européens devant la Commission européenne. ©Christophe Licoppe / Shutterstock

Les autres géants du cloud américains sont concernés

Ces propos fragilisent la promesse du tant attendu cloud souverain. Malgré tout, le projet Bleu, une bulle souveraine opérée et détenue par Orange et Capgemini, fait figure d'espoir : si Microsoft fournit effectivement sa pile technologique, le cloud tricolore n'est pas soumis au Cloud Act.

Malgré tout, les déclarations d'Anton Carniaux soulève d'autres questions, la législation américaine s'appliquant à l'ensemble des entreprises locales : Amazon Web Services (AWS) et Google Cloud, les deux autres géants du cloud.

Il existe, malgré tout, plusieurs alternatives européennes pour l'hébergement des données, mais elles peinent encore à rivaliser avec l’échelle, les performances et l’écosystème intégré des mastodontes américains. Mais il faudra probablement prendre l'exemple sur le Danemark ; le pays scandinave a récemment annoncé l'intégration de technologies open source dans ses services publics afin de remplacer Microsoft.

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Source : Sénat