Saisir un objet du bout des doigts pourrait-il suffire à révéler un profil autistique ? C’est l’hypothèse explorée par une étude récente, qui s’appuie sur l’intelligence artificielle pour détecter des variations infimes dans la motricité manuelle.

 Les altérations de la motricité fines sont un indicateur très révélateur des singularités neurodéveloppementales associées à l'autisme. © Oporty786 / Shutterstock
Les altérations de la motricité fines sont un indicateur très révélateur des singularités neurodéveloppementales associées à l'autisme. © Oporty786 / Shutterstock

Depuis plusieurs décennies, le diagnostic de l’autisme repose en très grande partie sur l’analyse des comportements sociaux, des capacités langagières ou des interactions avec autrui. C’est dans ces dimensions visibles que les pionniers de la recherche sur l'autisme (comme Leo Kanner ou Hans Asperger) se sont investis, ce qui a naturellement orienté les études et les outils diagnostiques pendant de nombreuses années.

Pourtant, d’autres indicateurs, plus discrets, gagnent aujourd'hui l'attention des neuroscientifiques. Parmi eux : les particularités motrices, et notamment la coordination fine des gestes. Fréquemment observées chez les personnes concernées par ce trouble, elles sont encore trop rarement utilisées comme outil clinique.

Une équipe de chercheurs issus du Département de Psychologie de la York University (Toronto, Canada) et de l'Université de Tel-Aviv (Tel Aviv-Jaffa, Israël) propose aujourd’hui de les prendre plus au sérieux. Comment ? En mesurant ce que montre un simple mouvement de la main, analysé avec l’aide d’une intelligence artificielle. Une technologie déjà fort utile dans d'autres domaines connexes comme la détection précoce de la démence ou le traitement de l'AVC. Leur papier a été publié le 17 avril dans la revue Autism Research.

Une intelligence artificielle à l’écoute du geste

Pour mener à bien leur étude, les chercheurs ont mis au point ce protocole : 59 jeunes adultes, dont 30 diagnostiqués autistes, ont été équipés de deux capteurs de mouvement (l'un sur le pouce, l’autre sur l’index). Chaque participant devait effectuer une série de gestes simples : saisir, avec ces deux doigts seulement, plusieurs objets rectangulaires placés à distance variable.

À partir de ces gestes, les chercheurs ont extrait treize paramètres cinématiques : vitesse du doigt, accélération, trajectoire de la main, moment exact du contact, ou encore décalage temporel entre les doigts. L’ensemble de ces données a ensuite été traité par cinq algorithmes de classification (des modèles supervisés, entraînés à distinguer les profils autistiques des profils non-autistiques).

Aucun entretien clinique ou observation comportementale ici, seule comptait la dynamique du mouvement et ce qu'elle disait du fonctionnement neurodéveloppemental des participants.

 Il est fréquent d'observer des problèmes de motricité chez de très jeunes enfants avec un trouble du spectre de l'autisme (TSA), y compris dès l'âge de deux ou trois ans. © Kittyfly / Shutterstock
Il est fréquent d'observer des problèmes de motricité chez de très jeunes enfants avec un trouble du spectre de l'autisme (TSA), y compris dès l'âge de deux ou trois ans. © Kittyfly / Shutterstock

Un taux de réussite très élevé

Les performances obtenues sont extrêmement solides : le modèle le plus efficace a atteint 89 % de précision dans la distinction entre participants autistes et non-autistes, tandis que les quatre autres restent au-dessus de 84 %. Des résultats impressionnants au vu de la nature des données.

« La présente étude apporte des preuves solides que les mouvements de préhension (saisie) ont une forte valeur diagnostique pour l'autisme, et que les techniques d'apprentissage automatique (ML) peuvent être utilisées pour renforcer la fiabilité d'un tel diagnostic. En se concentrant sur des tâches naturelles et en nécessitant peu de données, notre approche offre une voie prometteuse pour le développement d'outils de diagnostic de l'autisme objectifs, accessibles, simples et fiables, basés sur les caractéristiques du contrôle moteur », expliquent-ils dans leur publication.

Toutefois, les chercheurs n'ont absolument pas pour objectif de remplacer les méthodes cliniques existantes, mais de proposer un complément possible, non invasif et peu coûteux.

Ils préviennent tout de même des limites méthodologiques inhérentes à leur étude : un échantillon restreint, des adultes avec un QI dans la moyenne et des tests qui se sont déroulés dans un environnement contrôlé. Avant toute application concrète, il faudra donc tester cette approche auprès d’enfants – priorité évidente pour le dépistage précoce – dans des contextes cliniques réels et plus hétérogènes.

Source : BGR