Les recruteurs misent de plus en plus sur l’intelligence artificielle pour filtrer les candidatures. Oubliez la poignée de main d’usage ou le contact visuel : certains entretiens se déroulent désormais face à un écran, sans aucune intervention humaine.

©Andrey_Popov / Shutterstock
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L'info en 3 points
  • Les entreprises adoptent l'IA pour filtrer les candidatures, remplaçant les entretiens classiques par des interactions robotisées.
  • L'utilisation d'IA dans les recrutements peut entraîner des entretiens rigides, nécessitant une préparation consciencieuse des candidats.
  • Les candidats doivent soigner apparence, voix, et vocabulaire, car l'IA évalue minutieusement chaque détail lors de l'entretien.

Si vous trouviez génial ou effrayant qu'un chatbot rédige votre CV à votre place, alors vous allez adorer ou détester d'apprendre que désormais, l’IA les analyse, les trie, et peut désormais poser des questions à votre place. De grandes entreprises adoptent ces outils pour gagner du temps dans la première phase de recrutement. Résultat : de nombreux candidats se retrouvent à dialoguer avec un chatbot souvent sans le savoir. Si la tendance reste en phase de test dans plusieurs secteurs, elle s’installe peu à peu, notamment pour les postes à temps partiel ou les contrats courts.

Cette automatisation n’est pas sans effets secondaires. Certaines IA déraillent en plein entretien, d’autres appliquent des critères rigides, parfois opaques. Mais même dans ce contexte, les conseils d’un expert sont clairs : préparer l’échange comme un vrai rendez-vous, car ce robot-là ne plaisante pas avec les apparences.

L’intelligence artificielle s’invite dans les premiers échanges sans prévenir

A priori, rien ne présageait que l'entretien d'embauche que s'apprêtait à passer Ken commence par une boucle étrange de « pilates à barre verticale ». Pourtant, c’est exactement ce qu’a répété « Alex », l’agent conversationnel chargé de la recevoir. Elle avait postulé pour un emploi dans un studio de fitness à Columbus, dans l’Ohio. Elle s’est retrouvée seule, face à une IA en boucle. La scène a attiré près de trois millions de vues, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous, que la jeune femme a publiée sur son compte TikTok.

Même si cet exemple a de quoi faire sourire, il illustre un usage de plus en plus courant. Selon Emily DeJeu, professeure à l’université Carnegie Mellon, ces outils séduisent pour leur efficacité. Un recruteur peut déléguer à une IA le soin de poser des questions standards, d’évaluer les réponses en temps réel, et de noter l’ensemble sans pause-café. « C’est une réponse au besoin de rapidité et de simplification », observe-t-elle.

Ces systèmes repèrent des mots-clés, analysent l’intonation, mesurent le temps de réponse. Ils n’oublient rien, ne se lassent pas, et appliquent les mêmes critères à tous les candidats. Le revers, c’est qu’ils manquent de souplesse. Une hésitation, une digression ou une phrase mal structurée peut faire tomber la note finale. Et pour les jeunes postulants, souvent en début de parcours, cela crée un filtre supplémentaire. Certains ne réalisent même pas qu’ils ne parlent à personne.

Préparer sa voix, sa tenue et ses mots comme pour une présentation en public

Selon Emily DeJeu, il ne faut pas sous-estimer l’entretien vidéo, même s’il n’y a personne de l’autre côté. « C’est le même type de préparation que je vous recommanderais avant de prendre la parole en public », insiste-t-elle. Son conseil tient en trois points simples, qu’elle appelle les « trois V ».

Le premier concerne l’apparence, qu'elle appelle Visuals. L’IA analyse votre posture, votre tenue, vos gestes. Le moindre détail visuel entre dans l’équation. Un fond d’écran encombré, un regard fuyant ou un sourire absent peuvent jouer en votre défaveur. Mieux vaut prévoir un cadre neutre, une tenue professionnelle et des expressions engageantes.

Le deuxième point touche à la voix, soit Vocals. L’IA note le débit, les silences, la régularité. Il faut donc s’entraîner à parler sans se perdre, sans digression. Réduire les mots parasites, poser la voix, ponctuer clairement ses réponses. L’enregistrement doit donner l’impression d’un discours clair, direct, sans incertitude.

Enfin, le dernier « V » renvoie au vocabulaire, ou Verbals. L’outil repère les termes attendus dans l’offre d’emploi. L'experte recommande de les utiliser plusieurs fois, de manière naturelle, sans réciter une fiche. « Un recruteur humain ne comptera pas combien de fois vous dites "leadership collaboratif", mais une IA si », explique-t-elle.

Cette préparation s’impose surtout dans les postes d’entrée de gamme, où les candidats sont nombreux. Les recruteurs y voient un moyen de pré-sélection rapide. Les jeunes diplômés, en particulier, sont les premiers concernés. « Ils vivent un moment instable, parfois désorientant », souligne Emily DeJeu. Ce contexte ajoute une pression supplémentaire, d’autant plus que la technologie reste perfectible.

La suite du processus reste souvent humaine. Mais pour arriver jusque-là, et même si on a peur qu'à terme, les robots ne nous volent notre travail, il faut réussir cette première étape numérique. D’où l’importance de se préparer sérieusement, même quand l’interlocuteur s’appelle « Alex » et n’a pas grand-chose d’humain.

Source : Business Insider (accès payant)