Les portes dérobées dans le chiffrement sont "incompatibles avec une société démocratique", juge la Cour européenne des droits de l’homme

15 février 2024 à 07h44
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Le chiffrement assure le droit à la vie privée selon la CEDH © eamesBot / Shutterstock
Le chiffrement assure le droit à la vie privée selon la CEDH © eamesBot / Shutterstock

C’est une victoire importante pour les défenseurs et défenseuses de la vie privée. Dans un jugement rendu le 13 février 2024, la Cour européenne des droits de l’homme a réaffirmé l’importance du chiffrement.

Voilà qui devrait quelque peu froisser le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Dans une affaire qui opposait la messagerie Telegram au service de renseignement russe, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a affirmé que les portes dérobées dans les applications chiffrées menacent « les droits tels que la liberté d’opinion, d’expression et d’association ». De quoi renforcer la position de celles et ceux qui défendent le droit au chiffrement et à la protection des données.

Le chiffrement assure les droits fondamentaux

L’affaire est née en 2017 lorsque les services de renseignement russes ont exigé de Telegram qu’elle offre l’accès à certaines conversations hébergées sur son service, sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Incapable de donner la clé de chiffrement de certains comptes sans affaiblir la sécurité générale de tous ses utilisateurs, l’entreprise a donc lancé de multiples recours en justice avant d’arriver devant la juridiction internationale du conseil de l’Europe.

Pour la CEDH, l’affaire est donc simple. Puisqu’il est techniquement impossible de construire des portes dérobées qui ne serait accessibles qu’aux autorités nationales, comme l’explique les spécialistes du chiffrement depuis des années (et comme l’a même avoué Tim Cook en 2016), il est hors de question de saper le droit à la vie privée de tous sous prétexte de lutte contre le terrorisme. D’après la CEDH, la « confidentialité des communications est un élément essentiel dans le droit au respect de correspondance et de la vie privée ». Exiger des mesures affaiblissant le chiffrement « ne saurait être considéré comme compatible avec une société démocratique », a jugé la cour.

La lutte contre le terrorisme, argument bancal

Pour autant, la juridiction européenne ne balaie pas complètement les préoccupations des services de renseignement face à la montée des actes terroristes. D’après la CEDH, il existe d’autres moyens d’obtenir les informations nécessaires au bon déroulement des opérations de police. Plutôt que de saboter le chiffrement, la cour plaide pour un renforcement des outils « traditionnels » des renseignements tels que les opérations sous couverture, l’analyse des métadonnées et une meilleure coopération des services de renseignement à l’international.

« La bonne nouvelle c’est que, pour être utiles aux criminels, les informations doivent être déchiffrées à un moment ou à un autre », indique la Cour européenne des droits de l’homme. De quoi créer des « opportunités » pour intercepter le contenu des messages. Surtout que, d’après des études menées aux États-Unis, « la surveillance de masse n’a pas aidé de manière significative la lutte contre le terrorisme », note la CEDH. Avis à celles et ceux qui continuent d'opposer vie privée et sécurité.

Telegram
  • Fonctions sociales
  • Nombreuses options de personnalisation
  • Les appels vidéo à 30 intervenants

Telegram fait bonne figure au rang des applications de messagerie instantanée. Sa disponibilité sur un grand nombre de plateformes, le chiffrement des données échangées ainsi que ses fonctionnalités de discussion de groupe font d'elle une application qui se démarque des autres.

Telegram fait bonne figure au rang des applications de messagerie instantanée. Sa disponibilité sur un grand nombre de plateformes, le chiffrement des données échangées ainsi que ses fonctionnalités de discussion de groupe font d'elle une application qui se démarque des autres.

Corentin Béchade

Journaliste depuis quasiment 10 ans, j’ai écumé le secteur de la tech et du numérique depuis mes tout premiers chapôs. Bidouilleur (beaucoup), libriste (un peu), j’ai développé une spécialisation sur...

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Journaliste depuis quasiment 10 ans, j’ai écumé le secteur de la tech et du numérique depuis mes tout premiers chapôs. Bidouilleur (beaucoup), libriste (un peu), j’ai développé une spécialisation sur les thèmes de l’écologie et du numérique ainsi que sur la protection de la vie privée. Le week-end je torture des Raspberry Pi à grands coups de commandes 'sudo' pour me détendre.

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Commentaires (6)

LeChien
Voilà un jugement assez rafraîchissant. Ça change de la soupe aux inepties concoctée par certaines autorités.
arnaques_tutoriels_aide_informatique_tests
Question délicate. Des enqueteurs doivent pouvoir avoir accès aux donnés des appareils des voyous
Papounet17
Vu ce qu’est en train de devenir la France de jour en jour, je suppose que la Cour européenne des droits de l’homme ne parlait pas pour elle ?
kroman
L’avis de la CDEH ne serait pas que consultatif ?<br /> Les produits et pratiques employés par l’état Français contre les civils lors des manifestations sont aussi contraires aux textes de la CDEH…
adnstep
Les pays soutien des terroristes et autres trafiquants ont bien arrosé les juges de la CEDH, dont plusieurs ont déjà été épinglés. Notamment pour leur proximité ou leur appartenance a certains groupes de pression.
adnstep
Au moins 22 des 100 juges permanents de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont siégé entre 2009 et 2019 sont d’anciens fondateurs, collaborateurs ou dirigeants de sept ONG actives devant cette même Cour, comme requérantes, représentantes ou tiers intervenantes. 12 de ces juges sont étroitement liés à l’Open Society de George Soros, six en furent même des responsables nationaux et internationaux. L’Open Society finance en outre les 6 autres organisations identifiées dont des juges ont fait partie.<br /> La présence massive de juges issus d’un même réseau d’ONG témoigne de l’emprise de grandes fondations et ONG privées sur le système européen de protection des droits de l’homme et met en cause son impartialité.<br /> À 88 reprises entre 2009 et 2019, 18 des 22 juges issus d’ONG ont siégé dans une affaire impliquant « leur » propre ONG, ce qui constitue un conflit d’intérêts manifeste. Durant cette même période, les sept ONG ont été officiellement impliquées dans au moins 185 affaires devant le CEDH.<br /> Cette situation met donc en cause non seulement l’indépendance de la Cour, mais aussi l’impartialité de ses juges ; elle est contraire aux règles que la CEDH impose elle-même aux États en la matière.
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