Camille Pinet pour Clubic
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Eclipsées par les SUV, les limousines restent pourtant un archétype incontournable de l’automobile de luxe. Seule marque française haut de gamme, DS en offre son interprétation avec la DS9, future star des ministères. En dépit de sa gestation difficile, cette limousine produite en Chine révèle certaines qualités inattendues.

Qu’est-ce que le luxe automobile ? Depuis les débuts de la machine à rouler, les interprétations divergentes ont justifié l’apparition de marques spécialisées, chacune cultivant sa spécificité. Néanmoins, la plupart se retrouvaient sur l’utilisation de moteurs multicylindres puissants, d’équipements luxueux et de matériaux nobles pour construire leurs modèles. Avec l'arrivée dans l’univers automobile des nouvelles technologies et des impératifs de dépollution, cette conception traditionnelle a pris du plomb dans l’aile, comme en témoigne la dernière Mercedes Classe S, qui met d’abord en avant ses gadgets électroniques. S’y ajoute la désaffection pour les carrosseries historiques : les grandes limousines, les coupés et les cabriolets ne font plus rêver, le luxe étant désormais monopolisé (comme le reste du monde automobile) par les SUV.

Camille Pinet pour Clubic
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DS et le luxe, une rencontre pas si évidente

Ce contexte rend encore plus difficile, pour une marque encore récente comme DS, de se faire une place au soleil parmi les spécialistes du sujet, pour la plupart allemands. Pour ne rien arranger, elle paye encore les pots cassés de son passage à vide du milieu des années 2010, lorsque PSA, son propriétaire, était au plus mal. Ainsi, la toute nouvelle DS9, conçue en même temps que le SUV DS7 avec lequel elle partage beaucoup, est lancée seulement en 2021 alors qu’elle aurait dû apparaître en 2018 après un changement de partenaire industriel en Chine.

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Une temporalité d’autant plus gênante qu’entre temps, la réputation de ce pays, où elle est exclusivement produite, a souffert en raison notamment de la crise sanitaire. Difficile désormais de défendre un tel choix industriel alors que la relocalisation industrielle est dans tous les esprits. Si l’on y ajoute une unique silhouette de limousine alors que ce marché amateur de breaks est en perte de vitesse, cette concurrente de l’Audi A6, BMW Série 5 et autres Mercedes Classe E est loin de se faciliter la tâche. Reste que cette auto aux lignes très classiques, malgré quelques hommages discrets à la DS originelle, arrive enfin en France, et il faut la juger sur pièce.

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Retour à la tradition

Ecrivons-le tout net : le fondu de technologies risque bien d’être déçu en s’installant à bord de la DS9. Elle apparaît en effet dépassée dès son lancement, dans ce domaine où les trois ans de retard pris durant son développement pardonnent moins que jamais. Certes, elle est dotée d’une instrumentation numérique moderne, configurable à volonté et dotée d’un graphisme original qui n’imite en rien celui des concurrents. On peut y afficher la carte GPS aussi bien que la gestion du mode hybride.

Malheureusement, c’est bien là le seul domaine dans lequel elle est véritablement à jour. Le système multimédia commun avec le DS7 manque de fonctionnalités : même en option il n’est pas possible d’envisager, comme sur les concurrentes, une cartographie Google Maps ou un accès direct à un service de streaming musical. Le graphisme de la navigation apparaît franchement vieillot, tandis que la définition de l’image renvoyée par la caméra 360° renvoie à l’âge de pierre de ce type d’équipement. Une lacune d’autant plus dommageable que ce système est devenu indispensable pour manœuvrer une auto de près de cinq mètres de long. Ce retard technique est d’autant plus gênant que la toute nouvelle DS4, appartenant à un segment très inférieur, s’avère nettement plus avancée en proposant entre autres un système multimédia modernisé et un affichage tête haute élargi.

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Largement dépassée en matière d’équipements, que peut donc proposer la DS9 face à ses rivales ? Eh bien justement, un retour inattendu à la tradition, en jouant sur les matériaux et l’espace à bord. Difficile en effet de reprocher à la DS sa finition, alors que la plupart des constructeurs allemands recourent désormais au plastique laqué noir pour décorer leur habitacle. Rien de tel dans la française, qui préfère le cuir véritable ou l’Alcantara pour recouvrir le haut de planche de bord et les contreportes. L’usage de matériaux nobles se retrouve au niveau des boutons parés de Crystal en dessous de l’écran multimédia et de la touche de démarrage en aluminium. On aime ou on déteste les choix esthétiques de DS, mais ils ont à la fois le mérite de l’originalité et de la qualité de réalisation.

A l’arrière, la DS9 révèle une autre qualité majeure : son habitabilité de limousine. En matière d’espace aux jambes, elle surpasse sans peine ses rivales allemandes. Elle soigne ses occupants jusqu’à proposer en option sur la dotation haute Opéra un pack Lounge offrant à la fois un système de massage à l’arrière et un bouton permettant d’avancer le siège passager avant depuis l’arrière pour libérer encore plus d’espace. Le type de luxe habituellement réservé aux modèles de super luxe.

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Au volant de la DS9 : des qualités routières de premier plan

Nous avons réalisé l’essentiel de notre essai dans une DS9 E-Tense hybride rechargeable 225. Cette motorisation de lancement est appelée à être remplacée à la fin de l’année par une version 250 ch dotée d’une batterie plus performante. Quoiqu’il en soit, il s’agit sans aucun de la motorisation la plus adaptée au marché français en l’absence de diesel. Elle reprend naturellement les caractéristiques du DS7 hybride même si la batterie est d’origine chinoise et non plus coréenne. Pour le reste il s’agit toujours du même moteur 1.6 de 180 ch accouplé à la transmission EAT8 dans laquelle se trouve le moteur électrique.

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Même s’il s’agit du même groupe motopropulseur que le Peugeot 3008 et le Citroën C5 Aircross hybride, sa mise au point a été singulièrement améliorée depuis le lancement de ces derniers. La synchronisation entre le moteur thermique, la transmission et la machine électrique ne génère plus d’à coup ni d’hésitation et le couple du moteur électrique se prête parfaitement à une conduite coulée mais dynamique. Le silence de fonctionnement est remarquable tant que l’on conserve un pied léger : en cas d’appel de puissance, le petit quatre cylindre rappelle sa vraie nature et trouble l’atmosphère ouatée.

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Sans être particulièrement exceptionnelle, la DS9 225 offre des performances que l’on peut qualifier de suffisantes. Néanmoins, le petit supplément attendu de la version 250 ch ne sera sans doute pas de trop. Malgré ses mérites, ce n’est pas tant la motorisation qui fait sortir du lot la DS9 mais la qualité de sa mise au point châssis, qui apparaît sans doute comme ce qui se fait de mieux au sein du groupe PSA, qui détient pourtant déjà quelques solides références en la matière. Dotée de la suspension pilotée par caméra qui fonctionne uniquement en mode confort, elle offre un confort de suspension de très haut niveau, allié à une précision de conduite remarquable.

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Malgré son gabarit et sa masse élevée, elle est parfaitement à l’aise sur petite route, bien plus que les SUV en général et le DS7 en particulier. La preuve une fois de plus que les voitures basses ont bien des arguments en leur faveur. Lorsque l’on active le mode confort, la DS9 se montre un peu plus relâchée sur les irrégularités et devient maîtresse dans l’art d’absorber les ralentisseurs. Elle perd certes un peu en dynamisme sans pour autant faire craindre pour la tenue de l’estomac. En revanche, les aides à la conduite se révèlent étonnamment intrusives pour un une auto conçue par PSA, habituellement conservateur en la matière. L’alerte de fatigue se révèle ainsi particulièrement sensible tandis que le système de conduite semi-autonome rappelle trop souvent le conducteur à l’ordre en ligne droite, même lorsqu’il laisse ses mains sur le volant. Des capteurs placés sur ce dernier, comme cela se fait notamment dans le groupe Volkswagen auraient été bienvenus.

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30 km en DS9 E-Tense 360 ch.

La DS9 sera également proposée d’ici la fin de l’année dans une version de 360 ch à deux moteurs électriques, proche dans son fonctionnement de la Peugeot 508 PSE. Une puissance obtenue grâce au moteur thermique de 225 ch et surtout à une électronique de puissance revue, qui permet d’exploiter au maximum la batterie. Cette version est également dotée de voies élargies et de pneumatiques plus larges, de réglages de suspensions revus et bien entendu de la transmission intégrale.

Si la poussée attendue est au rendez-vous, nous n’avons pas été entièrement convaincu par le prototype d’essai que nous avons essayé, il est vrai sur une distance très courte. Même si le confort reste de bonne qualité, il n’est pas aussi souverain que sur la 225, et le sacrifice consenti n’est pas à notre sens récompensé par un plaisir de conduite accru, la faute notamment aux vocalises du petit quatre cylindres, dont la sonorité est plus à propos dans une GTI que dans une telle limousine. Attendons néanmoins d’essayer plus longuement une version de série avant d’arrêter une opinion définitive.

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Autonomie, consommation et recharge de la DS9 E-Tense 225

Les voitures basses n’ont pas seulement pour elles l’avantage d’un centre de gravité plus bas. Elles peuvent également faire valoir leur aérodynamique plus fine. La DS9 profite également d’une masse relativement contenue, en affichant des valeurs très proches des modèles diesel concurrents. Des facteurs de performance favorables : en mode 100 % électrique, qui est utilisable sans jamais déclencher le quatre cylindres y compris sur autoroute, nous avons pu parcourir 42 km sur un parcours routier et citadin plutôt favorable. C’est un score très proche de ce que nous avions obtenu avec les autres modèles du groupe équipés de cette motorisation.

La consommation réelle une fois la batterie déchargée est apparue assez raisonnable. Il est en effet possible d’atteindre 7,5 litres aux 100 km sans déployer des trésors d’éco-conduite, ce qui n’est pas si éloigné de ce qu’une limousine diesel équivalente demande. Nous n’avons pas pu tester la recharge dans notre court essai, mais la DS9 se situe exactement dans la moyenne de sa catégorie en la matière avec son chargeur de 7,4 kW, capable de recharger au mieux la batterie de 0 à 100 % en 1h45.

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Acheter la DS9 E-Tense 225

La DS9 s’affiche officiellement comme la voiture française la plus luxueuse et donc logiquement la plus chère (hormis Alpine), avec des tarifs démarrant à 55 000 € pour notre version E-Tense 225. C’est beaucoup pour une marque hexagonale mais peu dans le segment, puisque c’est par exemple le tarif d’accès à la gamme essence de l’Audi A6, nettement moins bien équipée et non hybride. La DS9 ne s’oppose d’ailleurs directement à aucune rivale allemande à ce niveau de puissance, toutes revendiquant plus de 300 ch. C’est toute la raison d’être de la version 360 ch capable sur le papier de lutter d’égal à égal.

La française propose une gamme réduite à deux finitions et très peu d’options, ce qui traduit à la fois la richesse de sa dotation de série mais aussi le peu d’équipements qu’elle offre par rapport à ses rivales, qui rivalisent justement de possibilités de personnalisation. Indépendamment de la technologie, les amateurs d’intérieur clairs ou d’inserts décoratifs sont ainsi ignorés, la DS9 ne proposant que des selleries noires ou rouges. Impossible non plus de ne pas évoquer la valeur résiduelle, critique sur ce genre de modèle acheté en priorité par les sociétés, et qui n’a aucune chance d’atteindre le niveau des références.

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Bilan DS9 E-Tense 225

Difficile de prédire un grand avenir commercial en Europe à la DS9, qui débarque sans carrosserie break sur un segment de marché dont la baisse continue ne résiste que grâce à eux. Si l’on y ajoute son retard technologique et la difficulté historique des marques françaises à convaincre face à des limousines allemandes qui ont raflé la mise depuis longtemps, la tentation du ricanement n’est pas loin. Cependant, la DS9 surprend par ses talents de gardienne du temple, en défendant des valeurs traditionnelles que les spécialistes du genre ont parfois oubliées. Par son confort exceptionnel, sa remarquable tenue de route et sa finition d’excellent niveau, elle arrive à se distinguer dans sa catégorie et c’est déjà plus que ce que l’on attendait d’elle.

Camille Pinet pour Clubic

Fiche technique DS9 E-Tense 225

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Prix et équipement

DS9 E-Tense 225 Rivoli + : 57 900 €
Bonus écologique : 0 € (véhicule de plus de 50 000 €)

Equipement de série

  • Caméra de recul
  • Entrée et démarrage sans clé
  • Instrumentation numérique
  • Jantes Alliage (19 pouces)
  • Navigation
  • Phares à LEDS
  • Régulateur adaptatif
  • Sellerie cuir
  • Sièges électriques
  • Suspension pilotée par caméra

Equipement en option

  • Peinture métallisée : 1 200 €
  • Pack siège arrière haut de gamme : 2 000 €
  • Système audio Focal : 1 200 €
  • Toit ouvrant électrique : 1 300 €
  • Vision de nuit : 1 250 €