Science et fiction : la potion magique d'Astérix, une vraie drogue de combat ?

21 septembre 2016 à 14h02
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Dans le fin fond de l'Armorique, un petit village gaulois résiste à l'envahisseur romain... en grande partie grâce à la potion magique du druide Panoramix, qui offre à Astérix et ses voisins une force surhumaine ! Est-ce que cette potion pourrait exister dans la réalité ?

Notre série Science et fiction s'intéresse aux prouesses technologiques aperçues dans le cinéma, à la télévision ou dans la littérature, et se questionne sur le positionnement, possible ou non, dans la réalité.

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La potion magique de Panoramix est censée être transmise de druide en druide, et donc tenue secrète. Pourtant, à travers les différents tomes d'Astérix, on découvre des ingrédients dont certains sont étonnants : homard, carottes, céleri, gui, trèfles à quatre feuille, jus de betteraves... Autant de produits qui contribueraient à donner à la potion magique du druide des pouvoirs décuplant la force humaine.

Évidemment, Astérix n'est rien d'autre qu'une bande dessinée qui revisite les rivalités entre les Gaulois et les Romains après la chute de Vercingétorix. Malgré tout, cette potion magique tient bel et bien de la science-fiction : on peut s'interroger sur ce qui a conduit Uderzo et Goscinny à l'imaginer, et surtout, si elle pourrait réellement exister en réalité... si ce n'est pas déjà le cas.

Une invention qui ne devait pas durer

« La potion magique, qui donne une force surhumaine aux Gaulois irréductibles, ne devait figurer que dans le premier épisode. Mais elle a connu un tel succès que nous l'avons gardée » explique René Goscinny dans l'ouvrage René Goscinny raconte les secrets d'Astérix. « La potion magique est une chose que j'utilise pour montrer que nos guerres à nous ne sont pas des guerres sérieuses, puisqu'il suffit de boire un petit coup pour que tout s'arrange. »

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Si, pour le scénariste historique d'Astérix, la potion magique est un moyen de dédramatiser la guerre, on peut s'interroger sur les liens qu'elle entretient avec des drogues dont certaines sont justement associées à des conflits et comportements guerriers. Et si la potion magique existait bien... mais sous des formes variées et bien moins divertissantes ? Là est toute la question quand on confronte la réalité à la fiction !

La potion magique, un cocktail de drogues ?

Parmi les effets identifiés dans les différents tomes de la bande dessinée, on trouve notamment une force surhumaine, une vitesse très augmentée, une résistance à la douleur ou encore l'absence, apparente, de fatigue.

Autant d'effets que l'on peut associer à des drogues très diverses. L'augmentation de la force, pour commencer, peut être associée aux stéroïdes anabolisants. Il s'agit d'une classe d'hormones stéroïdiennes, liée à la testostérone naturellement présente dans l'organisme humain. Le corps d'un homme adulte en sécrète en moyenne sept à huit fois plus que celui d'une femme. L'occasion de souligner que dans Astérix, les femmes du village doivent attendre le 19e album de la BD, Le Devin (1972) pour pouvoir boire de la potion magique pour la première fois et coller une raclée mémorable aux Romains.

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Les stéroïdes anabolisants sont connus pour entraîner une augmentation de la masse musculaire, et de la force physique par la même occasion. Ils sont donc prisés de certains sportifs dans cette optique.

Aux stéroïdes pourraient alors s'ajouter des drogues appartenant à la famille des stimulants. Non contentes d'avoir la faculté d'améliorer les réflexes dans certains cas, ces drogues peuvent également diminuer la sensation de fatigue et procurer une sensation de puissance physique, voire d'invincibilité (fausse, évidemment, contrairement aux Gaulois). Parmi les drogues en question, on trouve la cocaïne, les drogues de la famille des amphétamines et des méthamphétamines (bien plus puissantes que les deux premières).

C'est donc le moment où l'on se dit qu'en réalité, Panoramix ne met pas que du gui et du jus de betteraves dans sa potion, et qu'Astérix et ses compagnons sont des drogués accros à la meth et aux stéroïdes. Néanmoins, avec un tel cocktail, la plupart auraient déjà dû passer l'arme à gauche : rappelons également qu'Obélix est censé être tombé dedans étant petit.

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Si les effets de la potion magique peuvent être associés à des drogues et autres stéroïdes, les effets secondaires sont, par contre, différents. Dans le cas des stimulants, les effets secondaires souvent associés sont une grande fatigue généralisée et une déprime psychologique. Comme l'usage de la potion magique découle généralement sur un énorme banquet nocturne, on reste bien dans la fiction !

Néanmoins, la potion de Panoramix étant souvent utilisée dans un contexte guerrier, on pourrait l'associer aux drogues de combat utilisées à travers le monde... l'occasion d'en parler en page 2 de cet article.

Trois drogues de combat aux effets proches de la potion magique

Et si la potion magique d'Astérix était une drogue de combat ? Elle rend plus fort et stimule les combattants. On peut la comparer à d'autres « potions » prises à travers l'histoire par les soldats.

La Pervitine

Également connue sous le nom de « pilule Hermann Göring », la Pervitine est la toute première méthamphétamine commercialisée. On la doit au laboratoire allemand Temmler, qui l'a synthétisée en 1937. Elle a été distribuée dans les rangs de l'armée allemande, dans le but d'augmenter les performances des soldats et des pilotes, tout en réduisant l'anxiété et la fatigue. Entre avril et juin 1940, il est estimé que la Wehrmacht et la Luftwaffe auraient utilisé plus de 35 millions de comprimés de Pervitine.

Cette « pilule » aurait joué un rôle primordial dans le Blitzkrieg sur la Pologne. Mais le problème, ce sont une nouvelle fois les effets secondaires : « Les commandants se plaignaient du fait que les soldats avaient besoin de dormir trois fois plus longtemps lorsque l'effet de la Pervitine se dissipait. Beaucoup d'entre eux devinrent dépressifs. D'autres souffraient de graves psychoses » raconte le site Berliner Kurier.

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Résultat : après plusieurs années d'une disponibilité en pharmacie, la Pervitine est déclarée illégale en 1941. A noter que si Hitler ne comptait pas parmi les accros à la Pervitine, il l'était, pas contre, aux stéroïdes et à l'eucodal, un puissant opiacé.

La Ritaline

Synthétisé pour la première fois en 1944, par le chimiste suisse Leandro Panizzon, le méthylphénidate, ensuite renommé Ritaline, est un stimulant du système nerveux. Si son nom vous dit quelque chose, c'est peut-être parce qu'il est encore aujourd'hui prescrit aux personnes (souvent les enfants) atteints du trouble de déficit de l'attention / hyperactivité (TDAH).

Les doses sont ajustées pour obtenir l'effet désiré, à savoir diminuer la recapture de la dopamine et de la norépinéphrine, dans l'optique d'augmenter la concentration de ces dernières dans la fente synaptique. L'armée américaine utilise la Ritaline depuis la Seconde Guerre mondiale pour augmenter la concentration de ses soldats, mais également réduire la sensation de fatigue. Au fil des années, cette pratique a perduré, notamment chez les pilotes de drones qui prenaient de la Ritaline à haute dose pour rester éveillés le plus longtemps possible.

La pratique est désormais désavouée par l'armée américaine, qui bloque le recrutement des candidats qui prennent des médicaments contre le TDAH, ce qui inclut la Ritaline. Cependant, les soldats qui prenaient ce médicament en service le faisaient pour améliorer leurs performances et non pas pour soigner une maladie.

Le Captagon

Cette drogue a beaucoup fait parler d'elle ces derniers temps, et pour cause : le Captagon est, aujourd'hui, utilisé par les djihadistes de Daesh.

Le Captagon est un dérivé hydrolysé de la fénétylline, qui est constituée d'une molécule d'amphétamine unie à une molécule de théophylline par un pont éthyle. Synthétisée en Allemagne dans les années 60, elle a servi un temps à traiter les enfants atteints de TDAH, en raison d'effets secondaires moindres par rapport à d'autres types d'amphétamines.

Par la suite, la fénétylline est devenue persona non grata dans de multiples pays, comme les Etats-Unis en 1981 et la France en 1993. Son inscription en tant que substance dangereuse sur la liste de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime en 1986 ne l'a pas empêchée de devenir une drogue récréative, mais également un produit dopant sous le nom de Captagon.

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Une saisie de Captagon.

Lorsque cette drogue pénètre les neurones de la personne qui en prend, elle libère une grande quantité de dopamine, qui réduit la sensation de peur au profit d'une impression de bien-être, ainsi que de noradrénaline, qui va augmenter la concentration et la vigilance. Un cocktail qui aiderait les djihadistes de Daesh dans leurs sanglantes activités : le 26 juin 2015 en Tunisie, des témoins de la tuerie de Sousse (39 morts, 39 blessés) ont assuré que le terroriste Seifeddine Rezgui souriait et riait durant la tuerie. Son autopsie a révélé par la suite qu'il était sous l'emprise du Captagon.

Cette drogue fait, depuis de nombreuses années, l'objet d'un trafic intense au Moyen-Orient. C'est même devenu un rouage important de l'économie de guerre, enrichissant l'Etat islamique qui écoule ses doses entre 5 et 20 dollars selon les pays.

Astérix, drogué aux plantes ?

Bien évidemment, on ne va pas comparer nos valeureux Gaulois à des terroristes ou des soldats sous meth. Mais les inspirations des créateurs de ce personnage, dont les premières aventures ont été publiées en 1959, viennent peut-être un peu de là. La potion magique de Panoramix a vocation à dédramatiser toutes les situations, ce qui en fait bien souvent un ressort comique. Mais il n'empêche qu'il est difficile de croire qu'il n'y a que des plantes dans le chaudron du druide, non ?

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Audrey Oeillet

Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques...

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Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques, sans oublier les gadgets et autres actualités insolites liées à l'univers du hi-tech. Et comme il n'y a pas que les z'Internets dans la vie, j'aime aussi les jeux vidéo, les comics, la littérature SF, les séries télé et les chats. Et les poneys, évidemment.

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