Si le téléchargement illégal d'un logiciel vous a déjà tourmenté la conscience, sachez que vous n'êtes pas seul. Pourtant, à une époque pas si lointaine, certains géants de l'informatique ont orchestré une tromperie bien plus audacieuse, directement inscrite au cœur de leurs machines.

- Dans les années 90, certains fabricants contournaient les licences logicielles en modifiant le BIOS des ordinateurs.
- Une chaîne de caractères dans le BIOS permettait de débloquer des versions complètes de logiciels sans licence.
- Aujourd'hui, les protections logicielles sont plus complexes, rendant ces anciennes astuces obsolètes et inefficaces.
Au milieu des années 90, à l'aube de l'ère du Plug and Play, l'achat d'un nouvel ordinateur était souvent accompagné de la promesse de logiciels préinstallés. Ces versions d'essai, parfois offertes en version complète, constituaient un argument de vente de poids pour les constructeurs. Mais derrière cette pratique se cachait une astuce ingénieuse, voire malhonnête, permettant à certains fabricants de contourner de coûteuses licences logicielles.
L'art de la tromperie inscrite dans le BIOS
L'histoire, racontée par l'ingénieur de Microsoft Raymond Chen, remonte au développement de Windows 95. À l'époque, son équipe cherchait un moyen fiable d'identifier les PC fabriqués avant la mise en place de la spécification Plug and Play. Pour ce faire, les ingénieurs analysaient en profondeur le BIOS (Basic Input/Output System), ce micrologiciel essentiel qui initialise les composants matériels au démarrage de l'ordinateur.
Au cours de cette investigation, ils sont tombés sur une chaîne de caractères pour le moins surprenante dans le BIOS d'un PC : « Not Copyright Fabrikam Computer ». Pour préserver l'anonymat des entreprises impliquées, Chen utilise les noms fictifs de « Contoso » pour le fabricant du PC en question, et « Fabrikam » pour l'un de ses concurrents. La question se posait alors : pourquoi un constructeur inscrirait-il une telle négation de droit d'auteur dans son propre matériel ?
La réponse résidait dans une forme astucieuse de contournement. Le PC de Contoso incluait une version d'essai d'un logiciel populaire, qui se transformait en version complète uniquement s'il détectait être installé sur une machine d'un partenaire agréé, comme Fabrikam. Pour vérifier cela, le logiciel scannait simplement le BIOS à la recherche de la mention « Copyright Fabrikam Computer ». En ajoutant la chaîne de caractères complète « Copyright Contoso Not Copyright Fabrikam Computer », le fabricant s'assurait que la recherche du logiciel aboutisse positivement, trouvant la mention requise à l'intérieur de la phrase. L'astuce fonctionnait, et la version complète du logiciel se déverrouillait, sans que Contoso n'ait eu à payer la moindre licence.

Du bricolage des années 90 aux systèmes modernes
Cette manipulation, qui s'apparente à une forme rudimentaire de reverse engineering, paraît aujourd'hui presque artisanale. Les méthodes de protection et d'activation logicielle ont depuis fait un bond considérable en matière de complexité. Les fabricants d'équipement d'origine (OEM) qui préinstallent Windows utilisent désormais un mécanisme légitime et sécurisé appelé SLIC (Software Licensing Description Table). Cette signature numérique, intégrée au BIOS, permet une auto-activation de Windows sans intervention de l'utilisateur et sans possibilité de triche aussi simple.
Cette anecdote historique contraste fortement avec le paysage actuel du piratage de logiciels. Aujourd'hui, le contournement des licences fait appel à des techniques bien plus sophistiquées, comme l'injection de code en mémoire, la mise en place de faux serveurs d'activation ou le patching direct des exécutables. Ces opérations sont souvent menées par des groupes organisés et spécialisés qui se livrent une compétition pour être les premiers à "craquer" les nouvelles protections.
Le débat sur le contournement des licences logicielles reste cependant nuancé. Il existe des cas, comme celui des abandonwares, où des utilisateurs se retrouvent avec du matériel parfaitement fonctionnel mais inutilisable car le logiciel requis n'est plus supporté et son système d'activation est hors service. Dans ces situations, le contournement de la licence devient pour certains la seule solution pour ne pas se retrouver avec un appareil obsolète.
Source : Neowin