Builder.ai, autrefois valorisée plus d’un milliard d’euros, vient de plier sous le poids d’une imposture sophistiquée. Derrière son « intelligence artificielle » se cachaient en réalité 700 développeurs basés en Inde, révélant les failles de la frénésie d’investissement actuelle autour de l’IA générative.

Builder.ai, la startup autrefois prometteuse et soutenue par Microsoft, a déposé le bilan après des révélations explosives. © X / Harsh Dwivedi
Builder.ai, la startup autrefois prometteuse et soutenue par Microsoft, a déposé le bilan après des révélations explosives. © X / Harsh Dwivedi

Fin 2023, Builder.ai promettait de démocratiser la création d’applications grâce à son outil low‑code Natasha, séduisant Microsoft et plusieurs fonds du Golfe. Deux ans plus tard, la société londonienne déclare faillite après la mise sous séquestre de sa trésorerie par un créancier méfiant.

De la licorne à la faillite

Fondée en 2016, Builder.ai vendait la promesse de réduire de 70 % le temps de développement grâce à l’apprentissage automatique. Cette proposition, vantée partout sur les salons, a conduit Microsoft à investir et à intégrer Natasha à Azure en mai 2023. En un tour de table, la start‑up a obtenu le statut de licorne, attirant encore plus de capitaux. Dès 2024, des retards de livraison et des incohérences techniques ont alerté plusieurs clients. Mais le ver était déjà dans le fruit : la société continuait à communiquer sur une automatisation qu’elle ne maîtrisait pas.

Un audit interne a finalement confirmé que la chaîne de traitement n’automatisait guère plus que la gestion de tickets. Le code était écrit à la main par des équipes situées à Gurugram et Bengaluru, puis emballé sous l’étiquette « généré par IA ». Face à cette tromperie, le principal créancier a gelé 37 millions d’euros d’actifs, précipitant le dépôt de bilan du 3 juin 2025.

Une « intelligence » très humaine

Sous l’interface conversationnelle de Natasha, chaque projet d’application était transformé en cahier des charges détaillé, envoyé à une armée de programmeurs indien. Ceux‑ci codifiaient les fonctionnalités ligne par ligne, avant de renvoyer le produit fini à Londres, où il était revendu comme s’il sortait d’un moteur d’IA.

La direction expliquait la rapidité des livraisons par une « bibliothèque de composants réutilisables ». En réalité, chaque client finançait un développement spécifique, et les délais serrés reposaient surtout sur un modèle de travail en continu sur 24 heures. Les enquêteurs ont également découvert un circuit de facturation circulaire avec la société indienne VerSe Innovation. L’objectif présumé : gonfler artificiellement le chiffre d’affaires entre 2021 et 2024 afin de justifier de nouveaux tours de table.

L’épisode Builder.ai démontre que l’euphorie autour de l’IA peut masquer une dépendance massive à la main‑d’œuvre humaine. Les investisseurs redécouvrent l’importance d’audits techniques indépendants avant de sortir le carnet de chèques. Plusieurs fonds européens envisagent désormais de conditionner leurs apports à la publication d’indicateurs de performance vérifiables : traçabilité des données d’entraînement, documentation du code et vérification des flux financiers.

Source : AlternativeTo