Vérification de l'âge sur les sites porno : est-ce vraiment compatible avec la protection de vos données ?

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 22 février 2023 à 14h15
© Casimiro PT / Shutterstock
© Casimiro PT / Shutterstock

Le gouvernement doit démarrer les tests de son système de vérification de l'âge pour accéder aux sites pornographiques fin mars. Si des craintes surgissent autour de la protection des données personnelles des utilisateurs, la CNIL tente de rassurer.

Sur la table depuis plusieurs années, l'épineux dossier du contrôle de l'âge des internautes souhaitant accéder à des contenus pornographiques se rapproche plus que jamais de son épilogue. Après avoir annoncé au début du mois l'arrivée d'un dispositif de certification de l'âge, le ministre délégué en charge du Numérique, Jean-Noël Barrot, a livré un peu plus de détails, évoquant une attestation de majorité qui reposerait sur le principe du double anonymat pour préserver la confidentialité du visiteur. La question du respect de la vie privée et de l'identité de l'internaute se pose néanmoins.

L'anonymat de l'utilisateur a priori préservé

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a conçu, en collaboration avec le Pôle d'expertise de la régulation numérique de l'État (PEReN) et le professeur à l'École polytechnique Olivier Blazy, le fameux dispositif dont le gouvernement s'est très largement inspiré. Celui-ci repose sur l'intervention de sociétés tierces distinctes de l'éditeur du site porno visité.

Concrètement, celui qui sera chargé de certifier que vous avez bien l'âge requis pour entrer sur la plateforme pour adultes saura qui vous êtes. Mais il ne saura pas quel site vous visitez.

Et dans l'autre sens, le site pornographique visité recevra la preuve que vous avez l'âge requis pour accéder à ses contenus. Mais il ne saura pas qui est le visiteur. Cette authentification, faite donc d'un double anonymat, pourra passer par « un opérateur télécom, un fournisseur d'identité numérique ou tout autre organisme susceptible d'attester de la majorité d'une personne », expliquait le ministre Barrot il y a quelques jours. Est-ce que tout ceci garantit réellement la confidentialité des données de l'utilisateur pour autant ?

Pour la CNIL, le dispositif choisi par le gouvernement n'est pas incompatible avec le RGPD

Si la CNIL n'a pas de compétences directes ici pour contrôler la mise en place de l'interdiction d'accès aux sites pornographiques des mineurs, celle-ci étant laissée à l'ARCOM, le gendarme des données est néanmoins attendu sur le volet de la vie privée et de ses modalités fixées par le RGPD.

Concernant la solution choisie par le gouvernement, la CNIL rappelle que « contrairement à ce qui est parfois dit, le RGPD n'est pas incompatible avec un contrôle de l'âge pour l'accès aux sites pornographiques », contrôle prévu et exigé par la loi française. Si, à l'issue du test prochain mené par le gouvernement, la solution de contrôle d'âge est finalement adoptée, la CNIL préconise que le mécanisme soit alors proposé par tous les sites soumis à une obligation de contrôle.

« La CNIL rappelle que c’est aux sites pornographiques que revient la responsabilité de choisir et de mettre en œuvre, d’ores et déjà, une solution qui respecte les exigences légales de contrôle de l’âge, sous le contrôle de l’ARCOM et du juge judiciaire », ajoute l'autorité administrative.

Source : CNIL

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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ultrabill

Il faudrait également imposer ce mécanisme aux sites de vente d’alcool et de jeux en ligne (type FDJ, paris sportif, poker, etc.).

Freya

Les sites porno sont tous hébergés à l’étranger, imposer une telle vérification n’ira pas dans leur sens et ils feront tout ce qu’ils peuvent pour ne pas s’y conformer.

Légalement, nos lois ne pourront rien y faire lorsque le site est hébergé à l’étranger, s’ils ne se plient pas je suppose qu’ils vont demander le blocage aux FAI, mais comme souvent basé sur le DNS. Il suffira donc de simplement modifier ses serveurs DNS pour de nouveau y avoir accès.

Et enfin, souvenons-nous du site de rencontre extra conjugale Ashley Madison qui a été piraté en 2015, les conséquences ont été non seulement dramatiques pour les membres (séparations, divorces, dépressions, etc), mais aussi et surtout mortelles. Entre les millions de membres qui ont vu leurs données personnelles exposées publiquement et les personnes qui se sont suicidées, ça devrait être une leçon quant au fait de confier des données personnelles pour de tels sites web. Il n’est clairement pas question de juger ces gens, ce n’est pas du tout le sujet de ce post et abstiens-toi de le faire (avec tes leçons de morale).

C’est au parent de prendre leur responsabilité, il existe 1001 outils, et très souvent simple à mettre en place. Un exemple tout bête, modifier ses propres serveurs DNS pour bloquer par défaut tous ces sites sensibles aux plus jeunes, et c’est ce que propose dns0.eu (conçu par les créateurs de NextDNS).

dns0.eu propose des filtres à destination des kids bloquants :

*Pas de sites pornographiques ou autres sites pour adultes
*Pas de résultats de recherche explicites
*Pas de vidéos matures sur YouTube
*Pas de sites ou d’applications de rencontres
*Pas de sites à contenu mixte
*Pas de sites de piratage
*Pas de publicités

Toutes les infos, IP, DoH, etc sont ici :

Doss

Pou les jeux en ligne c’est dèjà le cas depuis bien longtemps.

Laurent_Marandet

C’est certainement incompatible avec le RGPD !

Palou

En lisant, tu aurais vu que c’était indiqué :wink:

Pour la CNIL, le dispositif choisi par le gouvernement n’est pas incompatible avec le RGPD

valley_antoine

Si les utilisateurs doivent changer leur DNS ils vont quand même perdre un pourcentage non négligeable de visiteurs.
Comparer Ashley Madison et Pornhub, franchement ce n’est pas comparable…
Et encore une fois, votre site porno préféré n’aura pas accès à vos informations.
Bref…

Freya

Premièrement, je n’ai pas comparé Ahsley Madison et pornhub à proprement dit, ce sont 2 services différents. Deuxièmement, la comparaison portait sur le risque d’attaques et des fuites de données qui peuvent en découler , ni + ni - !

Merci de relire attentivement mon 1er post.

yann214

Ce que l’Etat oublie de dire, c’est qu’en rajoutant ce type de vérification, on augmente forcément les coûts.

Qui va payer ?
Les plateformes qui sont obligées d’utiliser le service, qui devront ensuite répercuter ces coûts sur leurs utilisateurs, donc nous…

Qui va encaisser ?
Les plateformes qui pro(im)posent ce service. et là on peut faire confiance à nos politiques. Ils ont déjà en vue quelques connaissances à eux à qui ils pourraient confier ce juteux marché !

griffondor

est-ce que Bittorrent seras aussi concerné par le contrôle d’âge dans le logiciel lui même ? étant donné que du contenu X peut également être télécharger via Bittorrent !

yann214

Un chercheur indépendant a publié une analyse du protocole proposé par les laboratoires de la CNIL :

Conclusion : de multiples risques pour la vie privée des citoyens français !

En cas de fuite, l’Etat doit se préparer à de belles actions collectives contre lui.