Recyclage : que faire de nos appareils électroniques usagés ?

Sébastien Casters
Publié le 22 avril 2015 à 14h28
Qu'elle soit programmée ou non, l'obsolescence de nos compagnons high-tech ne fait aucun doute. Tôt ou tard, que ce soit parce que nous n'en avons plus l'utilité, qu'ils ne sont plus au goût du jour, ou simplement parce qu'ils ne fonctionnent plus, nous avons besoin de nous en débarrasser... A condition de ne pas le faire n'importe comment, les produits électroniques usagés n'étant pas des déchets comme les autres.

Un cycle de vie artificiellement court

Plusieurs raisons peuvent pousser à se séparer d'un appareil électronique. La principale, la plus évidente, mais pas forcément la plus fréquente, c'est la panne ! Puis il y a l'obsolescence technique, à laquelle nous sommes tous confrontés, de gré ou de force. L'univers high-tech bouge vite. Innovations technologiques, nouveaux usages et évolutions de normes se succèdent à un rythme soutenu. Au fil des mois ou des années, nos appareils ne sont plus compatibles, plus assez puissants. On est tenté de les remplacer pour rester technologiquement dans le coup, souvent bien avant qu'ils n'arrivent en fin de vie.

S'ajoute à ces arguments légitimes un aspect plus superficiel, car certains de nos joujoux high-tech sont aujourd'hui plus que de simples équipements techniques : ce sont des produits de grande consommation qui subissent les diktats de la mode et du marketing. Acheter ne relève plus d'un besoin, mais d'une envie ou d'un désir. Les industriels, qui sortent de nouvelles gammes presque chaque saison, l'ont bien intégré à leur communication. Pour toutes ces raisons, le rythme de renouvellement des appareils électroniques est élevé, tous les vingt mois en moyenne pour un téléphone mobile, au bout de deux à trois ans pour un ordinateur portable. Le corollaire de cette consommation de masse, c'est une quantité croissante d'appareils usagés ou obsolètes, dont il faut bien faire quelque chose.

Des produits à l'impact écologique fort

Or, se débarrasser de produits électroniques n'est pas un geste anodin, car ce ne sont pas des déchets comme les autres. De leur conception à leur destruction, ces équipements laissent une empreinte environnementale forte. Ils sont fabriqués par des procédés industriels lourds, gourmands en énergie ; à partir de ressources naturelles variées, extraites aux quatre coins du monde : plastiques, verres, métaux plus ou moins rares et éléments chimiques divers, dont certains, toxiques et polluants. La recette d'un smartphone peut compter plus de 100 pièces et 30 éléments chimiques dont de l'aluminium, du lithium, de l'or et de l'argent, du mercure, du brome, du plomb, du tantale, du néodyme... Une liste d'ingrédients longue comme le bras, qui en font de vraies petites bombes écologiques. On ne peut pas, en connaissance de cause, se contenter de les jeter à la poubelle. D'ailleurs, c'est interdit, comme le rappelle le pictogramme, la poubelle barrée ci-dessous, qui doit figurer de manière indélébile sur tous les produits électroniques. Mais qu'en faire alors ? Plusieurs solutions sont envisageables.
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Des matériels usagés qui ont encore de la valeur

Votre appareil ne convient plus à vos besoins, mais fonctionne toujours ? Plutôt que de le laisser prendre la poussière au fond d'un tiroir, où il perd tous les jours de sa valeur, dites-vous qu'il peut peut-être faire le bonheur de quelqu'un et revendez-le. Le Web offre pléthore de services dédiés au marché de l'occasion et au commerce entre particuliers, profitez-en. Vous pouvez tenter votre chance avec les petites annonces sur Leboncoin, Vivastreet, Topannonces, Consoglobe, etc. ou via le forum de vos sites préférés, c'est simple et gratuit. Si vous êtes du genre méfiant, vous pouvez passer par un tiers de confiance, avec des sites comme PriceMinister ou les « marketplaces » de grandes enseignes, par exemple, Amazon ou la Fnac. Le dépôt d'annonce y est aussi gratuit, mais il faudra consentir à verser une commission si la transaction va à son terme. En échange, ces services s'occupent des modalités de paiement et s'engagent parfois à vous aider en cas de litige avec votre acheteur.

Mais le commerce entre particuliers n'est pas la seule voie pour vendre un produit usagé. De nombreux acheteurs professionnels reprennent aussi vos matériels. Ils les paient selon des barèmes qu'ils ont eux-mêmes définis, qui varient en fonction de l'état du produit, de son ancienneté, de l'offre et de la demande et de ce qu'ils ont dans leur stock. De grandes enseignes spécialisées comme la Fnac ou Darty rachètent ainsi smartphones, tablettes, ordinateurs portables ou consoles de jeu. Mais depuis quelques années on voit surtout fleurir sur la Toile des sites spécialisés dans le rachat de téléphones et de tablettes. À tel point qu'ils ont désormais un comparateur dédié.

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Ces services rachètent vos mobiles pour les remettre en état, et les revendre, en France ou à l'étranger. À titre d'exemple, un « vieil » iPhone 4 16 Go peut rapporter jusqu'à 50 ou 60 euros, s'il est en état de marche, et encore 10 à 15 euros, s'il est hors service. Fouillez vos tiroirs, ils cachent peut-être des trésors. Même les cartouches et toners vides de nos imprimantes ont de la valeur. De nombreux sites (Cartouche-service, Eco-Collecte, Cartouche-vide, etc.) se proposent de les racheter, pour quelques centimes et jusqu'à 2 ou 3 euros, selon les références. Les cartouches récupérées sont ensuite acheminées à des sociétés comme Armor ou Polytech, qui les nettoient et les remplissent d'encre avant de les remettre sur le marché sous l'appellation « compatibles » ou « reconditionnées ».

Vendre c'est bien, donner c'est encore mieux

On peut vendre, mais on peut aussi donner et faire un geste pour l'économie sociale et solidaire (ESS). En effet, beaucoup d'associations participent aujourd'hui à la collecte et au traitement des déchets électroniques. Ce faisant, elles aident des personnes en difficulté à retourner à l'emploi et à se réinsérer socialement. Il peut s'agir de grandes associations nationales comme Emmaüs ou Envie, mais aussi de beaucoup d'associations locales et de boutiques de ressourceries et recycleries qui parsèment aujourd'hui le territoire. Vous pouvez leur apporter vos équipements usagés, qu'ils fonctionnent encore ou non.

D'ailleurs, vous le faites peut-être déjà sans le savoir, certaines associations ont accès aux points de collecte des déchetteries ou de la grande distribution. Quand c'est possible, les équipements récupérés sont réparés et remis sur le marché à bas prix. Quand ça ne l'est pas, ils sont réorientés dans le circuit du recyclage. Erwann Fangeat ingénieur à l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) nous indique que « 9/10e de ce qui passe par l'économie sociale pour réemploi repart dans la filière des éco-organismes, 1/10e a droit à une deuxième vie ». Les éco-organismes sont la voie officielle que doivent emprunter nos produits usagés lorsqu'ils ne peuvent pas être réutilisés.

Des déchets électroniques légalement encadrés

Depuis 2005, suite à la transposition en droit français de directives européennes, une filière industrielle a été mise en place pour collecter et traiter ces déchets. Elle est légalement encadrée par le Code de l'environnement (Art. L541-1 suivants et R543-171-1 et suivants). Les déchets y sont regroupés sous l'acronyme DEEE ou D3E (Déchets d'Équipement Électriques et Électroniques).

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Les DEEE sont définis comme les équipements des particuliers (ménagers) ou des professionnels fonctionnant grâce à des courants électriques ou des champs magnétiques, conçus pour une tension ne dépassant pas 1000 volts en courant alternatif ou 1500 en continu. Ils sont classés en onze grandes familles. Une répartition qui sera abaissée à sept catégories en 2018 pour mieux correspondre aux flux de traitement et de recyclage actuellement en place. C'est un panel d'équipements très hétéroclite qui va de l'aspirateur au téléviseur en passant par les jouets d'enfants et les panneaux photovoltaïques et, bien sûr, par nos ordinateurs et nos gadgets high-tech.

Responsabilité des producteurs de déchets

La filière des DEEE est basée sur le principe de « responsabilité élargie » des producteurs, autrement dit, du pollueur-payeur. Par producteur, on entend le fait de mettre un équipement sur le marché, qu'il s'agisse du fabricant, d'un importateur ou d'un distributeur. Ces producteurs sont tenus de déclarer les équipements mis sur le marché dans un registre tenu par l'ADEME. Il sert notamment à évaluer la quantité de DEEE et à vérifier si les objectifs fixés, en matière de collecte, de recyclage et de valorisation, sont atteints. Selon la loi, il revient aux producteurs d'EEE de mettre en place des circuits de collecte et de recyclage, ou de transférer cette responsabilité à des éco-organismes agréés par le gouvernement. C'est cette seconde solution qui est choisie, à l'unanimité, dans le cas des DEEE ménagers.

Les éco-organismes, à but non lucratif et coordonnés par l'Ocad3E, sont aujourd'hui au nombre de quatre (Eco-Systèmes, Ecologic, PV Cycle et Recylum). Leurs ressources, c'est un gisement de DEEE évalué, en 2013 et pour sa partie ménagère, à plus de 1,3 million de tonnes. Sur ce volume, environ 35 % sont actuellement collectés, soit un peu plus 455 000 tonnes, dont environ 80 % sont valorisés par le recyclage ou le réemploi. Sur les 20 % restants, 8 % sont valorisés par de la production d'énergie, et 12 %, les déchets dits ultimes, non valorisables, sont incinérés ou stockés en décharges.

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Les déchets électroniques laissés sur les trottoirs sont démantelés et pillés par des récupérateurs de métaux, ce qui complique la dépollution et le recyclage.


Obligation de reprise : le 1 pour 1 pas toujours bien respecté ?

Les sources d'approvisionnement en DEEE des éco-organismes sont variées : dépôts en déchetterie, collecte via l'ESS... la plus grosse part provient des reprises effectuées par les commerçants. En effet, lorsque vous achetez un appareil neuf, le marchand est tenu de reprendre ou de faire reprendre, gratuitement, votre ancien équipement. C'est le principe dit du « 1 pour 1 ». Une obligation légale applicable à la vente par correspondance (VPC) et aux pure-players du Web, mais qui ne serait pas toujours bien respectée nous confie-t-on à l'ADEME.

A la FEVAD (Fédération e-commerce et vente à distance) on nous explique que la reprise en VPC pose des problèmes complexes, car les pure-players ne peuvent s'appuyer sur un réseau de magasins physiques pour organiser la collecte, contrairement à des chaînes comme Darty ou la Fnac. Ils n'ont pas non plus de flottes de véhicules propres et recourent à plusieurs prestataires pour leurs livraisons... un casse-tête logistique. On nous garantit cependant que les pures players du web ne sont ni plus ni moins vertueux que les commerces physiques. Difficile à vérifier sans mener une grande étude comparative.

On constate, néanmoins, en se rendant chez les cyber-marchands que l'information sur la reprise n'est pas toujours aisée à trouver. Elle est souvent perdue au fond de la FAQ ou dans les CGV. La loi stipule pourtant qu'elle est censée être présentée : « systématiquement, de manière visible et facilement accessible » (Article R453-180 du Code de l'environnement). À la décharge des boutiques en ligne, signalons que des solutions pour organiser la collecte étaient à l'étude par l'éco-organisme ERP, avec le concours de la FEVAD, mais que cet organisme s'est vu retirer son agrément par le ministère de l'Écologie fin 2014.

En complément du 1 pour 1 on trouve aussi du 1 pour 0 dans le cas des petits appareils. Cela ne concerne pas cette fois la VPC, mais tous les commerces disposant d'une surface de vente de plus de 400 m² dédiée aux EEE. Ils sont tenus de collecter vos petits équipements usagés (téléphone, souris, cafetière, haut-parleurs...) même si vous n'achetez rien. Concrètement cela se matérialise sous la forme de meubles de collecte et de tri, mis en place par les éco-organismes.

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Le rôle pivot des éco-organismes

Ces éco-organismes ont un rôle central dans cette filière. Ils doivent gérer la collecte des déchets et l'orienter vers des centres de traitements préalablement sélectionnés sur appels d'offres. Ils doivent assurer la traçabilité des DEEE et effectuer des contrôles réguliers de leurs sous-traitants. Ce sont eux aussi qui gèrent le financement de la filière, basé sur deux sources principales. La première, à hauteur de 60 %, c'est l'éco-contribution ou éco-participation. Une contribution prélevée sur le prix des EEE, et visible du consommateur, dont le montant est établi d'après des barèmes fixés par les éco-organismes, et qui est entièrement versée à la filière.

Quentin Bellet, des relations presse d'Ecologic, nous précise que les éco-organismes étant à but non lucratif, l'éco-participation est calculée d'après le coût réel de la prise en charge du produit (logistique, retraitement...) et en fonction de ses possibilités de valorisation : « Sur un frigo qui contient beaucoup de polluants elle sera importante, parce que la balance dépollution / valorisation de matières n'est pas positive ; sur un ordinateur portable, elle ne sera que de quelques centimes parce qu'on va récupérer des matériaux nobles ».

Ces matériaux, extraits des déchets et revendus à l'industrie, sont la deuxième source de financement de la filière DEEE. Ils sont récupérés par différents procédés de tri et de séparation (mécaniques, chimiques...), après démantèlement, dépollution et broyage des DEEE. Il y a de vrais enjeux autour de la récupération de matières premières, notamment dans nos cités, considérées comme des « mines urbaines ». Des mines qui renferment des matières précieuses (or, argent, platine) ou économiquement stratégiques, car rares à l'état naturel et indispensables à l'industrie (tantale, gallium, indium, etc.). Erwann Fangeat de l'ADEME nous donne l'exemple de l'or qui serait 1000 fois plus abondant dans une tonne de téléphones que dans une tonne de minerai.

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Des outils pour trouver des solutions pour se débarrasser proprement de nos déchets.


Les défis pour l'avenir

En France la filière de retraitement des produits électroniques est plutôt mature et prend déjà en charge plus d'un tiers de nos déchets. Mais l'Europe a fixé des objectifs ambitieux. Pour les atteindre, les éco-organismes devront doubler leur volume de collecte d'ici à fin 2019. Pour y parvenir, ils devront mettre en place de nouveaux biais de collecte. Selon Mélissa Bire, d'Eco-Systèmes, l'un des chantiers principaux concerne l'exploitation de sources de déchets dites « orphelines », car actuellement non captées par les éco-organismes. Il s'agit notamment des récupérateurs de métaux (ferrailleurs) vers lesquels se tournent beaucoup d'artisans (cuisinistes, chauffagistes, électriciens...) faute d'avoir accès facilement aux déchetteries. Des opérations de collecte de quartier sont aussi menées localement. Comme à Paris par exemple, où Emmaüs et Eco-Systèmes prévoient d'organiser 232 collectes solidaires en 2015.

D'autres défis concernent le recyclage à proprement parler. La filière doit faire évoluer ses procédés pour traiter de nouveaux types d'appareils (récemment les écrans LCD par exemple), mais aussi pour mieux valoriser certaines matières et réduire encore la proportion de déchets ultimes en fin de chaîne.

Au-delà des problématiques de collecte et de traitement, les acteurs de la filière ont aussi une mission pédagogique auprès du grand public et des industriels. Guider les utilisateurs finaux pour mieux recycler avec des outils d'aide à la décision comme ceux qu'on trouve déjà sur les sites de l'ADEME ou d'Eco-Systèmes. Plus en amont, il s'agit de promouvoir l'éco-conception auprès des industriels en les incitant à fabriquer des produits plus propres, mais aussi à s'investir dans l'économie circulaire en utilisant par exemple des matières premières issues du recyclage. Des défis où se mêlent parfois des intérêts contradictoires, mais qu'il faudra relever si on veut concilier consommation de masse et préservation de l'environnement.
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