La première péniche électrique circule aux Pays-Bas grâce à un système de batteries prometteur

07 septembre 2021 à 16h30
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La péniche Alphenaar lors de son voyage inaugural © ZES
La péniche Alphenaar lors de son voyage inaugural © ZES

La péniche Alphenaar a effectué son voyage inaugural dans la journée d’hier, entre la ville d’Alphen-sur-le-Rhin et le port de Moerdijk, aux Pays-Bas. Sa particularité ? Disposer d’une propulsion électrique alimentée par des batteries amovibles placées dans des conteneurs facilement échangeables lors de chaque arrêt.

À terme, les concepteurs de l’Alphenaar souhaiteraient généraliser le transport fluvial électrique à tous les Pays-Bas et à une partie de l’Europe.

Alphenaar : le transporteur de bières à batteries amovibles

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le navire de transport fluvial Alphenaar est original. D’une part, il transporte principalement de la bière, puisqu’il est exploité par la compagnie de transport CCT pour le compte de son client Heineken. Avec plus de 70 000 conteneurs exportés chaque année à partir du port de Rotterdam, Heineken a bien compris l’intérêt de disposer de moyens de transports non polluants, qui auront également l’avantage de réduire ses coûts d’exploitation.

D’autre part, ce bateau à propulsion électrique, s’il n’est pas le premier du genre, présente la particularité d’être doté de batteries amovibles échangeables. L’Alphenaar a en effet été conçu par ZES (Zero Emission Services), une coentreprise regroupant la banque ING, le spécialiste de l’industrie maritime Wartsila, le port de Rotterdam et le spécialiste français de l’énergie ENGIE. Pour fonctionner, la péniche exploite des moteurs électriques conventionnels. Toutefois, ces derniers ne sont pas alimentés par de l’énergie stockée à l’intérieur de la coque, mais par de gigantesques batteries intégrées dans des conteneurs disposés sur le pont, à côté de la marchandise.

Chaque conteneur, appelé ZESpack, embarque 2 000 kWh d’énergie, ce qui permet à une barge de naviguer entre 2 et 4 heures selon sa configuration. Avec deux ZESpack, l’autonomie d’une péniche est alors de 60 à 120 kilomètres. Arrivée à destination, la péniche peut débarquer ses ZESpack déchargés et les remplacer par des batteries pleines, le tout en moins de 15 minutes. Et le « consommateur » ne paye que ce qu'il consomme, en plus du forfait de location des batteries ZESpack. De quoi réduire sérieusement le coût d'achat des péniches, qui n'intègrent pas les batteries, tout en permettant d'adapter facilement le système de propulsion aux prochaines générations de batteries.

Développer un réseau de « stations services » électriques

Ce modèle se prête particulièrement bien au trafic intense entre des usines et des ports situés à proximité. C’est d’ailleurs en ce sens qu’avait été développé le premier porte-conteneurs électrique en Norvège, afin de réaliser des navettes quotidiennes entre des sites industriels et des ports internationaux. Le système proposé par ZESpack a cependant le gros avantage de ne pas imposer de longs temps de charge, ce qui donne lieu à des rotations plus rapides. En contrepartie, cette solution nécessite de développer des infrastructures au sol, ce qui limite les possibilités de déplacement aux fleuves, rivières et canaux desservis par ZES.

En toute logique, le groupe industriel va donc chercher à valider cette première expérience avec l’Alphenaar d’Heineken et à développer son concept autour des autres sites industriels du groupe. Pour l’instant, la première ligne ne dépasse pas le port de Moerdijk, mais une implantation à Rotterdam est souhaitée à court terme afin d’ouvrir la voie à de nouveaux clients, et donc à une extension rapide de ce réseau qui se veut décarboné. L’objectif est de couvrir tout le territoire national et, si possible, de s’imposer comme un standard au niveau aérien, avec des ZESpack pouvant être adaptés aussi bien à l’emport de batteries que d’hydrogène.

Du greenwashing fluvial ?

ZES se veut ainsi très rassurant sur l’aspect non polluant de sa solution ZESpack. Non seulement les moteurs électriques n’émettent pas de particules, mais les conteneurs de batteries seront rechargés, dans les infrastructures portuaires, via de l’énergie 100 % renouvelable. Promis, juré. Mais, dans le même temps, ZES annonce que ces ZESpack, quand ils seront au sol, seront reliés au réseau électrique général, qu’ils contribueront à alimenter et à stabiliser lorsque cela est nécessaire. Dès lors, tout porte à croire que les ZESpack ne seront pas rechargés par leurs propres éoliennes et panneaux solaires, mais bien par le réseau général qui est lui-même alimenté par toutes sortes de centrales de production, vertes ou non.

Si les Pays-Bas sont connus pour leurs parcs éoliens et leurs grandes implantations photovoltaïques, la très grande majorité de l’électricité reste produite à partir d’énergies fossiles (76 % en 2019). Et, à quelques exceptions près, dont la France, c’est encore le cas dans une bonne partie de l’Europe. Dès lors, la proposition de ZES n’est-elle qu’une énième tentative de greenwashing ? Pas vraiment. Déjà car même si une partie de l’électricité des futures barges électriques provient d’énergies fossiles, les barges à moteurs thermiques consomment, elles, 100 % d’énergies fossiles. De plus, le réseau électrique néerlandais se décarbone lentement mais progressivement. Et des solutions telles que les ZESpack, qui mettraient aussi des années à se déployer massivement, pourraient soutenir cette croissance des énergies vertes.

En effet, le gros défaut du solaire et de l’éolien reste leur intermittence, avec une production nulle lors des nuits sans vent par exemple. La possibilité de pouvoir utiliser les ZESpack comme autant de mini-centrales capables d’alimenter ponctuellement le réseau et de compenser en partie cette intermittence est donc un argument marketing sérieux pour ZES, aussi bien auprès des clients finaux que des autorités néerlandaises. À voir si l’entreprise réussira à tirer son épingle du jeu au milieu de toutes les initiatives qui tentent d’aller dans ce sens.

Source : Electrek

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Commentaires (10)

Martin_Penwald
Ça n’a pas l’air complètement absurde comme concept si on part du principe que les conteneurs-batteries servent essentiellement au stockage d’énergie d’une grille et qu’une petite partie sert à alimenter des péniches.
Adrift
C’est briliant l’idee des containeurs! Jamais entendu parle!
bennukem
L’alimentation distribuée par container existe depuis longtemps (même en électrique). La différence est de le mettre sur une péniche pour sa propulsion.
philouze
j’ai entendu parler de cette histoire de containers pour du transport carrément transatlantique, avec un échange aux açores !<br /> contrairement à la voiture, la logique su swap prend tout son sens en maritime, parce qu’on dispose déjà d’un format unique planétaire et de tous les systèmes de manutention associés, là aussi dans le monde entier.<br /> Et ce form-factor est tellement pratique qu’il ne risque pas de brider l’évolution des chimies, on le branche sur le jus du port, et les BMS ainsi que chargeurs se trouveraient toujours dans le container.<br /> Je dois pouvoir retrouver le lien des gars (allemands de mémoire) qui théorisent le cargo longue distance par swap-batt
nickOh
Il y avait le système Betterplace, avec les VE renault Fluence, même principe:<br /> la voiture passe dans une station automatique qui lui échange ses batteries vides contre des pleines en 2 minutes chrono (un automate fait l’échange par le dessous de la voiture).<br /> C’était un concept lancé en israel, mais ça a fait flop, sûrement pour les raisons technique et de format non standard évoqués par Philouze
philouze
j’ai retouvré le lien :<br /> The Maritime Executive<br /> Could Battery-Powered Container Ships Serve Transatlantic Trade?<br /> Prospects for Battery-Electric Container Ships across the North Atlantic<br /> Many years ago, Universi...<br /> cette histoire de container-batteries swap est probablement l’avenir
xeno
Je serais curieux de connaitre le tarif de cette péniche, je ne serais pas surpris que l’on dépasse le million euros
Vattic
Bonjour,<br /> Xeno, en quoi le prix serait différent ou plus cher qu’une péniche classique à moteur thermique ?
philouze
De toute façon, la seule chose qui compte, c’est le TCO (cout total de possession) par tranches de dizaines d’années.<br /> Les engins pros sont tous achetés soit par emprunt soit par leasing, particulièrement dans le deuxième cas, on se fiche totalement du cout initial d’acquisition, ce qui change, c’est le montant de la mensualité tout compris, incluant le lissage de la maintenance, les couts carburants, de manute s’il y en a.<br /> Et il y a fort à parier que c’est beaucoup moins cher.
jfachal
Oui quel dommage que les constructeurs de voitures ne se soient pas entendus sur un standard permettant ce système, ne serait-ce pas vraiment ça la révolution électrique permettant les longs trajets grâce aux stations services d’échanges !
philouze
le problème est très très différent en fait !<br /> en automobile tu es dans un monde hyper contraint niveau volume / design / structure et une énorme dispersion de taille et de besoins.<br /> Du simple fait de la contrainte volume, entre 2013 et 2021 il aurait déjà fallu changer trois fois de form-factor, deux à trois fois de chimie/BMS, au moins une fois de voltage.<br /> une standardisation aurait totalement figé tout ça.<br /> Mais surtout, comparé aux cargos, le nombre de «&nbsp;mobiles&nbsp;» est démesuré, de l’ordre d’un milliard.<br /> Le maritime mondial c’est seulement 90/ 100k cargos pour le monde entier. c’est 4 ordres de grandeur plus bas.<br /> Ajoute à ça seulement 5000 porte-conteneurs et moins de 150 grands ports dans le monde soit … seulement 150 «&nbsp;stations&nbsp;» à équiper pour le swap de toute une planète !<br /> Toute une planète qui possède déjà deux standards mondiaux : le containair et l’europalette.<br /> En automobile il te faudrait au minimum un standard par taille de caisse, et autant de batteries dormantes que de potentielles voitures par jour , multiplié par autant de zones de recharges qu’en plus on souhaite proches (puisque le but c’est d’avoir de moins grosses batteries).<br /> Comme contrairement aux cargos tu peux partir dans n’importe quelle direction et pour n’importe quelle «&nbsp;portée&nbsp;» (tu ne traverses pas un océan avec un calendrier prévu 6 mois à l’avance) , tu dois trouver impérativement une batterie fraiche n’importe où., toi et … 30 millions d’autres automobilistes.<br /> Souviens toi, au début de l’automobile, il fallait 30 000 stations essence rien qu’en france.<br /> ça revient littéralement à exploser ton parc de batteries. Et c’est bien ce que tu constates en bricolage électro portatif : pour une perceuse, 2 batteries, minimum… et encore dans ce cas tu n’as qu’un seul lieu d’usage à la fois.
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