WebView2, Electron, Chromium partout. Sur Windows 11, le web ne se contente plus d’interfacer des applications, il structure désormais des éléments clés de l’UI. Un choix assumé pour accélérer le développement, mais dont les effets sur les performances et la cohérence de l’expérience commencent à sérieusement interroger.

Pour le père du JavaScript, le vrai problème de Windows 11 n’a rien à voir avec l’IA. © Melnikov Dmitriy / Shutterstock
Pour le père du JavaScript, le vrai problème de Windows 11 n’a rien à voir avec l’IA. © Melnikov Dmitriy / Shutterstock

C’est un malaise récemment formulé de manière très directe par Brendan Eich en réaction à une polémique en réaction à une polémique pourtant centrée sur un tout autre sujet, celui d’une supposée réécriture de Windows 11 à l’aide de l’IA. Dans un tweet relayant la controverse, le créateur de JavaScript et PDG de Brave a estimé que le débat passait à côté de l’essentiel. « Le vrai sujet est ailleurs. Windows 11 a un problème plus important, et il s’appelle WebView2 ou Electron », a-t-il lâché. Une manière de dénoncer une approche « web d’abord » menée sans le soin nécessaire, et de rappeler que, derrière les discussions sur l’IA ou les langages, ce sont avant tout des choix d’architecture et d’intégration qui pèsent aujourd’hui sur l’expérience.

Du natif au web encapsulé, telle est la vie que Windows 11 a décidé de mener

Car sur Windows 11, voilà déjà un moment que le recours aux technologies web ne relève plus du détail. Microsoft s’appuie désormais massivement sur WebView2, un composant basé sur Chromium et intégré au système, pour afficher des interfaces web au sein d’applications Windows, comme Teams, les widgets, le nouvel Outlook ou l’application Copilot. Dans le même temps, les grands éditeurs multiplient les clients Electron qui embarquent leur propre moteur Chromium, à l’image de Discord ou, pendant longtemps, WhatsApp.

Sur le plan industriel, le raisonnement se tient. Miser sur une interface web permet de partager une base de code entre plusieurs plateformes, d’accélérer les cycles de développement et de déployer des mises à jour sans toucher aux fondations du système. À l’échelle de Windows et de ses centaines de millions de machines actives, l’argument pèse lourd, vous en conviendrez.

Jusqu’à présent, ce recours aux technologies web concernait essentiellement des applications en périphérie du système. Des logiciels à part entière, identifiables comme tels, dont l’architecture interne importait finalement assez peu tant que les usages suivaient. Mais depuis quelque temps, ce choix technique s’étend à des éléments beaucoup plus centraux de l’interface, que l’on considérait encore récemment comme pleinement natifs.

C’est par exemple le cas de la barre de recherche, quand bien même la recherche web serait désactivée, tout comme de la nouvelle vue Agenda du centre de notifications. Des fonctionnalités que Windows 10 prenait en charge via ses propres composants d’interface, et que Windows 11 traite désormais de manière plus hybride, mêlant code système et éléments web intégrés.

Des choix techniques qui finissent par peser sur l’expérience

Cette stratégie ne serait sans doute pas autant commentée si elle ne s’accompagnait pas d’effets très visibles, et pas qu’en bien. Or, ce sont bien ces impacts indésirables concrets sur l’expérience utilisateur qui ont poussé Brendan Eich à sortir du bois. Multiplication des processus liés à Chromium, temps de réponse parfois inégaux, intégration perfectible avec le reste du système, et surtout empreinte mémoire très élevée, alors que des applications comme Discord, WhatsApp ou Teams dépassent régulièrement le gigaoctet de RAM, y compris en usage modéré.

Pour autant, Eich ne plaide pas pour un rejet des applications web. Il conteste surtout une manière de les utiliser comme raccourci pour éviter d’avoir à investir dans des interfaces mieux adaptées au contexte du système. Il ne s’agit évidemment pas d’opposer web et natif, un débat qu’il juge réducteur, mais de pointer la tentation de privilégier la rapidité de développement au détriment de l’intégration et de la qualité d’usage. « Ça peut être bien fait, mais ça prend du temps », rappelle-t-il.

Un temps que les éditeurs ne semblent manifestement pas toujours disposés à prendre. Quand un client comme Discord en vient à tester un dispositif de redémarrage automatique pour contenir sa consommation mémoire, faute de pouvoir optimiser rapidement son architecture Electron, et que Microsoft choisit d’isoler les appels Teams dans un processus distinct pour limiter les effets de bord, difficile de croire que l’optimisation bien faite soit au cœur des priorités.

Windows 11
  • Refonte graphique de l'interface réussie
  • Snap amélioré
  • Groupes d'ancrage efficaces
8 / 10