Alors que tous les regards sont tournés vers les fonctionnalités grand public d'Apple Intelligence, la firme de Cupertino prépare une avancée plus discrète mais tout aussi stratégique au cœur de ses laboratoires. L'entreprise explore activement l'utilisation de l'intelligence artificielle générative pour concevoir ses futures puces, une démarche visant à accélérer le développement et à maîtriser une complexité matérielle toujours croissante.

Cette approche s'inscrit dans la continuité de la stratégie de maîtrise matérielle d'Apple, entamée il y a plus d'une décennie avec les puces A des iPhone. © Apple.
Cette approche s'inscrit dans la continuité de la stratégie de maîtrise matérielle d'Apple, entamée il y a plus d'une décennie avec les puces A des iPhone. © Apple.

Cette orientation a été confirmée par Johny Srouji, le vice-président senior des technologies matérielles d'Apple, lors d'une rare prise de parole en Belgique. Loin des annonces tapageuses, il s'agit d'une évolution de fond qui pourrait redéfinir la manière dont les processeurs des iPhone, Mac et autres appareils de la marque sont créés.

Un gain de productivité pour des puces toujours plus complexes

L'objectif principal affiché par Apple est un gain d'efficacité significatif. Selon Johny Srouji, « les techniques d'IA générative ont un fort potentiel pour réaliser plus de travail de conception en moins de temps, et cela peut représenter un énorme gain de productivité ». Face à des puces devenant de plus en plus sophistiquées, intégrant des milliards de transistors et des cœurs spécialisés, les méthodes de conception traditionnelles atteignent leurs limites.

L'intelligence artificielle interviendrait pour automatiser des tâches particulièrement chronophages et répétitives dans le cycle de développement. Parmi celles-ci figurent l'optimisation de l'agencement des circuits (layout), la vérification des erreurs ou encore la gestion thermique. En déléguant ces opérations à des algorithmes, les ingénieurs d'Apple pourraient se concentrer sur des décisions architecturales à plus forte valeur ajoutée, permettant des cycles d'expérimentation plus rapides.

Ces nouvelles méthodes de conception pourraient aussi servir à Apple dans le développement de son infrastructure de serveurs IA. © Clubic
Ces nouvelles méthodes de conception pourraient aussi servir à Apple dans le développement de son infrastructure de serveurs IA. © Clubic

Pour y parvenir, Apple s'appuie sur des logiciels spécialisés connus sous le nom d'outils EDA (Electronic Design Automation). La firme de Cupertino ne développe pas ces solutions elle-même mais collabore étroitement avec les leaders du secteur, Cadence et Synopsys. Ces deux entreprises sont déjà engagées dans une course pour intégrer des capacités d'IA dans leurs plateformes, rendant cette transition naturelle pour leur client californien.

Dans la lignée de la transition vers Apple Silicon

L'adoption de l'IA pour la conception des puces n'est pas une décision soudaine, mais bien une nouvelle étape dans la longue quête d'autonomie et d'optimisation d'Apple. Johny Srouji a rappelé que cette aventure a débuté en 2010 avec la puce A4, le premier SoC (system-on-a-chip) conçu en interne pour l'iPhone. Depuis, cette stratégie a permis à Apple de créer une intégration matérielle et logicielle particulièrement poussée sur l'ensemble de ses gammes, de l'iPad au Vision Pro.

Cette démarche trouve son apogée dans le pari audacieux de la transition des Mac vers les puces Apple Silicon en 2020. Srouji a qualifié cette décision de « pari immense » pour lequel il n'existait « aucun plan de secours ». Le succès de cette migration, qui a permis des gains notables en performance et en efficacité énergétique, a validé l'approche d'Apple et renforcé sa volonté de contrôler chaque aspect de sa feuille de route produit.

En 2020, Tim Cook annonce la transition vers Apple Silicon pour ses Mac. © Apple

L'investissement dans l'IA pour le matériel offre un contrepoint intéressant aux critiques sur le retard supposé de la firme en matière d'IA grand public. Pendant que des fonctionnalités comme Apple Intelligence se déploient progressivement, l'entreprise travaille en coulisses pour consolider son avantage au niveau du silicium. Cette approche fondamentale pourrait, à terme, raccourcir les cycles de développement de plusieurs années à quelques mois, donnant à Apple un avantage concurrentiel durable.

Source : WCCFTECH