Alors que la Suisse pourrait remettre en cause la confidentialité de certaines données dans le cadre d'une révision de deux ordonnances, Infomaniak annonce l'arrivée prochaine du chiffrement pour sa messagerie.

- Infomaniak va introduire le chiffrement pour ses emails sans pousser pour l'anonymat complet, contrairement à Proton.
- La révision des lois suisses sur la surveillance des télécoms inquiète Proton, vue comme une attaque à l'anonymat.
- Infomaniak défend l'équilibre entre sécurité et vie privée, pointant les limites d'un anonymat total sur Internet.
L'approche d'Infomaniak va cependant être bien différente de celle proposée par Proton. En effet, alors que la Suisse est en pleine révision de sa loi sur la surveillance des communications, l'entreprise n'envisage aucunement de favoriser l'anonymat de ses utilisateurs.
Infomaniak tacle Proton : Internet ne doit pas être le Far West
Le Conseil fédéral a ordonné la révision de deux ordonnances clés encadrant la surveillance des télécommunications afin de les moderniser pour mieux répondre aux besoins des autorités. Dans le cadre des discussions en cours, Proton affiche une position relativement ferme vis-à-vis du chiffrement. Son PDG Andy Yen a récemment affirmé que "cette révision tente de mettre en place quelque chose qui a été jugé illégale dans l'UE et aux États-Unis. Le seul pays d'Europe qui possède une loi à peu près équivalente est la Russie".
Face à ces propos, la société suisse Infomaniak, elle, reste modérée. D'ailleurs, son porte-parole Thomas Jacobsen, récemment intervenu dans un débat sur RTS, n'hésite pas à critiquer le PDG de Proton en affirmant que comparer ce qu'il se passe en Suisse à la Russie "fait preuve d'un manque de connaissance des institutions politiques suisses assez certain". Selon M. Jacobsen, il vaut mieux travailler à trouver le bon équilibre plutôt que de rechercher les extrêmes.
05 mai 2025 à 10h37
Pour Infomaniak, des sociétés privées comme Proton, qui prônent l'anonymat, empêchent la justice de faire son travail, ce qui conduit le conseil fédéral suisse à vouloir, au contraire, archiver un maximum de données sur les citoyens suisses et européens. "Il doit y avoir un juste milieu et le numérique ne doit pas être un Far-West", explique le représentant de l'hébergeur suisse, en déplorant le fait qu'une entreprise comme Proton propose un service gratuit permettant à n'importe qui de rester opaque face à la loi.
L'homme rappelle que la loi en discussion ne s'intéresse pas au contenu-même des messages, mais à la collecte des connexions, des identifiants techniques, des relations entre les utilisateurs ou des métadonnées des services utilisés. Dans ce contexte, Thomas Jacobsen affirme que le problème n'est pas tant le chiffrement, mais l'anonymat. Selon lui, si des entreprises comme Proton montent au créneau, c'est parce que cela annonce la fin potentielle de leur modèle économique.
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Trouver le juste milieu
Pour Infomaniak, l'important est donc de ne pas aller dans des extrêmes. "Il nous faut des activistes et la démocratie ne peut fonctionner que si nous pouvons sainement remettre en cause ses dysfonctionnements", estime M.Jacobsen.
Il prend comme exemple la Chine qui contacterait la confédération suisse via Interpol pour obtenir des informations sur une personne utilisant les services d'Infomaniak. Si les autorités suisses acceptent d'ouvrir le dossier, elles contacteraient l'entreprise. Selon le porte-parole, pour Boris Siegenthaler, fondateur et directeur stratégique de l'entreprise, "la réponse est sans appel : le jour où des activistes, pour des causes climatiques, humanitaires ou démocratiques importantes, sont dans le collimateur, nous nous opposerons à cette demande".
En parallèle, un anonymat complet n'est certainement pas la solution pour la société. "Je ne pense pas que les citoyens suisses et européens ont envie d'avoir sur la conscience des problèmes juridiques, comme par exemple le cas d'un viol d'une fille avec l'impossibilité de remonter le réseau parce qu'on ne peut pas accéder aux données", explique-t-il. Selon lui, ça ne doit bien évidemment pas impliquer une surveillance généralisée. Cependant, il souligne : "je ne suis pas sûr que Proton n'héberge que des héros".
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Infomaniak Mail : une messagerie prochainement chiffrée mais sans anonymat
La vie privée reste en tout cas un élément important chez Infomaniak. M. Jacobsen annonce ainsi : "chez Infomaniak on va, nous aussi, aller sur du mail chiffré, pour protéger le contenu des emails, par exemple, pour des données sensibles et médicales, pour de la recherche de développement, par contre, sans anonymat".
Ces propos font écho à ceux de Julien Arnoux en décembre 2023, lequel nous expliquait que plusieurs pistes étaient explorées pour mettre en place un dispositif de chiffrement, en soulignant qu'il est déjà possible d'utiliser une extension comme Mailvelope.
Il semblerait en tout cas que ces travaux soient toujours bel et bien en cours. Cela devrait signifier qu'Infomaniak sera en mesure de conserver certaines métadonnées requises par la loi en cours de révision comme l'heure de l'envoi d'un email ou d'établir des relations entre plusieurs utilisateurs tout en assurant une confidentialité sur la nature-même des échanges.
Il est aussi important de rappeler qu'à l'heure actuelle, ces révisions demandent la suppression des dispositifs de chiffrement mis en place par les sociétés elles-mêmes, à l'exception d'un chiffrement de bout en bout. Concrètement, les entreprises pourront continuer de remettre les clés de ce chiffrement dans les mains des utilisateurs, mais devront retirer toute forme de cryptage visant à masquer les connexions et méta-données.