AptX Lossless, l'offensive de Qualcomm contre Apple pour de l'audio sans-fil et sans perte

Guillaume Fourcadier
Par Guillaume Fourcadier, Spécialiste Audio.
Publié le 03 septembre 2021 à 15h15
© Qualcomm
© Qualcomm

Loin de l'annonce en grande pompe de sa technologie/certification Snapdragon Sound, le fondeur vient de dévoiler un futur codec qui, au moins pour ce qu'il représente (en particulier en marketing), pourrait bien donner un petit coup de fouet au Bluetooth audio.

En effet, le nouveau codec AptX lossless est le premier du genre à revendiquer une qualité potentiellement lossless, c’est-à-dire sans aucune perte de données entre le fichier 16 bits d'origine (qualité CD) et l'appareil Bluetooth.

AptX Lossless : la possibilité du sans-faute

Pas encore très détaillé (mais Qualcomm/CSR ne dévoile jamais totalement ses recettes), le codec AptX Lossless n'est pas à prendre
comme un codec purement lossless, mais plutôt un modèle « scalable to
lossless
 », à l'image du peu connu codec non-Bluetooth AAC-SLS (noyau AAC et bitrate adaptatif qui permet d'aller jusqu'à une qualité lossless).

L'AptX Lossless repose sur la base du codec AptX Adaptive, mais plus étendue. Il peut ainsi aller non pas d'un bitrate 279 kbs à 420 kbs,
mais de 120 kbs à plus de 1 mbs. Ce débit étant adaptatif, la puce Qualcomm choisira, en fonction des conditions (puissance émission/réception, encombrement radio de l'environnement), le bitrate optimal afin de ne jamais avoir de décrochage sonore.

À faible et moyen bitrate, la qualité sera donc à pertes, bien que l'AptX Adaptive soit déjà très optimisé.

Mais, à partir d'un certain seuil, plus aucun algorithme à pertes ne sera en jeu, si bien que le codec pourra être considéré comme bit perfect par rapport au signal d'origine. Un fichier FLAC 16 bits/44,1 kHz pourra
donc se retrouver, au format AptX Lossless, sur la puce Bluetooth d'un casque ou d'un écouteur, sans qu'aucune donnée musicale n'ait été retirée. Le codec sera capable de détecter si la source est lossless et d'autoriser automatiquement de pousser (si cela est possible) le bitrate jusqu'à ce seuil lossless.

© Qualcomm
© Qualcomm

Pour les amoureux du 24 bits/96 kHz, il sera même possible de fonctionner dans cette qualité, mais avec une compression à pertes.

Forcément, il n'y aura pas, même avec des optimisations, de miracles sur l'autonomie en qualité lossless. Cela demandera un débit important et, par conséquent, une endurance réduite par rapport à des débits moyens.

 Un codec Bluetooth ? Oui et non

Bien sûr, la promesse est importante, mais il faut tout de même ne pas oublier qu'elle est avant tout marketing. Il faudra bien la détailler, lire entre les lignes et attendre quelques confirmations. Cela nous pousse immanquablement à relever déjà quelques bémols.

Pour commencer, si l'AptX Adaptive est un codec que l'on trouve en standard sur l'essentiel des smartphones récents (intégrable depuis Android 10), ce ne sera pas le cas avec l'AptX Lossless, en tout cas dans un premier temps.

Un appareil supportant ce format devrait obligatoirement être certifié Qualcomm Snapdragon Sound. La chaîne du son devra donc être, de bout en bout (smartphone et casque/écouteur), équipée de puces Qualcomm, bardées d'éléments propriétaires, pour des marques qui auront payé leur gabelle à Qualcomm.

Cette technologie met en jeu un certain nombre d'optimisations hardware et de modifications dans les couches logicielles du Bluetooth. L'un des exemples les plus parlants est l'utilisation, pour atteindre le 1 mbs de
l'AptX Lossless, du Bluetooth High Speed Link, une modulation particulière pour les envois de données, là aussi développée par Qualcomm.

La question peut donc se poser : l'AptX Lossless peut-il vraiment être considéré comme un codec Bluetooth ? La notion de standard universel est tellement loin avec ce codec qu'il n'est de toute façon pas question de le voir arriver sur des appareils type Apple (qui a horreur de la
technologie propriétaire des autres). De plus, beaucoup de marques maintenant réfractaires à Qualcomm, comme Sony, risquent là aussi de le bouder au profil du LDAC et du LC3. L'AptX Lossless est presque un « codec audio pour le protocole Qualcomm, avant d'être un codec audio pour le protocole Bluetooth ».

Autre crainte, que nous confirmerons ou non avec les premiers modèles compatibles : comment pourra-t-on vérifier que la qualité, à un instant T, est lossless et non lossy, puisque ce codec adapte son bitrate en
permanence ? Partir sur une approche scalable est la seule chose à faire avec un environnement Bluetooth, mais s'il faut se dire « ce codec est lossless, mais actuellement, je ne peux pas dire si c'est vraiment le cas », nous sommes déjà dans une certaine ambiguïté.

Est-il vraiment nécessaire de s'enthousiasmer pour ce codec quand le futur LC3, standardisé (et obligatoire pour le LE Audio), pourra être adaptatif de 160 kbs à 1 mbs ? L'avenir nous le dira.

Source : TechPowerUp

Par Guillaume Fourcadier
Spécialiste Audio

Tombé dans l'audio depuis tout petit mais certainement pas audiophile, je navigue entre Hifi indécente et modèles plus abordables avec le même plaisir. Rédacteur audio sur Clubic et malheureux addict à Binding of Isaac, à retrouver sur le pire réseau social de la création en tant que Guifou.

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
NumLOCK

Pourquoi s’obstiner à utiliser Bluetooth avec des Codecs super complexes et propriétaires pour faire passer au chausse-pied un son dont la qualité varie en fonction d’où on s’assied dans le bus… Ça m’échappe !

Pourquoi ne pas simplement larguer Bluetooth et passer vers un protocole à plus large bande passante, genre Wi-Fi direct en version low power. Exit les codecs complexes, juste qq chose qui fonctionne. Mais non !

Popoulo

Tout est dit.

guifou

Parce que même en prenant un wifi low power, les ordres de puissance, et donc de consommation, ne seraient plus du tout les mêmes, sans parler des avantages sur la souplesses des profils (ne pas oublier qu’il n’y a pas que le profil audio sur des casques Bluetooth). Pour un smartphone ça n’est absolument pas grave, pour des petits True Wireless ou des casques, bien plus.

NumLOCK

C’est juste… mais pour un coût de développement inférieur à celui de tous ces nouveaux codecs, on aurait sûrement pu développer une norme Wi-Fi ultra low power offrant une bande passante adéquate, et peut-être même compatible avec les smartphones actuels via une màj logicielle.

Et là, plus besoin de codecs ultra complexes… qui consomment actuellement beaucoup d’énergie pour décoder leur bitstream au sein des écouteurs !

c_planet

C’est plus simple et plus vite rentable de continuer dans la même voie. De toute façon le grand public ne fait pas de comparatif, si on leur dit que c’est mieux ils ne vont pas aller rechercher la contre expertise sur les deux-trois sites spécialisés qui auront démêlé le vrai du faux. … par exemple, qui se soucie que spotify fonctionne sur du faux 320kbps ? personne.

ce codec est lossless, mais actuellement, je ne peux pas dire si c’est vraiment le cas

tout est dit. c’est taillé pour le grand public qui ne fera pas de comparatif.

guifou

Il y a eu par le passé des protocoles sans-fil basse consommation dédiés à l’audio, comme le Kleer Audio, qui permettaient déjà du lossless (au moins sur le papier). Mais, pour plusieurs raisons, cela n’a pas pris (probablement parcequ’il était trop tôt, et parce que le côté très polyvalent du Bluetooth reste un avantage).

Pour ma part, je pense que justement, le côté nomade fait qu’on survend beaucoup trop l’importance du lossless (qui passe bien après la qualité d’un mixage, des écouteurs, et de la cohérence du trio DSP/DAC/Ampli de ces petits écouteurs et casques selon moi).

En sédentaire, il n’y a pas de problématique de consommation (ou presque), on peut passer par du Wifi, même en Hi-Res, c’est totalement normal de vouloir le meilleur puisqu’il n’y a pas (ou plus) de compromis majeur à faire.
En nomade, je préfère miser sur des codecs next-gen type AptX Adaptive et LC3 très optimisés, qui je suis sûr seront indiscernables du lossless avec des écouteurs et casques Bluetooth, mais permettront d’avoir une autonomie deux fois plus importante, et conserver des options comme le multipoint, ainsi que les futurs avantages du BLE Audio. D’où ma vision de ce « graal lossless » en Bluetooth comme un argument principalement marketing, pourtant relayé sans trop de recul par la plupart des sites tech.

guifou

Pourquoi du faux 320 kbs ?

MattS32

Non. Le Wi-Fi consomme plus parce qu’il a un débit supérieur et parce que les couches protocolaires pour le gérer sont plus complexes, donc nécessitent plus de traitement.

Le BT de son côté a un débit limité, mais justement parce qu’il a été optimisé pour la consommation, pas pour le débit, avec des protocoles faits pour, etc…

Faire un Wi-Fi ultra low power, c’est en gros redévelopper le BT, et se retrouver avec une truc qui aura une bande passante aussi faible, si ce n’est plus si on garde la complexité protocolaire du Wi-Fi.

Et aucune chance d’arriver à l’efficacité énergétique du BT avec du Wi-Fi et une simple mise à jour logiciel. L’efficacité énergétique du BT vient du fait qu’une partie du protocole est câblée directement en hardware plutôt que d’être soft.

c_planet

simplement parce que quand j’ai acheté mon ampli (marantz nr1200), j’ai comparé le même album en spotify premium vs version 320 que j’ai en réseau local, et ce n’est pas la même qualité, la version 320 spotify n’est pas au niveau.

jeanlain

Lol, et toute cette analyse se base sur quoi, à part ton doigt mouillé ?
Si tu baisses la puissance de ton wifi, tu perdras en débit, et te retrouvera avec un équivalent au bluetooth…
Le bluetooth évolue régulièrement, tu peux difficilement faire plus efficace en terme portée/consommation/débit…