Planets³ sur Kickstarter : le bilan d'une campagne réussie avec son créateur

09 avril 2014 à 14h15
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Un mois après son démarrage, la campagne de financement du jeu Planets³, développé par le studio français Cubical Drift, s'est terminée avec succès sur Kickstarter. Comme promis lors de la publication de notre interview de Michel Thomazeau début mars, nous revenons sur la campagne et ses rebondissements dans un nouvel entretien, qui fait le bilan.

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Michel Thomazeau
Les campagnes de financement participatif se suivent, et ne ressemblent pas. A l'heure où de plus en plus d'entreprises françaises se lancent dans l'aventure, évoquer le destin de certaines d'entres elles permet de mieux cerner les enjeux d'une telle démarche, loin d'être anodine. Michel Thomazeau, le fondateur du studio de jeu vidéo Cubical Drift, s'est lancé avec son équipe dans l'aventure Kickstarter début mars. Un mois plus tard, son jeu, Planets³, a atteint son objectif et l'a même dépassé en atteignant 310 000 dollars, pour 250 000 demandés. Mais malgré une campagne qui n'aura pas été de tout repos, rien n'est encore terminé, loin de là !

Bonjour Michel Thomazeau ! Quel est votre état d'esprit, maintenant que la campagne de financement est terminée ?

Je ressens un grand soulagement ! Ca aura été 30 jours très difficiles et très fatigants pour toute l'équipe. On était inquiet et on a douté, car nous avons dépassé le montant initialement demandé seulement 4 jours avant la fin de la campagne. C'est fantastique, c'était un véritable pari pour nous. Nous ne nous sommes pas lancés sur Kickstarter dans des conditions très favorables : nous n'avions pas d'alpha, nous sommes Français... un vrai challenge.

Une semaine avant la fin de la campagne, son issue était incertaine, pourtant au final elle a largement dépassé son objectif. Comment vous l'expliquez ?

Je pense qu'une fois qu'on a dépassé le palier de 250 000 dollars, il y a des personnes qui se décident à donner de l'argent alors que ce n'était pas le cas avant car elles estiment que ça vaut le coup, que le projet est assuré car déjà financé.

De notre côté, notre entourage a commencé à nous dire à mi-parcours, vers les 150 000 dollars, que ça allait être bon, ça allait marcher parce qu'il y a toujours un sursaut à la fin. Mais nous étions perplexes. Tout le long, le nombre de backers (les investisseurs sur Kickstarter) a évolué assez régulièrement, avec en moyenne 70 nouvelles personnes investissant chaque jour. Mais vu les montants engagés, la somme totale n'évoluait pas très vite. Dès le départ, d'ailleurs, la courbe n'était pas parfaite, ça n'évoluait pas comme il le fallait. Il a fallu attendre de passer au-dessus des 200 000 dollars pour que ça change vraiment.

Il y a eu des caps difficiles à passer, notamment aux environs des 180 000 dollars où la somme s'est mise à stagner.

On s'est demandé comment donner plus de visibilité au projet : c'est là qu'on nous a suggéré de dévoiler notre prototype, car de nombreux médias ne voulaient pas écrire au sujet de notre jeu sans voir quelque chose de concret. Nous avons donc donné l'accès au prototype deux semaines avant la fin de la campagne. Immédiatement, ça a créé un enthousiasme du côté des médias et de la communauté. Ça nous a étonné car notre prototype est tout de même très bugué, mais au final, ça a prouvé que nous étions prêt à travailler sur du concret.

Je pense que si nous avions lancé cette campagne trois ans avant, nous n'aurions eu aucun problème. Mais aujourd'hui, avec le financement participatif, les gens sont méfiants, car de nombreuses campagnes n'ont pas abouti, avec des créateurs qui sont partis avec l'argent... donc, les gens sont plus attentifs aux projets. Du coup, lancer une campagne sans rien à montrer, avec juste un concept, c'est très difficile aujourd'hui.

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Vous avez également ajouté du contenu, des paliers supplémentaires... c'était une stratégie prévue à la base ?

Pas du tout ! On l'a fait pour deux raisons : répondre à des demandes des backers, et tenter de gagner un peu plus d'argent. Mais ce n'était globalement pas très judicieux. Par exemple, les pets (animaux virtuels) n'étaient pas du tout prévus dans le jeu de base. On l'a fait parce qu'il y a eu des demandes. Mais au final, ça va nous coûter plus d'argent de les développer que ce que ça nous a rapporté durant la campagne. Ça n'était donc pas un bon choix au final.

Nous avons fait d'autres erreurs, notamment dans les paliers. Le palier à 35 dollars, incluant les deux licences, n'avait aucun sens. Et il est impossible de modifier un palier à partir du moment où un backer l'a pris. Nous étions donc coincés lorsque nous nous en sommes rendus compte.

Le fait est qu'une campagne comme ça dure 30 jours, et ce sont 30 jours éreintants durant lesquels il faut réfléchir rapidement et faire de bons choix. Dévoiler le prototype était un bon choix, mais les pets, c'était une erreur. Mais il fallait réagir rapidement, quitte à faire une erreur. Il faut trouver ce qui attire les gens et ce n'est pas toujours facile.

Comme vous le soulignez et comme ça a été possible de le voir en suivant la campagne, une communauté s'est très rapidement mise en place autour du jeu. Vous vous y attendiez ?

Au vu du type de jeu que l'on développe, oui. Planets³ est un jeu communautaire, on s'attendait donc à ce qu'une communauté se développe. Par contre, je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi rapide et que certains s'impliquent autant : au début de la campagne, notre équipe répondait au cas par cas à tous les messages postés en commentaires. Rapidement, les backers ont commencé à se répondre les uns aux autres, ont pris les échanges en main. Ca nous a beaucoup soulagé. Nous avons déjà créé une communauté de 10 000 personnes, ce n'est pas rien.

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Dans la mesure où l'alpha du jeu sort en fin d'année, il va falloir conserver cette communauté.

Je trouve que l'un des défauts majeurs de nombreux projets Kickstarter est le suivant : une fois qu'ils ont eu leur argent, les porteurs de projets ne communiquent plus assez avec les backers. Nous ne voulons pas ça : nous prévoyons de mettre en place une newsletter mensuelle à partir de juillet et, avant ça, mettre en place notre site, notre forum... nous allons recruter un community manager pour maintenir l'enthousiasme jusqu'à l'alpha.

Revenons-en à la campagne : vous avez eu environ 6000 investissements à hauteur de 20 dollars, mais vous en avez aussi eu quelques-uns à 1000, 2000, 5000 dollars... vous connaissez le profil des gens qui donnent autant ?

Concernant le palier à 1000 dollars, se sont beaucoup des proches du projet. Il n'y a que 2 backers qui nous sont inconnus sur ce palier. Pour les deux autres, c'est différent : sur le palier à 2000 dollars, il y a en réalité un Français qui a donné 2 fois 2000 dollars, pour des raisons purement techniques. Je l'ai contacté. Il s'agit d'une personne assez aisée, qui est tombée amoureuse du projet et qui voulait aider à lui faire voir le jour.

Du côté du palier à 5000 dollars, il y a eu deux backers. Néanmoins, nous n'avons encore touché aucun de ces dons. La raison à cela, c'est que les banques n'autorisent pas de tels débits, en tout cas pour les particuliers, car ce ne sont pas des montants anodins. Du coup, il est possible que nous ne recevions jamais l'argent lié à notre plus gros palier. Ca peut aussi commencer à bloquer avec celui de 2000 dollars.

Que ce passe-t-il dans ce cas-là ? Car de telles sommes peuvent faire chuter de façon conséquente le montant du financement.

Dans tous les cas, ça ne remet pas en cause le financement validé de la campagne. Il faut savoir que, sur Kickstarter, il y a en moyenne 10% du montant d'un financement qui n'est jamais récupéré. C'est principalement dû aux cartes bancaires qui ne passent pas. Sur les 310 000 dollars récoltés par Planets³, on peut donc estimer qu'environ 30 000 ne seront finalement pas récoltés.

A l'heure actuelle, nous avons passé le palier qui nous permet de développer le jeu sur Mac. On espère donc vraiment qu'une fois le bilan définitif dressé par Kickstarter, on pourra toujours assumer cette possibilité et que le montant total n'aura pas trop baissé.

Pour revenir aux gens qui ont investi 5000 dollars, c'est difficile de le dire avec certitude, mais je pense qu'ils savaient que le montant ne passerait pas. Peut-être ont-ils donnés autant pour booster la campagne. Au final, ça nous aide quand même, car ça a permis à la somme de décoller un peu plus. Nous avons pu atteindre les 250 000 dollars sans qu'aucun membre de l'équipe n'ait à compléter la somme.

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Vous avez déjà une idée de la répartition des backers par pays ?

Pas encore, car il faut que Kickstarter dresse le bilan final de la campagne. Une fois que l'histoire des cartes bancaires qui ne passe pas sera réglé, la plateforme va envoyer un sondage aux backers définitivement validés, notamment pour récolter des informations géographiques. Là, nous saurons.

On sait tout de même que nous avons, parmi nos backers, des Américains, des Français, des Allemands, des Chinois et des Japonais. Comme nous avons encouragé les gens à parler anglais dans les commentaires, comme Kickstarter est anglophone, nous n'avons pas pu identifier davantage. Mais nous attendons avec impatience les retours de Kickstarter : nous sommes notamment curieux de savoir si les Français ont été au rendez-vous alors que la France est au 6e range des pays les plus actifs sur le service.

Au final, si c'était à refaire, que changeriez-vous ?

Déjà, on le referait sans hésiter ! Mais, oui, on ferait certaines choses différemment. Déjà, les pets, on ne les aurait pas proposé.

Je pense qu'il y a eu des maladresses au niveau des paliers. Je parlais du palier à 35 dollars, je pense que c'était une erreur. Nous avons eu environ 6000 personnes qui ont donné 20 dollars pour avoir une licence du jeu avec accès à l'apha et à la bêta. Or, il faut savoir que le panier moyen sur Kickstarter est de 30 dollars. De fait, je pense que si nous avions proposé un palier à 30 dollars avec des bonus de jeu, nous n'aurions pas trop changé l'engagement des backers, et fait évoluer le financement plus rapidement.

Quant au prototype, je ne suis pas certain que nous aurions gagné à le sortir plus tôt car, au final, ça a créé un buzz très bénéfique sur la fin.

Maintenant que la campagne est terminée, que va-t-il se passer pour Cubical Drift ?

Beaucoup de choses ! Je pense que, souvent, les backers n'ont pas conscience que l'après Kickstarter est un travail monstrueux. Nous allons mettre en place notre site, notre boutique en ligne, notre forum... quand Kickstarter aura validé définitivement la campagne et nous aura envoyé les données concernant les investisseurs, nous allons devoir tout intégrer à nos bases de données. Ca va sans doute nous occuper jusqu'en mai. Et puis, il y a l'équipe de développement qui va se rassembler à Cannes. Ça va prendre un peu de temps car dans l'immédiat, l'équipe est éclatée un peu partout en Europe. On espère être opérationnel en juillet : ça va nous laisser peu de temps pour développer l'alpha, prévue pour la fin de l'année. Il va y avoir du travail !

Pour ma part, je travaille actuellement sur une première levée de fonds, en profitant de l'enthousiasme généré par la campagne. Car il faut bien comprendre que l'argent que nous allons récupérer par Kickstarter ne suffira pas à financer entièrement le jeu : une fois que la plateforme aura mis à jour la somme et récupéré sa part, et une fois la conversion faite, on devrait arriver aux environs de 150 000 euros. Ca nous laisse une épée de Damoclès au-dessus de la tête, du style « Dans 10 mois, on n'a plus d'argent ». On voudrait se détacher de ça pour se concentrer uniquement sur le développement du jeu.

Dans tous les cas, nous sommes heureux d'y être arrivés et d'avoir prouvé à ceux qui nous disaient qu'on n'y arriverait pas qu'ils avaient tort. Maintenant, on a hâte de démarrer concrètement le développement et de se consacrer uniquement au produit.

Merci !

Audrey Oeillet

Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques...

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Journaliste mais geekette avant tout, je m'intéresse aussi bien à la dernière tablette innovante qu'aux réseaux sociaux, aux offres mobiles, aux périphériques gamers ou encore aux livres électroniques, sans oublier les gadgets et autres actualités insolites liées à l'univers du hi-tech. Et comme il n'y a pas que les z'Internets dans la vie, j'aime aussi les jeux vidéo, les comics, la littérature SF, les séries télé et les chats. Et les poneys, évidemment.

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