SmartMédia publie une étude sur le WiFi

25 novembre 2003 à 00h00
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JB - Eric MONTAGNE, bonjour. Vous publiez une étude très complète sur la technologie WiFi. Quel est votre objectif ?

EM - Le Wi-Fi fait l'objet d'une médiatisation à outrance et il y a vraiment un décalage entre ce qui est dit sur cette technologie et ce qu'on constate sur le terrain. Notre objectif est donc de cerner les enjeux réels du WiFi et de faire un point complet sur cette technologie à la fin de l'année 2003 : Où en sont les normes et que vont changer les nouvelles générations du 802.11 ? Quelle est la situation réelle du Wi-Fi en matière de sécurité car on sait d'ores et déjà que le WPA ou le VPN ne sont pas la panacée qu'on nous avait prédit ? Quelles difficultés - et elles sont nombreuses et inattendues - rencontrent ceux qui déploient des infrastructures sans fil ? Quid du roaming, de l'interopérabilité, des modèles économiques, de la législation, etc. ? En somme, nous avons voulu poser l'ensemble des questions qui font débat autour du Wi-Fi pour y répondre de deux manières : dresser l'état de l'art le plus complet sur le Wi-Fi, et demander aux acteurs de terrain quels sont les enseignements qu'ils tirent de leur expérience du Wi-Fi. C'est pourquoi l'étude s'appuie sur de nombreux témoignages et exemples concrets.

Et quand vous consacrez plus de six mois de veille et d'entretiens avec ceux qui installent, utilisent, promeuvent, légalisent et monétisent les accès sans fil, cela apporte inévitablement des révélations surprenantes. Par exemple, l'anomalie du plus petit débit, une anomalie qui provient d'un dysfonctionnement d'un protocole de la norme Ethernet. On sait qu'un utilisateur connecté en Wi-Fi dispose en théorie d'un débit maximal de 11 Mbit/s qui passe à 6 puis à 2 puis à 1 Mbit/s à mesure qu'il s'éloigne de la borne. En clair, son signal se dégrade et son débit diminue. Or il suffit que parmi plusieurs utilisateurs connectés en même temps à un réseau Wi-Fi, l'un d'entre eux dispose d'un débit dégradé à 1 Mbit/s et transmette des données volumineuses, alors il va dégrader la bande passante de tous les autres utilisateurs en leur imposant leur propre contrainte de débit, même si ces derniers se trouvent à côté de la borne et pourraient donc bénéficier de débits plus élevés. C'est la loi des minimums. On imagine donc sans mal les conséquences que cela peut avoir sur des applications de téléchargement audio et vidéo ou sur des applications en entreprises qui consomment de la bande passante.

JB - A qui s'adresse cette étude ? Particuliers ? Entreprises ? Pouvoirs publics ? Collectivités locales ?

EM - En premier lieu, l'étude s'adresse aux directeurs des systèmes d'information qu'il s'agisse d'une entreprise, d'une collectivité (surtout celles qui ne seront jamais couvertes par le haut débit filaire) ou d'un établissement public (un hôpital, une université). Aujourd'hui, pour des raisons de productivité, d'efficacité et de souplesse, tout manager travaillant dans une entreprise équipée d'un réseau ne peut pas faire l'impasse du Wi-Fi. Faut-il déployer un accès sans fil pour remplacer des infrastructures filaires par trop contraignantes ? Faut-il permettre aux collaborateurs d'accéder à l'e-mail et au système d'information de l'entreprise via des accès publics ? Or tout va tellement vite dans le Wi-Fi en matière de coûts, d'usages, de normes, de modèles et d'équipements qu'il est crucial d'en comprendre les enjeux et de poser ouvertement les questions qui font débat. A cet égard, un effort particulier a été mené tout au long de l'étude pour expliquer les points techniques et éviter tout jargon abscons.

Mais le Wi-Fi est beaucoup plus qu'une nouvelle technologie. C'est une nouvelle manière de travailler qui est transversale dans l'entreprise au même titre que l'e-mail ou la messagerie instantanée. A court terme, tous les départements sont concernés : marketing, stratégie, division informatique, juriste, commercial, logistique... Prenons l'exemple d'une société ou d'un média présent sur Internet. Doit-il s'intéresser à cette technologie ? La réponse est sans équivoque si l'on considère que le Wi-Fi est un nouveau canal d'accès au Web, et donc à tous les contenus et services existant sur la Toile. Outre le fait qu'il induit de nouveaux modèles de rémunération des contenus, le Wi-Fi offre aussi la perspective de nouveaux usages interpersonnels (via le mode adhoc, par exemple, qui met directement en relation entre eux des individus sans passer par une borne). Dans les mois qui viennent, aucun portail, aucun site média ou de services via le Web ne pourra faire l'économie de s'interroger sur le potentiel qu'offre ce canal pour développer son activité.

JB - Les américains sont très en avance dans l'usage du WiFi. Observez vous de nouveaux usages aux Etats-Unis ?

EM - On commence à voir apparaître la téléphonie IP sur réseau Wi-Fi, et également des applications domestiques où toutes sortes d'appareils audiovisuels, micro-informatiques et électroménagers sont connectés sur un réseau Wi-Fi. Plus étonnant encore est le «mesh networking», une technologie qui transforme n'importe quel appareil sans fil en routeur, créant de fait un réseau adhoc - en clair, qui se passe de bornes de relais, à la manière d'un réseau peer-to-peer sur Internet. Dans ce schéma, les membres du réseau envoient des données qui circulent «clandestinement» de terminal à terminal jusqu'à ce qu'elles trouvent leur destinataire. De surcroît, former un réseau entre quelques utilisateurs ne prend que quelques secondes et il n'en faut pas davantage pour «faire disparaître» ce même réseau.

Sur le papier, le système est idéal pour toutes sortes d'applications professionnelles telles que des réunions impromptues par vidéoconférence. La société américaine MeshNetworks travaille même sur des systèmes qui permettraient à des équipes de secours envoyées sur des catastrophes ou des attentats de créer entre elles des réseaux spontanés simplement en allumant leurs PC ou leurs PDA. Et ce, même si toutes les infrastructures de communication ont été détruites. Mais évidemment, compte tenu de l'anonymat et des débits que confère la technologie, c'est à bien d'autres applications que pensent les « Meshers », celles-là même qui donnent des cauchemars aux producteurs de films et de musique sur Internet !

Enfin, plus simplement, on ne peut pas passer sous silence l'impact du Wi-Fi dans la productivité des sociétés américaines, en avance sur leurs homologues françaises. La société d'études indépendante NOP, spécialisée dans les télécoms vient de publier des travaux qui établissent sans ambiguïté des bénéfices mesurables pour les entreprises qui ont déployé des infrastructures de réseau local sans fil complètes. A cet effet, NOP a étudié plus de 400 entreprises américaines pionnières de plus de 100 salariés équipées de WLAN. L'un des résultats les plus significatifs concerne le temps additionnel moyen qu'un employé passe connecté au réseau de l'entreprise grâce au sans fil : + 3,5 heures en 2003 contre + 1,75 heures en 2001. Selon NOP, cet accroissement d'usage se traduit par un gain de productivité moyen de 27% parmi les employés, soit une économie moyenne de 14.000 dollars par an et par employé !

JB - Le WiFi est-il un marché d'opérateurs ou d'équipementiers ?

EM - Difficile de trancher de manière catégorique. C'est évidemment d'abord un marché d'équipementiers : avec sa technologie Centrino et les 300 millions de dollars qui ont été investis dans sa promotion, Intel a repris la main du marché des PC portables. fait de même pour asseoir sa position sur les Routeurs et les équipements réseaux. Microsoft vend du Windows XP par millions parce qu'il intègre le support du Wi-Fi, profitant de ce marché du renouvellement (pour la première fois, il se vend plus de PC portables dans le monde que de PC fixes). Et ces trois leaders ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Bien des équipementiers se sont engouffrés dans la brèche car le marché du Wi-Fi double chaque année, ce qui est une insulte au climat de morosité dans lequel est plongé le secteur high tech. Côté opérateurs, c'est plus nuancé. Les Wisp gagneront-ils de l'argent ? Et avec qui ? Avec les entreprises, avec les collectivités, avec les Hotspots ? Seront-ils absorbés par les opérateurs télécoms traditionnels qui ont le temps et l'argent pour eux ? Il est trop tôt pour répondre. Mais même sur le marché des hotspots où les perspectives de rentabilité s'avèrent plus qu'incertaines, les choses ne sont pas aussi tranchées. Prenons l'exemple de Tekworld. Cet opérateur gagne de l'argent en déployant des hotspots tournés vers les professionnels tels que les centres de congrès et les aéroports, surtout quand d'autres applications métiers ou dédiées au personnel sont déployées en même temps.

Avec des hôtels ou des cafés, Tekworld perd de l'argent parce que les clients ne sont pas encore là. En revanche, d'autres hotspots grand public marchent très bien. C'est le cas de la zone touristique des Ambiers où un réseau Wi-Fi couvre les hôtels, le port et d'autres équipements outdoor. C'est aussi le cas des bateaux de croisière avec des cybercafés qui proposent Internet grâce au Wi-Fi couplé à du satellite. Chacun apprend donc en marchant.

JB - Le WiFi pourra-t-il vraiment concurrencer la 3G ?

EM - Vaste question. Haut débit sans fil, multimédia mobile, les promesses du Wi-Fi et de l'UMTS semblent a priori jouer sur le même registre. Mais, outre un vocabulaire convergent, les différences s'imposent d'elles mêmes. D'abord les réseaux Wi-Fi sont des réseaux locaux sans fil qui n'ont pas pour vocation de couvrir tout le territoire comme un réseau cellulaire, mais d'apporter l'accès à Internet dans des lieux qui, traditionnellement, sont hors du champ d'application des infrastructures filaires : un café, un entrepôt, un chantier, partout où transitent des populations nomades même si l'usage d'Internet sur ledit lieu se fait en position fixe et non mobile. Pas question donc d'accéder à Internet dans sa voiture via une technologie Wi-Fi en sautant de bornes en bornes de la même manière qu'une communication téléphonique saute de cellule en cellule.

L'autre point clé est l'interopérabilité. Dans le monde de la téléphonie mobile, il a fallu dix ans pour obtenir un roaming parfait, c'est-à-dire l'interopérabilité des réseaux. Entre eux, les opérateurs ont créée une infrastructure très sophistiquée qui interconnecte bases de données, systèmes de facturation et centres d'appels. Les réseaux Wi-Fi sont loin d'offrir cette sophistication car ils ne sont pas réellement des réseaux mobiles. Ils ne permettent pas encore de passer indifféremment d'un hotspot à un autre sans interrompre la connexion - et même si les zones de couverture de ces hotspots sont continues. De surcroît, la technologie Wi-Fi est loin d'offrir une qualité de service du même ordre que celle à laquelle nous ont habitué les opérateurs de téléphonie avec le GSM. Si l'UMTS voit le jour, ce sera un réseau optimisé et prévisible ; le Wi-Fi, quant à lui, n'est pas «prévisible». Le débit et la propagation des ondes sont bien plus aléatoires dans le cas du Wi-Fi que dans le cas d'un réseau de téléphonie cellulaire. A contrario, le Wi-Fi est dérégulé, souple, accessible, déjà opérationnel. Son usage est clair, ses applications connues, et à portée équivalente, une antenne Wi-Fi revient 100 fois moins cher qu'une antenne UMTS. En marketing, on appelle cela une «killer technology». On ne peut pas dire la même chose de la 3G qui doit encore démontrer son bien-fondé.

Quoi qu'il en soit, les technologies sont de fait complémentaires, même si elles peuvent entrer en concurrence frontale selon les lieux et les usages. A ce propos, j'aime bien la remarque de Nicholas Negroponte, pionnier de l'Internet et professeur au MIT, qui recentre précisément le débat sur l'usage et non sur la technologie : « Si j'ai du haut débit, disons plus de 5 millions de bits par seconde, je suis certainement dans une situation où je suis très concentré sur le contenu qui s'affiche sur mon écran, ce qui suppose que mes mains, mes yeux et pas seulement mes oreilles sont pleinement sollicités. Dans ce contexte, je ne suis probablement pas en train de marcher. Or si je suis immobile, la plupart des problématiques techniques auxquelles ont dû faire face les opérateurs mobiles ne se posent pas. C'est là que le Wi-Fi s'imposera. »

JB - Quel est votre sentiment sur cette technologie ?

EM - Le Wi-Fi, ce sont les ailes d'Internet. En clair, c'est tout ce qui fait partie du quotidien sur Internet, le Web, l'e-mail, etc. avec un degré de liberté supplémentaire. C'est comme avec l'arrivée du téléphone mobile. Tout à coup, vous n'aviez plus besoin de cabine téléphonique. Le Wi-Fi apporte aujourd'hui une rupture d'usage d'un niveau équivalent.

A titre de journaliste professionnel, j'ai suivi de près depuis vingt ans l'évolution du marché des PC portables. Les fabricants ont toujours communiqué sur le facteur d'autonomie de ces appareils par rapport au PC fixe. Or la première fois que j'ai utilisé du Wi-Fi, j'ai tout de suite pris conscience qu'en réalité, je n'avais jamais été autonome malgré ce qu'on avait voulu me faire croire. Avec le Wi-Fi, la possibilité de me resynchroniser avec mon environnement professionnel, à distance, à toute heure, depuis n'importe quel lieu public équipé, sans avoir à chercher de prise ou à dérouler un quelconque câble donne un confort et une liberté sans équivalent.

Il y a eu l'Internet fixe, l'Internet mobile. Le Wi-Fi est le troisième Internet, l'Internet nomade, et on n'a pas fini de découvrir combien cette technologie va impacter notre quotidien. Bien sûr, les marchés vont se chercher ; il y aura des échecs, des défis à relever (les modèles économiques, la qualité de service...), mais le Wi-Fi est là pour durer et on en mesure déjà les bénéfices en Corée et aux Etats-Unis. Là-bas, de nombreux experts s'accordent à dire que l'impact du Wi-Fi dans les mois à venir pourrait être aussi fort que l'avènement de l'Internet lui-même car il porte en lui les germes de transformations majeures dans tous les domaines, du grand public aux collectivités en passant par les entreprises et les réseaux métropolitains et citoyens. Citons encore une fois Nicholas Negroponte : «le WiFi change la manière dont les gens communiquent, se réunissent, où ils travaillent et comment ils restent connectés. Ces changements vont profondément modifier le fonctionnement des entreprises et les usages des individus.» Si Negroponte est aussi bon prophète à propos du Wi-Fi qu'il l'a été à propos d'Internet, il y a dix ans, on n'a pas fini de mesurer les effets de la révolution du sans fil.

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