Pascal Thomas, Mappy : "C'est une erreur colossale de se concentrer sur le e-commerce"

21 février 2013 à 18h28
0
Déjà disponible en version bêta depuis plusieurs semaines, la nouvelle version de Mappy, pour l'heure baptisée « New Mappy », supplantera la mouture historique fin mars. A cette occasion, le service de cartographie et de géolocalisation français, propriété de Pages Jaunes Group - nouvellement Solocal Group - va grandement renforcer sa position d'acteur sur le marché local. Le point avec Pascal Thomas, PDG de Mappy et directeur New Media de Solocal.

Clubic : Bonjour Pascal Thomas. Avant d'évoquer la nouvelle version de Mappy, parlons un peu d'UrbanDive, dont les voitures reprennent actuellement la route après une pause hivernale. Où en êtes-vous de la captation photos des villes françaises ?

00FA000005707894-photo-logo-mappy.jpg
Pascal Thomas : C'est un vrai sujet. On a lancé cette initiative fin 2010, on a fait circuler 6 voitures, en ciblant les zones de vie, contrairement à Street View qui prend tout et n'importe quoi. On évite les zones pleines d'habitations pour ne pas déranger les gens. Nous avons, à l'heure actuelle, 70 000 km de rues couverts par UrbanDive, sur environ 320 000 km en France, et nous avons une logique de mise à jour permanente, en raison du taux de rotation des commerces, qui se situe entre 15 et 20%. De fait, on considère que l'on doit réactualiser nos images tous les deux ans environ pour ne pas montrer des rues totalement obsolètes : à titre de comparaison, certaines images de Google ont 5 ou 6 ans. Pour faire du business avec des images aussi vieilles, c'est compliqué, c'est vrai coup de chance si le commerce se trouve toujours au bon endroit.

Au-delà de ça, nous sommes en train de mettre en place un système de navigation naturel, qui va vous dire « tournez après tel magasin, après la station-service... » Ce sont des éléments visuels avec lesquels on se repère dans la rue. Si votre vision de la rue est obsolète, vous avez quelque chose de totalement faux, et c'est un vrai problème.

Dans quelle mesure l'expérience UrbanDive vous a servi pour la refonte de Mappy ?

Ce qu'on a appris avec UrbanDive, c'est qu'avec de telles photos, on a un horizon de vision d'à peu près 300 ou 500 mètres, ça permet de voir la « vraie vie » autour de soi. On s'est alors demandé quelle valeur ça avait pour l'utilisateur, d'un point de vue local. Et on s'est rendu compte que ça intéressait aussi les commerçants, et que ça pouvait faire une porte d'entrée sur le Web un peu différente.

On a déclenché des opérations de « Web to store » à partir de fin 2011, et on a travaillé durant un an sur la refonte totale de la plateforme, y compris sur le moteur de carte, qui était propriétaire avant et qui est désormais Open Source, Mapnik. Nous avons fourni notre code à la communauté, c'est un acte volontaire.

00FA000005735456-photo-mappy-android.jpg
00FA000005735458-photo-mappy-android.jpg
La nouvelle version de Mappy sur Android.

C'est aussi un moyen pour vous de profiter de la « fuite » des développeurs, qui délaissent Google Maps depuis que l'accès à l'API est payant ?

Dans le temps, Mappy vendait de la prestation cartographique, mais ce service a fermé. Aujourd'hui ce que nous proposons est gratuit et des clients partis sur Maps reviennent... nous ne monnayons pas ce service, car je pars du principe que Google peut, à tout moment, faire volte-face et repartir sur du gratuit. Ils ont déjà divisé leurs prix par 4 ! Je n'ai aucune confiance en Google. On a un modèle publicitaire qui marche bien, on préfère donc se centrer là-dessus.

Parlons un peu du « New Mappy » : une version bêta est déjà disponible en ligne, mais cette nouvelle version sera concrètement lancée en mars. L'idée est donc d'aller encore plus profondément dans l'expérience locale. Comment ?

Nous savons que les utilisateurs vont continuer à nous utiliser pour calculer des itinéraires, consulter des cartes et des plans. Mais nous sommes en train d'intégrer un nouvel élément central, le « Web to store ». C'est un virage qu'on a pris depuis environ un an, on a déjà une bonne expérience, mais on a voulu aller plus loin : on avait déjà des fiches d'informations pour les magasins, basées sur les informations de Pages Jaunes. Mais on ne pouvait pas « entrer » dans les magasins. On a donc lancé une expérimentation l'année dernière à Saint-Germain-en-Laye, où nous avons envoyé des photographes pour réaliser des images à 360° à l'intérieur des commerces : les photographes arpentaient les rues, entraient dans les boutiques, demandaient s'ils pouvaient réaliser les photos et récoltaient au passage des informations sur les magasins, avec la participation des gérants. Plus de 50% des commerçants de la ville ont joué le jeu. Après ça, on est allé faire la même chose à Bordeaux. On en est à 2 500 commerces « visités ».

Les informations récupérées sur les commerces servent à Mappy, mais également à Pages Jaunes ?

Elles complètent les données de Pages Jaunes. Ca concerne les méthodes de paiement, les horaires, éventuellement la page Facebook, le site du commerce...

Les prises de vue et l'enrichissement de la fiche du commerce, ça coûte quelque chose au commerçant ?

Non, c'est gratuit, on fait de la masse. On fait tous les commerces d'une rue à la chaîne, avec un appareil avec trois capteurs qui prend très rapidement les photos indoor. Au cas-par-cas, ça reviendrait très cher. Par contre, les commerçants peuvent payer pour augmenter leur visibilité sur Mappy, sur la carte et dans les résultats de recherche. Nous, on vend de l'espace publicitaire.

Vous proposez déjà d'accéder à la location d'une chambre d'hôtel via Mappy, depuis 2010. Pour les commerçants, quelle est la prochaine étape ?

Quand vous vous renseignez sur un magasin, sa localisation, ses horaires... vous avez aussi envie de savoir quels produits sont en vente : c'est ce que propose Mappy Shopping. Dans l'un des onglets des informations d'un magasin, vous avez accès à la liste des produits proposés par l'enseigne. Il ne s'agit pas d'un catalogue de produits vendus en ligne, mais vraiment sur ce qui est disponible dans le magasin : nous avons accès au stock de la boutique, mis à jour toutes les 24 heures.

Aujourd'hui, c'est un procédé qui est proposé pour environ 70 enseignes, grandes ou plus petites. Ca permet de voir si un produit et en stock, et éventuellement de le réserver pour venir le chercher à coup sûr.

01F4000005734858-photo-mappy-shopping.jpg
Mappy Shopping pour une boutique borderlaise.


C'est effectivement une démarche très locale, qui va à contre-courant du « tout e-commerce » actuel.

Pour moi, c'est une erreur colossale de se diriger vers l'achat en ligne à tout prix. Les petits commerçants qui se lancent dans la vente en ligne se retrouvent obligatoirement face à des mastodontes en face desquels ils ne font pas le poids, ils ne peuvent pas se démarquer sur Internet, à moins d'être sur un marché très niché. Et puis, faire de la vente en ligne, ça sous-entend être capable de livrer, de remplacer si la livraison se passe mal, de rassurer le client... c'est de la logistique en plus dans une boutique classique de quartier. Tout le monde ne sait pas faire, tout le monde ne peut pas faire.

En termes de business, il faut savoir que seuls 3% des internautes qui mettent un produit dans le caddie virtuel d'un site d'e-commerce finissent par l'acheter. Il faut un énorme afflux de visiteurs pour faire du chiffre d'affaire, ça ne convient pas du tout aux commerces locaux. D'autant qu'en magasin, le taux de transformation se situe entre 40 et 60% ! Il y a donc tout à gagner à pousser les gens dans les boutiques.

Miser sur le Web pour pousser le local, c'est bien, mais il faut quand même que l'information ressorte dans les moteurs de recherche.

C'est là que les données que nous récupérons auprès des commerçants entrent en jeu : les informations « vitrines » ne sont pas, ou peu, disponibles sur Internet. Notre objectif est de les mettre en avant sur Mappy et d'utiliser notre position, notre poids en tant que plateforme, pour pousser ses informations sur Google et ressortir dans les premiers résultats. Une performance que le commerçant seul n'aurait pas pu atteindre sans notre « vitrine digitale ».

En somme, vous cherchez à renforcer la visibilité du local en le poussant sur un Internet très global.

Internet n'est pas nécessairement « global » : on voit bien que les gens font des recherches sur le local, avec la volonté de s'interroger sur ce qui se passe autour d'eux. En se focalisant sur l'international, finalement, on se cloisonne. Aujourd'hui, il n'y a pas d'outils qui permet de s'intéresser au local : notre objectif est donc d'en proposer, et de manière agressive, en nous rendant nous-même dans les magasins, sans attendre que les commerçants le fassent eux-mêmes, notamment en sollicitant Google.

Notre objectif est donc d'aider les commerçants à développer leur présence sur Internet dans une dimension locale : d'ailleurs, cette perspective est mise en avant dans le changement de nom de Pages Jaunes Group, qui devient Solocal Group. Maintenant, nous ne faisons qu'accompagner les commerçants, nous ne nous immisçons pas dans leurs ventes. Concernant les prix, la concurrence avec les sites de e-commerce... c'est à eux de trouver des solutions.

En marge du nouveau Mappy, vous continuez de développer ZoomOn, votre rassemblement communautaire sur Facebook.

En effet. On s'est rendu compte que, sur Facebook, pour que les gens ne saturent pas de publications hebdomadaires, il ne fallait pas proposer plus de 3 publications par semaine. Avec ZoomOn, nous avons pris la problématique des réseaux sociaux à l'envers : on propose sur Facebook des pages fans soit locales, soit thématiques. On en a une soixantaine. Comme ça, les gens choisissent d'être fans des pages qui les concernent. Pour nous, l'intérêt, c'est qu'au lieu d'être limités à 3 publications par semaine sur une page généraliste, on peut proposer 3 publications par semaine sur 60 pages ciblées selon le public, avec des jours et des heures de publications adaptées. On cumule 850 000 fans en 18 mois d'existence, avec un taux de désengagement très faible. Et là dedans, les acteurs locaux peuvent acheter de la visibilité.

Comment ZoomOn va être exploité au sein du New Mappy ?

La partie « bon plan » apparaît déjà dans la version bêta du nouveau Mappy : il s'agit d'une partie éditorialisée à l'intérieur du service. ZoomOn apparaît dans l'onglet des sélections lorsqu'il y a du contenu proposé dans la ville ciblée.

01F4000005734860-photo-mappy-zoomon.jpg
ZoomOn dans la nouvelle version de Mappy.

Pour résumer le calendrier du « New Mappy » : le service est actuellement disponible en bêta et sera officiellement lancé fin mars ?

Fin mars, début avril, on bascule à 100% sur la nouvelle version, qui s'appellera bien Mappy et non « New Mappy », puis, entre juin et septembre, les autres services vont se développer petit-à-petit. Il va y avoir une grosse actualité autour du service durant cette période. La couverture du territoire va quant à elle s'attendre progressivement : nous allons commencer à nous intéresser aux commerces de Paris à partir de mars. Notre objectif est de couvrir entre 25 000 et 30 000 magasins en indoor d'ici à la fin de l'année.

Merci !

Un récapitulatif en vidéo des nouveautés de Mappy :



Télécharger Free Pascal pour Windows.
Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ? Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
google-news

A découvrir en vidéo

Haut de page