Jean-François Pillou : "CommentCaMarche mixera contenus pertinents et avis d'utilisateurs"

23 septembre 2010 à 19h22
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Cofondateur de CommentCaMarche, Jean-François Pillou décrypte pour Clubic cette annonce qui a fait l'effet d'une petite bombe dans l'univers des médias français : l'acquisition programmée de Benchmark Group, éditeur de sites tels que Journal du Net, L'Internaute, Copains d'Avant ou Emploi Center. Elle permettra en effet au nouvel ensemble ainsi formé de revendiquer une audience de près de 20 millions de visiteurs uniques en France. Il deviendra donc de fait le premier groupe média en ligne français. Entretien.

Clubic.com - A l'heure de la croissance externe, pourquoi sélectionner un acteur tel que Benchmark Group ?

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Jean-François Pillou - Pourquoi Benchmark ? Premièrement, parce qu'on s'est rendu compte que le groupe était parmi les plus complémentaires avec l'offre de CommentCaMarche. Il y a assez peu de duplication entre les deux, que ce soit au niveau du contenu ou au niveau de l'audience. Le deuxième point, c'est qu'il s'agit d'un groupe qui possède de nombreuses compétences que nous n'avions pas en interne : savoir-faire éditorial, newsletters efficaces, infrastructure, etc. A tous les niveaux, on s'est dit que c'était une belle opération à faire. D'autant que des opérations possibles, il n'y en avait pas tant que ça !

Votre choix s'est-il porté directement sur Benchmark, ou la rencontre s'est-elle faite au hasard des dossiers qui circulent ?

On était à l'écoute depuis un petit bout de temps. Quand on a su que le dossier circulait, on a tout fait pour rentrer dans le dispositif. Au départ, on pressentait plutôt des acteurs de type Lagardère ou Orange, mais en discutant avec les fondateurs de Benchmark, on s'est rendu compte que notre proposition était vraiment différente de celle des autres groupes. Comme nous sommes une petite équipe, on reprendra la structure sans avoir à faire de licenciement par exemple. Les effectifs sont principalement composés de profils éditoriaux ou techniques que l'on n'a pas aujourd'hui, et de commerciaux. Des commerciaux, nous en avons depuis qu'on a internalisé notre régie l'an dernier, mais nous allons maintenant constituer un groupe de toute autre envergure.

En pratique, une réorganisation, est-elle prévue, géographique par exemple ?

A ce stade, tout n'est pas encore écrit, mais c'est plutôt nous qui nous allons nous adapter. Nous sommes moins d'une vingtaine, donc ce sera nettement plus facile pour nous que pour les 150 personnes de Benchmark.

Et au niveau managérial ? Qu'adviendra-t-il par exemple des Delaporte (fondateurs de Benchmark) dans la nouvelle structure ?

Les fondateurs restent en partie au capital, ils réinvestissent dans le nouveau groupe. Au niveau opérationnel, c'est nous - Benoit Sillard, Isabelle Weill et moi qui dirigeons. Eux sont au conseil d'administration et nous aident. D'une part pour nous conseiller, assurer la continuité avec ce qui est fait aujourd'hui chez Benchmark, puis dans nos choix pour l'avenir.

A la fois média avec JDN, site collaboratif avec CCM, réseau social avec Copains d'Avant, guide pratique avec l'Internaute, il parait bien difficile de définir simplement le nouveau CommentCaMarche. Quelle en sera la ligne directrice ?

Nous avons deux types d'ensemble. D'un côté, des sites qui produisent des contenus, typiquement ceux du groupe Benchmark, et de l'autre des sites qui reposent plus sur des contenus de nature sociale, qu'ils soient produits par les utilisateurs ou qu'il s'agisse d'avis, de recommandations ou de conseils. Ce qu'on se dit, c'est qu'une bonne info doit reposer sur une base éditoriale forte, sur laquelle on va greffer ce qu'apporte l'expérience de l'utilisateur pour la compléter ou l'enrichir.

Benchmark édite par exemple un Guide des Restaurants sur iPhone, sous la forme d'une application, qui propose la liste de 40 000 restaurants en France. A côté, on a aussi les avis d'internautes, des commentaires, qui l'enrichissent. Avoir la base de données, c'est bien, mais avec les avis d'internautes, c'est mieux. On va donc vers quelque chose qui serait une sorte de mashup entre des bases de données de contenus très pertinents et l'enrichissement que peuvent apporter les contenus utilisateurs.

Autre point : Benchmark dispose aujourd'hui d'une masse de contenus assez phénoménale qui n'existe qu'en français aujourd'hui. Chez CMM, on a amorcé le virage à l'international et on a bien vu qu'il y avait un vrai potentiel. La cuisine, les chaînes féminines et les autres méritent d'exister dans d'autres langues.

Difficile, lorsqu'on voit l'audience que parvient à fédérer CCM avec une si petite équipe, de ne pas penser au modèle des fermes de contenu. Est-ce un modèle vers lequel vous pourriez tendre, dans cette logique d'être présent dans tous les univers ?

Les modèles de type Demand Media ? Aujourd'hui, ils existent surtout aux Etats-Unis, ça n'est pas encore trop arrivé en France. Le jour où cela se produira, il est clair que les médias français en souffriront. Il ne faut donc pas les attendre sans rien faire et regarder venir. A notre niveau, on pense qu'il est possible d'avoir l'équivalent de leur production de contenus, mais dans une approche un peu plus pratique. Si on prend l'exemple de Copains d'Avant, qui a beaucoup souffert de l'arrivée de Facebook, il va de soi qu'on ne va pas tenter de regagner le terrain perdu. Par contre, on peut aller construire des réseaux sociaux d'experts, sur la base de contenus pointus susceptibles de fédérer. Dans cette optique, on a donc une réponse beaucoup plus qualitative que ce que produisent les fermes de contenu. Leur logique sera de prendre le tout venant, de mettre au point des algorithmes capables de détecter les sujets les plus recherchés du moment, et de payer au plus bas prix un contenu de qualité souvent médiocre. Nous voulons au contraire aller vers l'hyperspécialisation et la création de communautés d'expert.

Frédéric Montagnon m'a tenu un propos très proche du vôtre lorsque je l'ai interrogé suite au rapprochement engagé entre Wikio et Overblog, centré sur cette idée de qualité, mais aussi sur cette notion de détection des sujets porteurs. A ce petit jeu, Wikio est plutôt bien placé, puisque le site joue à la fois le moteur de recherche et l'outil de recommandation ?

Il faut bien voir que nous partons avec une base de contenus très importants. Sur Copains d'avant par exemple, on a encore 12 millions d'utilisateurs actifs, c'est à dire qui ont effectué une action sur le site au cours des deux derniers mois. Or Benchmark les connait très bien, grâce à ses newsletters notamment, qui sont reconnues pour être très pointue dans leur domaine et affichent de très bons taux d'ouverture. On sait donc pousser des contenus spécifiques vers les gens qui les demandent. Chez Wikio, je suppose que l'idée sous-jacente est à peu près la même, oui. Leur fusion comme notre rapprochement avec Benchmark, c'est de proposer une alternative à ce qui se fait ailleurs, avec dans les deux cas une volonté de passer à l'international. Vous avez vu ce matin que Voyages-SNCF allait racheter Liligo, qui est présent dans toute l'Europe. On voit bien qu'il y a un mouvement du Web français, avec une vraie volonté de ne pas rester passif face à des réseaux qui sont à 99% américains !

Toujours dans cette optique de mieux cerner la direction prise, quels seraient les principaux concurrents du nouveau CCM / Benchmark ?

On a essayé d'en identifier, et il n'y a pas vraiment d'équivalent en termes d'offre de contenus. On peut penser à Wikipedia bien sûr, mais Wikipedia, c'est bien pour un exposé. Si vous vous intéressez au parquet, vous y trouverez le nom de l'inventeur ou d'autres informations du même genre. Chez nous, vous trouverez comment le poser, comment profiter d'une réduction d'impôts en en achetant. On tentera d'avoir réponse à toutes les questions imaginables, en étant sur de l'information pratique, alors que Wikipedia est plus encyclopédique. Après, on a des concurrents sur la thématique questions réponses, à la Yahoo Answers, mais on n'est pas sur les mêmes niveaux de contenus. De l'autre côté, on a les Demand Media, avec des contenus énormes mais une qualité minimale. Pas forcément mauvaise, mais minimale.

A la différence de nombreux médias, CCM a longtemps prôné l'ouverture des contenus, avec l'utilisation de licences libres. Est-ce encore le cas aujourd'hui, et qu'en sera-t-il demain ?

Aujourd'hui, nos contenus sont en Creative Commons. Il y a quelques années, chacun avait son contenu il et ne fallait surtout pas que d'autres le reprennent. Aujourd'hui, on voit bien que l'info qu'on publie n'a aucune chance d'être lue si elle n'est pas sur Facebook, Twitter les autres, donc on a tout intérêt à laisser le contenu se diffuser le plus largement possible, c'est un peu ça les médias sociaux. On voit des sociétés comme Google en souffrir d'ailleurs, puisque les gens se partagent l'information au lieu d'aller la chercher.

Quelques chiffres pour finir : les rumeurs ont fait état d'un montant de 60 millions d'euros pour cette transaction. Le confirmez-vous ? Enfin, comment se répartissent, en termes de chiffre d'affaires et d'audience, les 50 millions de visiteurs uniques dans le monde revendiqués par le nouvel ensemble ?

60 millions d'euros, ça n'est pas le bon chiffre, mais je ne peux pas donner le bon, nous sommes tenus à des accords de confidentialité. Pour ce qui est de l'audience, les 50 millions de visiteurs uniques prennent en compte l'apport des 12 millions de visiteurs uniques qui viendraient de Benchmark. Côté CCM, l'international représente plus de la moitié de notre trafic en visiteurs uniques (VU). On dépasse d'ailleurs le million de VU dans 17 pays, le plus important étant aujourd'hui les Etats-Unis, qui profite de nos sites anglophones et hispanophones. Au niveau des recettes publicitaires, les choses sont évidemment différentes, puisque nous n'avons pas encore développé des activités de régie telle que ce que nous faisons en France dans tous les pays.

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Alexandre Laurent

Alex, responsable des rédactions. Venu au hardware par goût pour les composants qui fument quand on les maltraite, passé depuis par tout ce qu'on peut de près ou de loin ranger dans la case high-tech,...

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Alex, responsable des rédactions. Venu au hardware par goût pour les composants qui fument quand on les maltraite, passé depuis par tout ce qu'on peut de près ou de loin ranger dans la case high-tech, que ça concerne le grand public, l'entreprise, l'informatique ou Internet. Milite pour la réhabilitation de Après que + indicatif à l'écrit comme à l'oral, grand amateur de loutres devant l'éternel, littéraire pour cause de vocation scientifique contrariée, fan de RTS qui le lui rendent bien mal.

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