Sylvie Krstulovic : "La musique en ligne doit redevenir un espace de plaisir et d’émotion où chacun

11 avril 2005 à 00h00
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Spécialistes de la musique, Alban MARTIN et Sylvie KRSTULOVIC évoquent un nouveau modèle équilibré entre l'industrie, les artistes et les internautes

JB : Bonjour, vous proposez de parler des nouveaux modèles économiques dans la musique en ligne lors d'une conférence le 20 avril prochain. On a entendu ou lu beaucoup de propositions à ce sujet. Quelle est votre approche ?

AM/SK : Nous souhaitons aborder ce sujet en dissociant le type d'organisations en place. En effet, nous pouvons analyser ce marché selon la taille des acteurs et leur structure de coûts : Major, Labels indépendants, artistes auto-produits et sociétés intermédiaires. Chacun à des exigences différentes et donc des modèles économiques à respecter.

JB : Pouvez vous nous en dire un peu plus ?

AM/SK : On voit petit à petit se redessiner le paysage musical actuel. Les échanges P2P ont commencé en 1997, les majors ont mis à disposition leurs catalogues de musique en France en 2004 puis ont essayé de protéger leurs acquis. Des ruptures technologiques, telles que les formats digitaux et les réseaux de Peer to Peer, contribuent chaque jour à un bouleversement en profondeur. Et on peut imaginer que le futur nous portera non pas vers une disparition des Majors mais vers une coexistence accrue avec d'autres modèles.

Prenons le cas des majors, elles n'ont qu'un seul actif : leur catalogue. Leurs structures de coûts ne leur permettent que très peu de souplesse... Rappelons que pour certaines, elles n'arrivent au point mort qu'après la vente de 300.000 albums minimum d'un même artiste ! Elles ont eu tendance à minimiser leurs risques financiers en lançant des produits promotionnels à retour sur investissement immédiat (la Star academy a représenté jusqu'à 5% du CA d'Universal France) ce qui a eu pour effet de décrédibiliser leur rôle de découvreur de talents mais aussi de réduire la longévité de leur actif. Leur structure de coûts, grossissant avec leur part de marché, est un frein à la prise de risque et à la diversification. Par contre, leur taille leur confère une force de frappe sans équivalent. L'enjeu pour elles pourrait être de reconstruire un catalogue pérenne, d'intégrer les nouvelles technologies et les initiatives du public (P2P pour la diffusion, Podcast pour la promotion, blogs pour le buzz...).

JB : A coté du modèle incarné par les Majors, que trouve-t-on ?

AM/SK : A l'autre extrême, on retrouve les artistes autoproduits qui essaient d'émerger et qui parfois s'appuient sur les nouvelles technologies. Dans ce modèle, la structure de coût est beaucoup plus légère, certaines charges pouvant même être supportées par le public. Les fans par exemple peuvent être co-optés pour jouer une partie du rôle du producteur, et co-créer de la valeur : l'artiste et les fans font quasiment tout, tout seul, abaissant le point mort de ventes de CDs au minimum. Par exemple Maria Schneider a financé l'enregistrement de son album "Concert in the Garden", via la plateforme online 'artistshare' permettant de récolter des subventions de fans (plus de 80.000 dollars) en échanges de contenus exclusifs : interviews, photos, chat, partitions... Ses pairs lui ont donné raison puisqu'elle a gagné un Grammy Award en 2005 pour ce même album !

Autre exemple, en 3 semaines, les ventes du single "Jupiter Darling" du groupe Heart, encrypté via la technologie Weed pour les MP3s et disséminé sur les réseaux de P2P, ont dépassé celles générées par Music Store ! Dans ce cas, la commercialisation a été assurée par les fans, permettant de reverser à l'artiste 50% du prix de vente, et les revendeurs successifs se partageant 35% des 50% restant. Dans ce modèle porté par les artistes autoproduits, l'objectif est de se faire connaître et de diffuser sa musique afin de pouvoir, soit rester autonome, soit d'intégrer une Major qui saura leur faire prendre une dimension majeure.

JB : Et quels sont les autres acteurs de la musique en ligne ?

AM/SK : Entre ces deux modèles, nous retrouvons des labels indépendants (Naïve) et des acteurs qui viennent compléter les deux modèles énoncés précédemment : des agences spécialisées notamment dans la gestion de communauté (Attitude Net), des plates-formes de distribution (Soundoo), des vitrines gratuites sur internet (Jamendo) ou même des initiatives uniques de vente de musique (Trust Média et son concept de morceaux personnalisés).

JB : Pensez-vous que 2005 sera une année d'avancée pour les nouveaux modèles économiques de la musique en ligne ?

AM/SK : Nous le souhaitons vivement en tous les cas ! Dans le paysage actuel, le droit régit le champ du possible. Mais nous constatons aussi avec surprise que beaucoup d'acteurs en place ne se connaissent pas, ne communiquent pas ou sont très peu au fait des nouveautés. Bons nombres d'initiatives restent méconnus et nous le déplorons. Aussi, le but de cette conférence le 20 avril est double : laisser la parole à chacun et partager toutes les success story connues, quelles soient françaises ou étrangères. Pour conclure, nous dirons que tous les efforts doivent être orientés vers l'auditeur pour que la musique ne soit pas un sujet d'emprisonnement au sens propre comme au figuré mais redevienne un espace de plaisir et d'émotion où chacun trouve son intérêt.

Info pratiques : Music 3.0 :

mercredi 20 avril de 18H30 à 21H
à la Mairie du 3ème arrondissement,
2, rue Eugène Spuller - 75003 Paris M°Temple
La soirée se prolongera par un cocktail. PAF de 2 euros
Entrée sur inscription obligatoire par e-mail : mymusic@noos.fr
Le détail complet de l'événement est disponible ici: http://mymusic.typepad.com/
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