Silvère TAJAN : Spécialiste en informatique de Communication et groupware

24 mars 2000 à 00h00
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Sylvère Tajan est consultant en informatique de communication. Il est parmi les meilleurs spécialistes français du GroupWare et particulièrement des solutions fonctionnant avec des technologies ouvertes. Co-Auteur d'un ouvrage de référence sur le sujet, i

JB - Monsieur Tajan bonjour. Vous avez ecrit un ouvrage consacré à l'intranet et au groupware. Selon vous s'agit-il d'une mode ou est-ce une véritable révolution pour l'entreprise?

ST - Fondamentalement, ni l'essor des technologies Intranet, c'est à dire la convergence de l'informatique d'entreprise vers des standards ouverts issus de l'Internet, ni l'intérêt pour le groupware, c'est à dire les outils d'aide à la communication, la coordination et le travail de groupe ne sont des modes : ils correspondent à des tendances lourdes de l'évolution des technologies de l'information depuis leur apparition, à savoir le passage d'une informatique de productivité (comptabilité,gestion de stock ...) à une informatique à valeur ajoutée où la communication est le maître mot. Dans ce contexte, l'Intranet constitue l'environnement technologique ouvert nécessaire à l'émergence d'une informatique communicante, et le groupware un effort vers la constitution d'une informatique de groupe.

Pourtant, et vous avez raison de le faire remarquer, si l'Intranet et le groupware ne sont pas UNE MODE, ils sont incontestablement A LA MODE. En réalité, cette tendance générale de l'évolution de l'informatique s'est incarnée au cours des années dans des projets particuliers sensés incarner ces préoccupations : ce fut l'EDI ou la GED il y a quelques années, c'est aujourd'hui l'Intranet et le Groupware, ce sera d'ici peu le Knowledge Management. Le risque est de limiter cette révolutioninformatique en cours aux seuls projets menés sous l'étiquette Intranet, groupware ou Knowledge Management, alors que ces réformes fondamentales touchent en réalité l'ensemble du système d'information de l'organisation, voire la stratégie même de l'entreprise.

L'Intranet se doit d'être le support d'une refonte globale de la stratégie des entreprises dans un monde économique en profonde mutation, et pas un projet limité de mise en oeuvre d'un serveur web ou d'une messagerie en interne.

JB - Dans le fond, qu'est qu'un intranet...une super-messagerie?

ST - Par définition, l'Intranet est l'application des technologies issues de l'Internet aux réseaux internes d'entreprises. Concrètement, cela se traduit le plus souvent par un réseau local sous TCP/IP (le protocole de communication de l'Internet), une messagerie d'entreprise au standard Internet (SMTP/POP3), un serveur web Interne, et le navigateur web comme interface privilégiée vers le système d'information d'entreprise.
Bien souvent, les entreprises utilisent le terme générique Intranet pour désigner la mise en place d'un réseau local bureautique avec une messagerie, qu'elle quelle soit, et la volonté plus ou moins énoncée de mieux communiquer.

JB - Les outils comme Lotus Notes sont-ils de bonnes solutions de GroupWare selon vous ?

ST - Lotus Notes est un excellent outil de groupware et pour certaines tâche, c'est même un système quasi unique. Cependant, la plupart du temps, il est sous exploité dans ses fonctionnalités et utilisé comme une messagerie évoluée, ou un système de diffusion basique d'information.

Dans ce cas de figure malheureusement assez généralisé, la question se pose de la pertinence du choix de Lotus Notes pour mettre en oeuvre des applications aussi simples : en effet, cet outil de groupware est un système complexe, véritable usine à gaz logiciel demandant une charge de développement et d'administration déraisonnable quant il s'agit de batir des application élémentaires ne faisant pas appel à toutes les ressources de la base documentaire. Dans bien des cas de figure, un outil Intranet suffira amplement à couvrir les besoins limités de bien des projets sans subir toute la complexité d'un système Notes sousexploité.

JB - Quels sont les principaux obstacles à la mise en oeuvre d'un outil transversal comme un intranet?

ST - S'agissant de technologies simples et ouvertes, les principaux obstacles ne seront pas de nature technique. Bien évidemment, la dimension organisationnelle est le facteur le plus fréquent d'échec d'un projet Intranet. La rupture avec la hierarchie et les pouvoirs établis d'une part, et l'absence de convergence entre les objectifs du projet et une réorientation de la stratégie d'entreprise en général sont les deux obstacles les plus fréquents. Rappelons qu'aucune technologie ne saurait résoudre en elle-même des problèmes d'organisation ou de management, et l'Intranet n'est qu'une technologie.

JB - Pensez vous que la culture "ouverte" de l'internet va pouvoir pénétrer le monde de l'entreprise à cette occasion?

ST - C'est là tout l'enjeu. L'adaptation de l'entreprise au nouvel environnement économique mondial émergent en dépend directement.

JB - Avec internet, un certain nombre de logiciels gratuits (apache, linux, php) font leur apparition dans l'entreprise. Prenez vous au sérieux ces alternatives à Microsoft?

ST - Tout le monde prend au sérieux ces alternatives à l'informatique propriétaire d'hier, à commencer par Microsoft lui même. Le succès établis de certains projets Open Source à commencer par le serveur web Apache ou le serveur de messagerie unix SendMail (tous les deux numéro 1 en part de marché sur l'Internet) attestent du bien fondé de telles démarches. Linux devient un système d'exploitation de choix dans le monde Unix et peut être déployé comme une alternative sérieuse à Windows NT Serveur dans bien des domaines. Cependant, je limiterai grandement l'enthousiasme de certains acteur quant à la viabilité de telles solutions déployées à grande échelle sur les postes utilisateurs. Il reste en ce domaine encore beaucoup de chemin à parcourir, notamment du côté des applicatifs disponibles comme de l'unification des interfaces graphiques.

JB - Pensez vous que le Net va radicalement changer l'économie?

ST - C'est déjà le cas, et ce n'est qu'un début. On ne mesure pas encore le poids des changements à venir mais ils sont considérables. L'impact sur les marchés économiques du commerce électronique émergent est très largement sous estimé, même si les capitalisations incroyablement généreuses des start-up du secteur par les marchés boursiers américainsattestent d'une certaine prise de conscience de l'ampleur des enjeux financiers.

JB - Pour les entreprises, l'enjeu sera culturel ou technologique?

ST - Les deux. On ne peut pas séparer ces deux aspects : la technologie est un facteur culturel majeur, peut être même celui qui a le plus d'impact sociétal.

JB - Monsieur Tajan, je vous remercie.
Entretien réalisé en juillet 1999 par Jérôme Bouteiller
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