Free - Google, un accord réellement gagnant-gagnant ?

12 mars 2015 à 10h37
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En annonçant que sa Freebox mini 4K tournait sous Android, l'emblématique patron de Free, Xavier Niel, a créé la surprise. On pensait les relations tendues entre l'opérateur et Google, mais voilà les deux entreprises main dans la main. Un partenariat qui pourrait avoir été savamment calculé.

Il y avait quelque chose d'étrange qui planait dans la rédaction après la conférence de presse de Free, mardi matin, comme une incrédulité. Comment, après tant de désaccords, de conflits, d'opposition, Free pouvait-il embrasser Google de cette manière ?

Quelques mois auparavant, au moment de la sortie de la Bbox Miami de Bouygues, Maxime Lombardini, actuel directeur général d'Iliad, n'était pas tendre envers le géant de Mountain View. Lors d'un colloque organisé par l'Arcep en octobre dernier, il déclarait : « Jusque là, les opérateurs contrôlaient leur box, décidaient ce qu'ils mettaient en tête de la page d'accueil, demain lorsqu'on aura un parc Android sur la France entière ce sera Google qui pourra décider, depuis Mountain View, de la VOD qui peut être distribuée et des programmes qu'il souhaite mettre en avant ».

« Nous avons un vrai savoir-faire logiciel en France. Il serait dommage d'ouvrir l'accès à la Box comme cela ; parce qu'Android cela veut dire que, quand vous allumerez votre box, vous commencerez par remplir un formulaire Google dans lequel vous donnez vos coordonnées, cela veut dire que votre abonné disparaît un peu », avait-il ajouté, avant d'affirmer finalement « Android sur les box ce n'est pas une bonne idée, c'est laisser les clés à Google ».

Le malaise paraît alors profond et on n'imagine pas à l'époque Free sortir une box sous Android. Il y a pourtant d'excellentes raisons à cela.

Android TV : interface fluide et des économies

La première de ces raisons, c'est évidemment le système d'exploitation de Google en lui-même, devenu Android TV avec l'arrivée de Lollipop. L'interface proposée par la Freebox mini 4K est peu ou prou identique à celle que nous avons testée lors du récent CES de Las Vegas, en janvier dernier, sur les téléviseurs Philips. Et force est de constater que l'ensemble est agréable, simple d'utilisation. Les progrès réalisés par rapport à la version KitKat qui équipe la Bbox Miami sont réels, en termes d'ergonomie comme en termes de fluidité.



En plus de ces indéniables atouts, Android TV a également l'avantage de proposer un magasin d'applications très fourni, donnant accès à une multitude de services et de jeux. De ce point de vue, l'offre est même plus intéressante que sur le haut de gamme de Free, la Revolution, dont le nombre d'applications n'a jamais vraiment décollé.

Et si ces développements ont stagné, c'est pour une raison simple : leur coût. Dans cette optique, la solution Android TV est aussi une excellente alternative, puisque Free n'a pas besoin de mettre la main à la poche pour son interface, pas plus que pour les applications.

Par ses atouts et ce qu'elle permet d'économiser, Android TV a donc toute sa place sur une Freebox. Mais les qualités intrinsèques de l'interface de Google ne sont peut-être pas les seules raisons qui ont poussé Free à l'adopter.

Free et Google, la lune de Niel

L'arrivée de Google chez Free n'a pas manqué de susciter la curiosité sur les relations entre l'opérateur et le géant de l'Internet. En dehors des déclarations de Maxime Lombardini, qui n'étaient peut-être qu'une façon de dénigrer la concurrence de Bouygues, reste le conflit ouvert entre Free et Google à propos du financement de l'interconnexion.

Pour rappel, Free faisait pression depuis longtemps sur Google pour que ce dernier participe, d'une manière ou d'une autre, à la hausse vertigineuse d'utilisation de la bande passante depuis l'essor de Youtube. Cette pression s'est matérialisée de deux façons : le refus de la part de Free d'adapter son infrastructure, pénalisant ainsi ses abonnés au moment des pics de consommation, et la mise en place d'un bloqueur de publicité qui visait spécifiquement la régie de Google.

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L'arrivée d'Android TV dans une Freebox arrive comme un signal pour annoncer un accord entre les deux parties, ce qu'a confirmé Maxime Lombardini à La Tribune : « Nous n'agissons pas contre nos intérêts. Nous avons conclu avec Google un accord présentant de bonnes conditions financières. »

Si les termes de cet accord ne seront peut-être jamais publics, on peut légitimement se poser la question suivante : l'arrivée d'Android TV sur la Freebox mini 4K fait-elle partie du deal ? Il est en effet tout à fait envisageable que Google ait accédé aux requêtes de Free en échange de l'aide de l'opérateur : Google pourrait avoir voulu profiter de la force de frappe de Free pour augmenter la part de marché d'Android TV, dans un pays où les box aux systèmes propriétaires sont largement dominantes.

Un accord gagnant-gagnant pour de nombreux observateurs, qui célèbrent ainsi le mariage entre les deux anciens ennemis. Il faut dire que Xavier Niel a donné de sa personne puisqu'il n'a eu de cesse de prononcer le nom de Google durant sa conférence, allant même jusqu'à se désolidariser des propos de Maxime Lombardini que nous vous rapportions en début d'article. La technique du bon flic / méchant flic ?

Android TV comme faire-valoir de la v7 ?

Les arguments existent bel et bien pour justifier l'arrivée d'Android TV sur la Freebox mini 4K. Mais on ne peut s'empêcher de penser que derrière ce mariage de raison se cache autre chose. Voir une personnalité aussi malicieuse que l'est Xavier Niel adouber ainsi Google, c'est surprenant. L'individu nous a davantage habitués à critiquer tous azimuts.

Et un petit grain de sable dans cette idylle naissante est venu amplifier nos suspicions. Free a apporté la confirmation, comme le suggérait Xavier Niel, que la prochaine Freebox v7 ne fonctionnerait pas sous Android TV.

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Dès lors, on peut se poser la question suivante : la Freebox mini 4K et Android TV ne seraient-ils qu'un faire-valoir pour la future v7 ? La Freebox mini 4K représente l'entrée de gamme de Free, et ce n'est pas sur cette offre que l'opérateur récupère les marges les plus importantes.

Free a besoin d'une Freebox plus haut de gamme, qui se distingue fortement de la mini 4K, et l'opérateur devra appliquer une segmentation forte pour justifier un tarif plus « premium ».

De ce fait, Free devra reléguer la mini 4K et Android TV au second plan. Cette offre devra paraître nettement moins attrayante que la future v7, mettant en échec les plans de Google quant à l'expansion de son Android TV via le réseau de l'opérateur.

Free ne laisserait finalement que quelques mois à Google pour profiter de ce qui pourrait avoir fait partie d'un accord dont Free serait grand gagnant. L'opérateur a probablement obtenu une contrepartie qui lui permet enfin de libérer de la bande passante pour Youtube, et a gagné un faire-valoir pour montrer ses muscles lors de la présentation de sa v7.

Pour réussir son coup, Free est toutefois dans l'obligation d'offrir une interface au moins aussi agréable que celle d'Android TV, mais pas seulement. Il faudra que la v7 apporte quelque chose de particulièrement innovant, qui restera hors d'atteinte pour Android TV. Xavier Niel l'a répété à l'envi : selon lui, les boîtiers TV comme ils existent aujourd'hui sont amenés à disparaître, puisque les téléviseurs pourront, dans un avenir proche, prendre en charge ce que font ces box.

Free devra ainsi se renouveler, et la v7 pourrait être l'occasion de mettre un pied dans un autre domaine, et pourquoi pas celui de la maison connectée ou de l'interaction avec les objets connectés. Si le trublion du Net parvient à se distinguer suffisamment et à rendre obsolète Android TV, il aura joué un joli tour à Google.

Frédéric Cuvelier

Mes domaines de prédilection ? Les ordinateurs portables et les SSD ! Mais de temps à autre, je m'autorise quelques infidélités pour des boîtiers, des alimentations ou des solutions de refroidissement...

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Mes domaines de prédilection ? Les ordinateurs portables et les SSD ! Mais de temps à autre, je m'autorise quelques infidélités pour des boîtiers, des alimentations ou des solutions de refroidissement, tests dont je suis particulièrement friand. Je déteste l'expression "Le mieux est l'ennemi du bien" (notamment lorsqu'il s'agit de rendre mon PC silencieux), les livreurs qui arrivent sans bordereau et les coups de pieds de Polo sous le bureau. J'aime réussir mes photos-produit, améliorer les protocoles de test et cocher la case "Public" de notre interface d'édition. Féru de football, je m'essaie également à la photographie à mes heures perdues et ne recule jamais devant une petite partie de poker. Le tout saupoudré de beaucoup, beaucoup de musique.

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