Peering : Orange peut demander une rétribution à Cogent

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L'Autorité de la concurrence a finalement rendu jeudi son verdict dans le cadre de l'affaire qui opposait Orange et Cogent autour du trafic lié à Megaupload. Elle estime que l'opérateur est légitimement en droit de demander une rémunération quand le trafic entrant sur son réseau depuis un autre acteur est au moins 2,5 fois supérieur au trafic sortant.

Quand la neutralité du Net rencontre les intérêts commerciaux... l'Autorité de la concurrence a finalement statué en faveur d'Orange dans le litige qui l'opposait à l'américain Cogent, longtemps opérateur de réseau pour le compte du service Megaupload.

Dans sa décision, l'Autorité estime qu'il est légitime que le français fasse payer à son concurrent l'établissement de liens d'interconnexion supplémentaires dès lors que l'asymétrie du trafic échangé entre les deux opérateurs dépasse un certain stade. Elle subordonne toutefois cet accord à une exigence de transparence, selon laquelle Orange devra éclaircir les relations tarifaires et commerciales entretenues avec OpenTransit, sa filiale opératrice de réseau.

Au fait, le peering, qu'est ce que c'est ?

Lorsqu'un internaute essaie de se connecter à un site, il commence en effet par emprunter la ligne de son opérateur, avant d'être envoyé vers les tuyaux d'autres acteurs du réseau qui l'achemineront jusqu'au serveur ciblé.

En temps normal, le passage d'un réseau à l'autre se fait de façon transparente pour l'utilisateur final, et de façon neutre pour les opérateurs concernés, qui pratiquent ici ce que l'on appelle le peering, ou l'interconnexion. Entre acteurs de même taille, il fonctionne le plus souvent sur la base de la réciprocité. Autrement dit : j'envoie du trafic dans tes tuyaux, mais tu n'es pas lésé sur le plan financier puisque tu envoies toi aussi du trafic dans mes tuyaux.

Les problèmes surviennent lorsqu'un opérateur estime que le trafic qui entre sur son réseau (et donc représente un coût) dépasse très largement celui que lui-même envoie vers le réseau de son partenaire. C'est ce qui s'est produit avec Cogent qui, en tant que prestataire de Megaupload, déversait ainsi par moment un trafic 13 fois supérieur à celui qu'Orange lui envoyait par l'intermédiaire de sa filiale spécialisée, OpenTransit.

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D'après Orange, le trafic entrant sur son réseau était tel qu'il aurait fallu procéder à des investissements pour pouvoir l'accepter : autrement dit, élargir la taille du tuyau, ce que l'opérateur s'est refusé à faire gratuitement, au motif que la relation n'était plus équitable avec son homologue. C'est à partir de ce moment que les abonnés Orange ont commencé à constater des ralentissements importants lors de leurs connexions à Megaupload, lequel a même fini par afficher un message selon lequel l'opérateur bridait volontairement l'accès à son service.

Portée sur la place publique, l'affaire a suscité les réactions suivantes : d'un côté, Orange affirmait que Cogent doit payer pour l'établissement de nouveaux liens, tandis que de l'autre, Cogent accusait Orange de volontairement brider sa connexion vers ses services pour avantager sa propre filiale spécialisée dans le trafic IP, OpenTransit. L'affaire a finalement été portée devant l'Autorité de la concurrence, qui après un premier avis rendu en début d'année, a finalement publié jeudi ce qu'elle estime être la première décision (PDF) du genre au niveau européen.

Orange autorisé à monnayer le peering au delà d'un trafic entrant 2,5x supérieur au trafic sortant

Dans sa décision, l'Autorité de la concurrence retient que France Télécom prévoit que les capacités réseau soient facturées au delà d'un ratio entrant / sortant de 2,5, et l'estime en phase avec ce que pratique la concurrence. « L'Autorité a considéré que compte tenu du caractère très asymétrique des échanges de trafic entre France Télécom et Cogent, cette demande de facturation ne constitue pas en l'état une pratique anticoncurrentielle », conclut-elle donc.

Elle demande toutefois que France Télécom clarifie « les relations tarifaires et commerciales entre son activité de fournisseur d'accès à Internet et son activité d'opérateur de transit ». Un objectif de transparence devant permettre de vérifier l'absence de toute pratique anti-concurrentielle.

Alors que l'UFC Que Choisir vient de saisir l'Arcep et la répression des fraudes sur le sujet, en raison des problèmes rencontrés entre Free et Google au sujet de YouTube, cette décision pèsera certainement dans les futurs débats liés à la question du peering (interconnexion entre réseaux), ainsi qu'à la neutralité du Net de façon générale.

Faute de texte valide au niveau européen, les pratiques d'interconnexion ne sont aujourd'hui pas encadrées au niveau légal.
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