Alors qu'il est lourdement endetté, SFR file vers la sauvegarde judiciaire accélérée. L'opérateur au carré rouge pourrait changer de mains dans les prochaines semaines, non sans conséquences pour les abonnés, qui peuvent prendre les devants.

SFR est dans une partie décisive de sa vie © Alexandre Boero / Clubic
SFR est dans une partie décisive de sa vie © Alexandre Boero / Clubic

Vous avez peut-être aperçu, ces derniers jours à la télévision, une publicité signée SFR, estampillée d'un slogan « On s'engage pour vous ». Mais une phrase prononcée dans l'annonce a une résonance toute particulièrement aujourd'hui : « On en a vécu des choses ensemble depuis près de 40 ans ». Simple merci ou message d'adieu, comment interpréter cette formule si conventionnelle au premier degré de lecture ?

Il faut dire qu'entre fin 2023 et fin 2024, SFR a vu s'envoler plus d'un million de clients, portant ses pertes totales à deux millions d'abonnés. Le groupe Altice, la maison mère, a entre-temps lâché La Poste Mobile et ses plus de deux millions d'abonnés. Avec des milliards d'euros de dette et une procédure de sauvegarde imminente, Patrick Drahi, le patron d'Altice qui est propriétaire de SFR, ne cache plus son envie de passer la main. Une situation qui concerne directement 19 millions d'abonnés mobile et 6 millions en fixe.

Une procédure de sauvegarde accélérée imminente pour SFR

Vingt-cinq milliards d'euros. Répétez ce chiffre pour mesurer l'ampleur du gouffre financier. Cette dette bancaire écrase SFR comme un rouleau compresseur, et a transformé depuis longtemps le deuxième opérateur français en colosse aux pieds d'argile. Entre fin 2023 et fin 2024, c'est un véritable exode qu'a vécu et subi l'entreprise.

Et le remède n'a pas porté ses fruits. Augmentation sur augmentation, les tarifs ont souvent grimpé pour les fidèles abonnés ces dernières années, comme pour tenter de colmater les brèches. En contrepartie, SFR a tenté de séduire de nouveaux abonnés, en restant agressif notamment grâce à sa marque RED by SFR, je pense ici à la RED Box, l'une des offres les plus compétitives du marché encore aujourd'hui sur le fixe.

Mais le résultat de tout cela est prévisible : les clients fuient encore plus vite. Un cercle vicieux documenté par l'ADC France, l'Association de défense des consommateurs, qui a voulu pointer du doigt cette spirale infernale où, selon elle, chaque hausse de prix accélère l'exode des abonnés restants.

La procédure de sauvegarde accélérée attendue début juin 2025 pourrait sonner comme un aveu d'échec pour l'opérateur. Cette mesure permettra de geler les dettes de SFR, tout en maintenant l'activité. Un répit nécessaire pour organiser la vente, Bouygues et Free étant sur les rangs. Orange devrait probablement rester hors-jeu, puisqu'une acquisition totale créerait un quasi-monopole inacceptable pour les autorités.

Ce que peuvent faire les abonnés SFR à ce stade

Que peuvent faire les abonnés de SFR aujourd'hui, dans cette situation ? Tout d'abord, se rassurer en se disant que l'opérateur au carré rouge risque juste de changer de main que ce soit un rachat de toutes ses activités ou une découpe par appartements. La procédure sera longue et rien ne se passera tant que les dettes seront gelées ou que SFR n'aura pas changé de main. L'Association de défense des consommateurs de France est quant à elle un peu plus méfiante et conseille, par précaution, de « Récupérer dès maintenant le numéro RIO ». Ce fameux Relevé d'Identité Opérateur permet, rappelons-le, de conserver son numéro lorsqu'on change d'opérateur. L'association insiste sur un point : tant que votre contrat SFR fonctionne, la démarche reste simple. Attention, il ne s'agit pas, ici, d'inciter à changer d'opérateur. La transition devrait se faire sans que l'abonné puisse s'en apercevoir.

Il existe en fait deux catégories de clients. Si vous êtes équipé d'un forfait mobile sans engagement, vous êtes libre de regarder les offres d'Orange, Bouygues ou Free, comme vous êtes libre de regarder celles de SFR si vous êtes chez l'un de ces trois opérateurs. Si vous êtes sous engagement, alors il faudra faire preuve de patience. Traditionnellement, lorsqu'on est engagé avec un forfait, on paie des pénalités si on le rompt avant la fin de l'engagement. Mais on ne paie pas pour la portabilité de son numéro, c'est une règle d'or. Et la vente de SFR déclenchera une résiliation automatique du forfait mobile, sans pénalités. Existe aussi une option trois : ne rien faire, attendre que vente se fasse.

Attention tout de même aux cas épineux, on pense ici aux consommateurs rattachés à Preventel, le fichier partagé entre opérateurs (sauf Free), qui liste les clients avec impayés ou usages frauduleux des lignes mobiles. Ici, le problème est que SFR est le seul à pouvoir demander leur « défichage ». Qu'adviendra-t-il de leur sort une fois l'opérateur vendu, se demande l'ADC France ? Car chez la concurrence, les cautions peuvent grimper jusqu'à 500 euros.

Autre piège, celui des smartphones en location. Ceux récupérés dans le cadre d'une offre conclue avec SFR restent propriété de l'opérateur au carré rouge et pourraient être réclamés par ce dernier, ce qui serait légal d'un point de vue contractuel. Mais il est beaucoup trop tôt pour s'avancer sur tel ou tel scénario. Quid enfin des millions de clients RED by SFR ? Pour le moment, le mystère est total sur leur sort. La vigilance est en tout cas de mise, car cette période tumultueuse, remplie d'incertitudes, ouvre la porte aux escrocs du Web, qui ne se priveront pas de lancer de nouvelles campagnes d'hameçonnage pour essayer de piéger les consommateurs.